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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 3)

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Hamerton, Philip Gilbert: Thomas Seddon, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16676#0305
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276 L'ART.

croit volontiers, quand il se trouve devant un tableau aussi sincère que la Jérusalem de Seddon, que le
peintre a voulu se moquer de lui. Rien dans une galerie d'œuvres d'art n'est aussi choquant que la nature
pure, que la vraie vérité. Cela déroute toute notre esthétique, cela échappe à toutes les formules des
critiques d'atelier et de salon. Les phrases toutes faites du connaisseur ne sont plus applicables ici, et
tout au plus il dira : « Tiens! c'est drôle ! »

On ne peut pas affirmer que Seddon ait fondé une école, mais il a un successeur parmi les artistes
vivants, M. John Brett, un paysagiste qui dessine avec autant de finesse que Seddon, et qui s'est
appliqué à rendre la vérité locale aussi scrupuleusement que lui, sans choisir cependant des sujets
ayant autant d'intérêt historique ou religieux. Il est peu probable que le genre de Seddon soit beaucoup
suivi dans l'avenir. 11 fallait toute l'intensité de ses convictions religieuses et artistiques pour le sou-
tenir dans des travaux aussi sévères, qui laissaient si peu de jeu à l'esprit du peintre. Son travail fut
loin d'être amusant, et l'on voit bien, malgré toute sa résolution, qu'il s'ennuyait au bout de quelque
temps dans sa solitude d'Aceldama. Faut-il avouer que l'artiste qui ne s'amuse pas un peu en peignant
est un artiste essentiellement incomplet? Il est bon d'étudier sérieusement, mais il ne faut pas être
trop sérieux, et un peu de légèreté athénienne est plus favorable à l'art que le fanatisme hébraïque.
Le caractère de Seddon mérite tout notre respect; on trouve rarement un homme aussi dévoué à ce
qu'il croit être digne de ses efforts : il ht tout son possible pour être bon chrétien et peintre fidèle ;
mais il me paraît évident que sa nature était bien moins artistique que religieuse. Il préféra l'intérêt
religieux à la beauté. Il négligea les charmants paysages de la France et de l'Angleterre, avec leurs
eaux abondantes, leurs nobles arbres, leurs belles lignes de coteaux ou de montagnes, pour aller travail-
ler dans un pays laid et désolé, « la triste Judée, desséchée comme par un vent d'aridité et de mort ».
Sans y avoir voyagé, on peut en juger par la représentation trop fidèle de Seddon lui-même. Selon
le témoignage de sa toile dans la galerie nationale, le paysage vu d'Aceldama, quoique plein d'intérêt
historique et religieux, est d'une laideur ennuyeuse, et ne fait pas une œuvre d'art. Tout ce qui inté-
resse dans ce tableau au point de vue purement artistique, c'est l'habileté du peintre qui, à force de
patience et de travail, était parvenu à rendre les détails avec une surprenante réalité, non-seulement
quant à la forme, mais pour la couleur locale aussi. Les peintres en brun et gris, ceux qui se servent
beaucoup de la terre d'ombre brûlée, diront que sa couleur est fausse parce qu'elle tâche de rendre
l'éclat de l'Orient, mais elle a été approuvée par le témoignage de voyageurs qui connaissent le pays.
Je crois parfaitement à sa vérité, mais je ne dis pas que cet éclat soit toujours agréable à l'œil. Il y a là
toute une question de relation de couleur et de lumière qui est infiniment trop étendue pour être
entamée à la fin d'un article. Disons donc adieu à Seddon avec le respect qu'il mérite, et non sans une
certaine tristesse. Si jamais je me trouvais au Caire, j'irais au cimetière des Anglais pour visiter sa
tombe et pour y déposer une couronne d'immortelles. Même à présent je puis y déposer, dans un autre
sens, ce travail, qui fera un peu connaître son nom, au moins de quelques personnes, dans un pays où
il a souvent séjourné, où il a beaucoup appris et beaucoup aimé, et vers lequel ont volé ses der-
nières pensées, quand la lutte de sa vie était finie, et que, vaincu, il attendait la mort.

Philip Gilbert Hamerton.
 
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