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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 2,2.1900

DOI issue:
No. 22 (Juillet 1900)
DOI article:
Thomas, Albert: La sculpture au Grand Palais
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https://doi.org/10.11588/diglit.34204#0151

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JUILLET 1900

à un, entre le cinquième jour et le sixième ;
et moi. — Déjà aveugle, de l'un à l'autre, à
tâtons, j'allais; trois jours je les appelai après
qu'ils furent morts . . . Puis, plus que la douleur
puissante fut la faim ». Carpeaux a traduit
l'intraduisible souffrance. Il nous a montré le
noble Gibelin musclé comme un athlète de
Michel-Ange, écrasé sous le poids du plus in-
tolérable destin, halluciné par une vision affreuse,
les coudes aux genoux, se mordant les mains
d'une bouche convulsive, ce pendant que Guadiso
étreint ses jambes et lui jette avant d'expirer
un inutile reproche, ce pendant qu'un autre
de ses Ris, charmant encore dans sa grâce
amaigrie, s'affaisse à ses côtés, mollement, ainsi
qu'un lys soudain fauché.
De ce groupe d'é/ov/ŸM qui Rxe le frisson
de l'éternelle douleur, jusqu'au groupe de la
où s'exalte l'éternelle volupté, l'œuvre
de Carpeaux se développe, incomparable, et
semble rendre impossible toute rivalité dans
l'expression de la forme et de la passion humaines.
Aussi Antoine Barye, tempérament puissant qui
ne saurait reconnaître de maître, se met-il en
quête d'un domaine encore inexploré. Il se
voue à l'étude des fauves et, par la connaissance
profonde de leur structure, par la compréhension
intime de leurs mœurs et de leurs instincts,
par la pénétration quasi surnaturelle du mystère
de leur vie organique, il devient le Rude et
le Carpeaux des énergies animales. Le Az'wz
uu-sA, la principale œuvre de lui à la Cen-
tennale, n'a-t-il pas la majesté d'une grande
force au repos ; le modelé aux méplats si solides
que relient de si subtiles nuances n'accuse-t-il
pas l'extraordinaire résistance, l'élasticité mer-
veilleuse de ce mécanisme de course et de
guerre ?
Rude, Carpeaux, Barye, telle est la trinité
qui domine l'histoire de la sculpture moderne.
Notre statuaire nationale, ébauchée par les vieux
s imagiers » du moyen-âge, dénaturée par l'in-
fluence antique, ne date guère que de ces trois
génies. Du premier coup ceux-ci ont atteint
l'absolu de leur art. Ils ont rejeté la discipline
classique, mais ils observent sans effort les lois
de composition et d'effet, d'équilibre et d'har-
monie qui sont la condition de toute sculpture;
ils planent bien au-dessus des écoles et des sys-

tèmes; leur œuvre n'est ni de simple forme,
ni de simple pensée, elle n'est ni le Réel, ni
l'Idéal, elle est la Vie dans son admirable unité,
elle est l'élément spirituel pénétrant sans cesse
la matière, elle est la matière constamment
soulevée par la force obscure de l'instinct, par
la force consciente de l'Esprit.
La sculpture ne pouvait se maintenir toujours
à pareille hauteur. A la disposition des trois
grands maîtres originaux, le classicisme, qui
s'était réfugié dans l'enseignement de l'Ecole,
tenta un retour offensif. Mais deux tendances
étaient tout de même créées, le souci de la
vérité matérielle et la préoccupation du carac-
tère. L'influence académique ne put qu'ajouter
à chacune d'elles une part plus ou moins large
de convention. Idéalisme et réalisme académisés
entrèrent dans la composition de bien des
talents. La combinaison produisit des résultats
très distingués. Des œuvres de Dalou, ou
bien d'Injalbert eussent été fort propres à les
faire apprécier. Je ne crois pas qu'il y en ait
à la Centennale. On y trouve en revanche le
de Mercié qui, par la pureté de la ligne
et l'élégance de la silhouette, par la sûreté de
l'anatomie et la précision du détail, rappelle tour
â tour les Grecs et Donatello, le AArz-
/yr et la de Falguière, la _%-<?7Z7z<t rf AR-c
de Chapu, admirable d'expression plus que toute
autre Egure de l'artiste, le ÆzzAzgt? zw/rum
et les Czwcyzz^ de Guillaume, les scènes his-
toriques, légendaires et préhistoriques de Erémiet,
l'adorable Lbyzz^ de Dampt, diverses statues
de Barrias, Bouché, Antonin Cariés, Bonnassieux,
Carrier-Belleuse, Turcan, Verlet, Saint-Marceaux
et le y<77<T7/7* 7*7'7U77_o'/^ de Roubaud, image
vraiment exquise, naturelle en son geste, souple
en son attitude, que caresse un reflet du ciel
attique.
Cet ensemble fait grand honneur à nos ar-
tistes. Il prouve chez eux beaucoup d'intelli-
gence et de savoir ; mais il montre bien quel
abîme sépare le talent du génie. Le talent satis-
fait la raison et le goût, il n'enivre pas violem-
ment, délicieusement toutes les puissances de
l'âme ; il n'impose pas à l'esprit l'idée du dé-
Rnitif, de l'absolu. Le talent aboutit chez Fal-
guière, par exemple, à la reproduction rigoureuse
du modèle vivant, sans essai d'intreprétation,

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