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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 19.1893 (Teil 2)

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Paris, Pierre: L' architecture religieuse en Égypte, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22769#0324
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des temples égyptiens, celle qui nous occupe en ce moment, la sculpture en ronde bosse, vaut
peu, ou ne vaut rien, si Ton prend à part chaque figure : la tradition figée, la convention indes-
tructible y régnent en souveraines : mêmes attitudes d'exception, mêmes gestes, hiératiques
peut-être, en tous cas humains très peu, mêmes formes rondes et molles, mêmes visages sans
expression personnelle, et, par-dessus tout, même facture uniformément rapide et lâche, où
s'abandonnent des artisans rompus à toutes les finesses d'un métier, mais non des artistes.

Il y a, certes, des exceptions frappantes. Sans parler de la statue du roi Khéphrên, ce chef-
d'œuvre de l'art memphiste, déjà, lorsque, sous le premier empire thébain, se fut développé chez
les Égyptiens le goût du colossal, plus d'une image de Pharaon — la dignité suprême des
personnages est une explication suffisante — plus d'une statue de granit ou de basalte se distingue
par des mérites rares de conception et de technique; la majesté du roi, presque du dieu, s'y
révèle avec éclat et avec force ; et même, plus tard, au temps de la xvme et de la xixe dynastie,
alors qu'au dire de quelques critiques a déjà commencé la décadence des arts égyptiens, de
puissantes figures, comme la tête d'Harmhabi, comme le Ramsès II de Louqsor, portent, à défaut
de signature, la marque de génies singulièrement originaux et vigoureux. « Le roi, dit M. Mas-
péro, en parlant d'Harmhabi, est en granit noir, dont le ton lugubre inquiète et trouble le
spectateur au premier abord. Sa face, jeune, est empreinte d'une mélancolie assez rare chez les
Pharaons de la grande époque. Le nez est droit, mince, bien attaché au front, l'œil long. Les
lèvres larges, charnues, un peu contractées aux commissures, se découpent à arêtes vives. Le
menton est à peine alourdi par la barbe postiche. Chaque détail est traité avec autant d'adresse
que si le sculpteur avait eu sous, la main une pierre tendre, et non pas une matière rebelle au
ciseau; la sûreté de l'exécution est poussée si loin qu'on oublie la difficulté du travail pour ne
plus songer qu'à la valeur de l'œuvre. Il est fâcheux que les artistes égyptiens n'aient jamais
signé leur nom, car celui qui a fait le portrait d'Harmhabi méritait d'être connu '. » Quoi qu'il
en soit, on compte ces œuvres originales ; la tradition s'en est tout à fait perdue dès le
règne des premiers Ramessides, et c'est toute justice d'affirmer qu'une seule considération nous
attache aux statues qui décorent les temples : cette décoration colossale est bien celle qui convient
aux édifices colossaux ; si trop souvent, comme nous l'avons montré, les proportions dépassent
toute mesure, si contre les piliers, contre les murailles énormes les Pharaons sont trop énormes ;
si de telles exagérations choquent nos goûts d'ordre et d'harmonie, il est vrai, néanmoins, que
cette idée de grandeur, que veulent exprimer et qu'expriment si bien l'amoncellement des blocs
de structure, l'élévation sublime des plafonds sur les colonnes géantes, la multiplication infinie
des pylônes, des cours, des salles et des chambres de toute espèce, reçoit plus de force encore
et plus de netteté de la masse et de la rigidité monotone des gigantesques figures sculptées.
Ne cherchons pas ici l'harmonieuse sobriété des frises et des frontons du temple grec, et ne
nous répandons pas, comme nous serions encore tenté de le faire, en les .louanges du Parthénon ;
laissons les recherches pures d'art et d'esthétique, et nous faisant, s'il est possible, à la vue
d'un temple égyptien, un cœur de fellah dévot, il nous sera bientôt impossible de concevoir
cet enchevêtrement d'édifices immenses sans leur décoration de statues surhumaines.

Aussi n'est-ce point cette décoration qui nous étonne surtout et nous intéresse. Nous sommes
bien plus surpris à la vue des bas-reliefs qui, de leurs mille tableaux variés, couvrent toutes les
surfaces des murailles et des colonnes, à l'extérieur comme à l'intérieur des temples, et dont il
faut d'abord expliquer la raison d'être.

On l'a très bien exprimé d'un seul mot : le temple n'est qu'un proscynème d'un Pharaon à
un dieu, c'est-à-dire, avec un acte de foi, un témoignage de reconnaissance infinie du fils au
père, du monarque puissant et glorieux au dispensateur de la puissance et de la gloire. Mais
alors, n'est-il pas naturel d'inscrire en belle place, bien lisibles aux yeux de tous, les titres de la
divinité à l'honneur qui lui est rendu, c'est-à-dire les preuves de la puissance et les hauts exploits
du prince? Les Grecs, en pareille conjoncture, étaient plus simples et plus sobres; les villes
consacraient dans l'Altis d'Olympie ou dans l'enceinte sacrée d'Apollon à Delphes, en souvenir

i. Maspéro, l'Archéologie égyptienne, p. 221.
 
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