i46 L'ART.
Nous n'en citerons qu'un exemple : le Dessin d'art, à l'asile, par M. Raymond Balze, né à
Rome, de parents français, élève d'Ingres, reçu hors concours. Ou nous nous trompons fort, ou
M. Raymond Balze n'a jamais obtenu de ses pairs la moindre récompense. Mais il est chevalier
de la Légion d'honneur depuis 1873, — ce qui n'est pas trop tôt pour un élève d'Ingres. — Et
cela suffit pour que ses envois échappent aux critiques du jury d'admission, obligé de s'incliner
et de lui ouvrir à deux battants les portes du Salon. D'ailleurs, n'est-il pas né à Rome? C'est un
titre, évidemment. Sans compter que son illustre maître, — il ne lui manquait plus que cela, —
le considérait comme un de ses disciples les plus prodigieux. Il n'en est pas moins vrai que si
le tableau de M. Balze, œuvre qui défie toute description, n'avait pas bénéficié du privilège
attribué aux « hors concours », il y a cent à parier contre un que le jury aurait prié l'auteur
d'étudier à nouveau « le dessin d'art », fût-ce même « à l'asile ».
Malgré tout, le Salon de peinture est plus que satisfaisant, et très supérieur dans son
ensemble aux expositions des dernières années, parce que si le niveau des œuvres de troisième
et quatrième ordre est resté stationnaire, pour ne pas dire moins, le niveau des œuvres d'un vrai
mérite s'est élevé de beaucoup au-dessus des meilleures productions
des expositions précédentes.
Il y a lieu de constater que si la sculpture ne décline pas,
la peinture reprend la corde, elle qui depuis longtemps s'était
laissé distancer.
Après une rapide promenade à travers les innombrables salles
que la peinture occupe au palais des Champs-Elysées, nous n'avons
pas la prétention d'entreprendre une analyse raisonnée des
œuvres les plus saillantes du Salon. Nous essayerons seulement, —
réservant la sculpture pour une visite spéciale — de guider nos
lecteurs dans les galeries du premier étage, et de leur signaler,
sous bénéfice d'inventaire et sauf à combler les lacunes de nos
premières impressions, les toiles les plus dignes d'attention, celles
qu'il faut voir, et peut-être par-ci par-là quelques-unes de celles
qu'il sera prudent d'éviter.
SALLE VIII.
M110 Louise Abbema. — La jeune artiste a fait de notables
progrès. Elle expose deux portraits féminins qui sont très remarqués.
Portrait de M,le Je an ne Sam a r y. -.tn 7-. . » i ,#-///> t ■
N° 1, Portrait de Mue Jeanne Samarv, sociétaire de la Comédie
Dessin de M11» Louise Abbema 7
d'après son tableau. (Saion de is79.) française, robe havane, sur fond vert; nœud de cravate framboise.
La pose est charmante et le minois espiègle de la gentille
soubrette des Français est d'une spirituelle ressemblance. C'est un des plus heureux morceaux
de peinture du Salon. N° 2, Portrait de M'"c ***, robe de satin noir sur fond chamois; ce
fond manque de sacrifices, et la tête semble s'y incruster; il a de plus le tort grave d'être
du môme ton que les gants. Le contour de la tête est dur. La peinture n'en est pas moins
large et virile.
Jules Bastien-Lepage. — 164, Saison d'Octobre, et 16)", Portrait de Mlu Sarah Bernhardt.
