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GALERIES DE L’EUROPE.
l’étroite amitié qui unit durant son séjour de quatre années à Florence, de 1504
à 1508, Raphaël et Ridolfo Ghirlandaio, on ne sera pas étonné de trouver dans
le tableau de Graziadei des accents de la seconde manière de Raphaël, de celle où
s’émancipant des disciplines ombriennes, il laisse son coloris s’épanouir en liberté. »
Il est curieux d’étudier l’effet d’un génie supérieur et celui d’un talent or-
dinaire, et de comparer, par exemple, la seconde manière de Raphaël à la seconde
manière de Gerino da Pistoia, élève comme lui de Pérugin, et auteur de ce
tableau de la Vierge et VEnfant, assise au milieu d’un groupe de saints et'
de saintes, parmi lesquels on reconnaît à droite saint Jacques, saint Corne et
sainte Marie-Madeleine; à gauche sainte Catherine, saint Roch et saint Dominique.
Ce tableau, qui provient du couvent de Gala da Pistoia, est daté de 1529. Il est
postérieur à la mort de Raphaël. Mais les fruits de la conversion tardive de Gerino
aux pompes de la vie et de la chair sont loin de valoir les fruits de l’inexpé-
rience de Raphaël en 1500. Le tableau de Gerino da Pistoia est loin cependant
d’être sans mérite.
Si nous passons à la décadence vénitienne, comme nous l’avons fait pour la
décadence bolonaise, si nous demandons à un élève dégénéré du Titien comment il
entend la Sainte Famille, nous trouverons les exagérations de forme et de cou-
leur , et l’abaissement des caractères qui nous ont déjà choqué dans la Sainte
Famille de Carrache. On peut le dire maintenant, les divins visages n’ont trouvé
que dans l’école de Pérugin, unie à l’école de fra Rartolommeo, dans la doctrine
qui mélangea la force florentine avec la grâce ombrienne, des interprètes dignes
d’eux. Les Lombards, les Rolonais, les Vénitiens, les Napolitains, supérieurs par
d’autres côtés, n’ont pas su faire des vierges célestes et des bambini adorables. Ils
ont fait tous, plus ou moins, au premier plan d’un paysage sévère ou gracieux,
une belle ou une jolie femme, tenant un enfant souriant, dormant dans son giron,
et que lutine un saint Jean portant, comme un jouet ordinaire, sa croix de roseau.
C’est ce qui est arrivé à Polidoro Veneziano, encore plus facilement qu’à Annibal
Carrache, car il était loin d’avoir son talent.
Mais qu’était-ce que ce Polidoro, né en 1515, mort en 1565, dont quelques
contradicteurs attribuent à Bernardino Licinio, frère du Pordenone, ce tableau dont
nous parlons, qui est incontestablement d’un Vénitien? Son auteur est assez mal
traité par les biographes. Il y a des artistes qui avec eux n’ont pas de chance. S’il
faut en croire Lanzi, Polidore n’était qu’un médiocre élève de l’école du Titien, et,
s’il faut en croire Ridolfi, ce n’était qu’une espèce de barbouilleur mercenaire,
qui faisait des tableaux pour les maîtres de boutiques, avec des figures de vierges
et de saints, tableaux qui sont en grand nombre éparpillés dans les maisons de
Venise. Ce jugement porté sur l’homme qui a fait et signé ce tableau provenant de
GALERIES DE L’EUROPE.
l’étroite amitié qui unit durant son séjour de quatre années à Florence, de 1504
à 1508, Raphaël et Ridolfo Ghirlandaio, on ne sera pas étonné de trouver dans
le tableau de Graziadei des accents de la seconde manière de Raphaël, de celle où
s’émancipant des disciplines ombriennes, il laisse son coloris s’épanouir en liberté. »
Il est curieux d’étudier l’effet d’un génie supérieur et celui d’un talent or-
dinaire, et de comparer, par exemple, la seconde manière de Raphaël à la seconde
manière de Gerino da Pistoia, élève comme lui de Pérugin, et auteur de ce
tableau de la Vierge et VEnfant, assise au milieu d’un groupe de saints et'
de saintes, parmi lesquels on reconnaît à droite saint Jacques, saint Corne et
sainte Marie-Madeleine; à gauche sainte Catherine, saint Roch et saint Dominique.
Ce tableau, qui provient du couvent de Gala da Pistoia, est daté de 1529. Il est
postérieur à la mort de Raphaël. Mais les fruits de la conversion tardive de Gerino
aux pompes de la vie et de la chair sont loin de valoir les fruits de l’inexpé-
rience de Raphaël en 1500. Le tableau de Gerino da Pistoia est loin cependant
d’être sans mérite.
Si nous passons à la décadence vénitienne, comme nous l’avons fait pour la
décadence bolonaise, si nous demandons à un élève dégénéré du Titien comment il
entend la Sainte Famille, nous trouverons les exagérations de forme et de cou-
leur , et l’abaissement des caractères qui nous ont déjà choqué dans la Sainte
Famille de Carrache. On peut le dire maintenant, les divins visages n’ont trouvé
que dans l’école de Pérugin, unie à l’école de fra Rartolommeo, dans la doctrine
qui mélangea la force florentine avec la grâce ombrienne, des interprètes dignes
d’eux. Les Lombards, les Rolonais, les Vénitiens, les Napolitains, supérieurs par
d’autres côtés, n’ont pas su faire des vierges célestes et des bambini adorables. Ils
ont fait tous, plus ou moins, au premier plan d’un paysage sévère ou gracieux,
une belle ou une jolie femme, tenant un enfant souriant, dormant dans son giron,
et que lutine un saint Jean portant, comme un jouet ordinaire, sa croix de roseau.
C’est ce qui est arrivé à Polidoro Veneziano, encore plus facilement qu’à Annibal
Carrache, car il était loin d’avoir son talent.
Mais qu’était-ce que ce Polidoro, né en 1515, mort en 1565, dont quelques
contradicteurs attribuent à Bernardino Licinio, frère du Pordenone, ce tableau dont
nous parlons, qui est incontestablement d’un Vénitien? Son auteur est assez mal
traité par les biographes. Il y a des artistes qui avec eux n’ont pas de chance. S’il
faut en croire Lanzi, Polidore n’était qu’un médiocre élève de l’école du Titien, et,
s’il faut en croire Ridolfi, ce n’était qu’une espèce de barbouilleur mercenaire,
qui faisait des tableaux pour les maîtres de boutiques, avec des figures de vierges
et de saints, tableaux qui sont en grand nombre éparpillés dans les maisons de
Venise. Ce jugement porté sur l’homme qui a fait et signé ce tableau provenant de