Deux des sensations du Salon. Nous reviendrons sur le grand tableau de la récolte des pommes
de terre fSaison d'Octobre), dont nous publions dès aujourd'hui la gravure. C'est une sorte de
pendant aux Foins de l'an dernier. Quant au portrait de M"e Sarah Bernhardt, c'est un petit
chef-d'œuvre d'exécution ; les blancs gris de la robe à ramages s'enlèvent avec une dextérité
surprenante sur les blancs clairs de la tenture ; les chairs ont la souplesse et la moiteur de la
vie, la chevelure est d'un ton exquis, d'un faire incomparablement habile. Par exemple, nous ne
sommes pas assez liés avec « l'Étrangère » pour oser affirmer que l'expression béante donnée à
la bouche de l'éminente artiste soit aussi ressemblante qu'elle est peu pittoresque. Ce profil de
lèvres entr'ouvertes nous gâterait le tableau s'il n'était pas compensé par les rares qualités
Nous n'en citerons qu'un exemple : le Dessin d'art, à l'asile, par M. Raymond Balze, né à
Rome, de parents français, élève d'Ingres, reçu hors concours. Ou nous nous trompons fort, ou
M. Raymond Balze n'a jamais obtenu de ses pairs la moindre récompense. Mais il est chevalier
de la Légion d'honneur depuis 1873, — ce qui n'est pas trop tôt pour un élève d'Ingres. — Et
cela suffit pour que ses envois échappent aux critiques du jury d'admission, obligé de s'incliner
et de lui ouvrir à deux battants les portes du Salon. D'ailleurs, n'est-il pas né à Rome? C'est un
titre, évidemment. Sans compter que son illustre maître, — il ne lui manquait plus que cela, —
le considérait comme un de ses disciples les plus prodigieux. Il n'en est pas moins vrai que si
le tableau de M. Balze, œuvre qui défie toute description, n'avait pas bénéficié du privilège
attribué aux « hors concours », il y a cent à parier contre un que le jury aurait prié l'auteur
d'étudier à nouveau « le dessin d'art », fût-ce même « à l'asile ».
Malgré tout, le Salon de peinture est plus que satisfaisant, et très supérieur dans son
ensemble aux expositions des dernières années, parce que si le niveau des œuvres de troisième
et quatrième ordre est resté stationnaire, pour ne pas dire moins, le niveau des œuvres d'un vrai
mérite s'est élevé de beaucoup au-dessus des meilleures productions
des expositions précédentes.
Il y a lieu de constater que si la sculpture ne décline pas,
la peinture reprend la corde, elle qui depuis longtemps s'était
laissé distancer.
Après une rapide promenade à travers les innombrables salles
que la peinture occupe au palais des Champs-Elysées, nous n'avons
pas la prétention d'entreprendre une analyse raisonnée des
œuvres les plus saillantes du Salon. Nous essayerons seulement, —
réservant la sculpture pour une visite spéciale — de guider nos
lecteurs dans les galeries du premier étage, et de leur signaler,
sous bénéfice d'inventaire et sauf à combler les lacunes de nos
premières impressions, les toiles les plus dignes d'attention, celles
qu'il faut voir, et peut-être par-ci par-là quelques-unes de celles
qu'il sera prudent d'éviter.
SALLE VIII.
M110 Louise Abbema. — La jeune artiste a fait de notables
progrès. Elle expose deux portraits féminins qui sont très remarqués.
Portrait de M,le Je an ne Sam a r y. -.tn 7-. . » i ,#-///> t ■
N° 1, Portrait de Mue Jeanne Samarv, sociétaire de la Comédie
Dessin de M11» Louise Abbema 7
d'après son tableau. (Saion de is79.) française, robe havane, sur fond vert; nœud de cravate framboise.
La pose est charmante et le minois espiègle de la gentille
soubrette des Français est d'une spirituelle ressemblance. C'est un des plus heureux morceaux
de peinture du Salon. N° 2, Portrait de M'"c ***, robe de satin noir sur fond chamois; ce
fond manque de sacrifices, et la tête semble s'y incruster; il a de plus le tort grave d'être
du môme ton que les gants. Le contour de la tête est dur. La peinture n'en est pas moins
large et virile.
Jules Bastien-Lepage. — 164, Saison d'Octobre, et 16)", Portrait de Mlu Sarah Bernhardt.
Deux des sensations du Salon. Nous reviendrons sur le grand tableau de la récolte des pommes
de terre fSaison d'Octobre), dont nous publions dès aujourd'hui la gravure. C'est une sorte de
pendant aux Foins de l'an dernier. Quant au portrait de M"e Sarah Bernhardt, c'est un petit
chef-d'œuvre d'exécution ; les blancs gris de la robe à ramages s'enlèvent avec une dextérité
surprenante sur les blancs clairs de la tenture ; les chairs ont la souplesse et la moiteur de la
vie, la chevelure est d'un ton exquis, d'un faire incomparablement habile. Par exemple, nous ne
sommes pas assez liés avec « l'Étrangère » pour oser affirmer que l'expression béante donnée à
la bouche de l'éminente artiste soit aussi ressemblante qu'elle est peu pittoresque. Ce profil de
lèvres entr'ouvertes nous gâterait le tableau s'il n'était pas compensé par les rares qualités