L'ART DÉCORATIF
consacré des pages de louanges à cet artiste
magistral, et se sont extasies sur son oeuvre, à
commencer par M. Jean Lorrain etM. Roger Marx.
Au Salon de 1898 son succès fut définitif.
Des peignes séduisirent plus d'une passante qui
s'enfuit en soupirant. Sur l'un, enrichi d'opales,
trois fillettes espiègles épandaient leur chevelure,
sur un deuxième un poisson héraldique japo-
nais se cambrait dans le cintre. Ici deux paons
étalaient leurs queues ocellées sur une rosace
d'opales. Celui-là était en ivoire pâli: une
danseuse blanche s'érigeait au milieu de guirlandes
florales d'or, d'émaux et de diamants, et une
corne patinée supportait trois figures hiératiques,
les trois grâces modernes. Il y avait aussi un
devant de corsage, tête virginale en agathe nuancée
de vert, dont l'opulente chevelure d'or semée de
fleurs de cerisiers en diamants tombait en
cascade et formait l'ensemble de la pièce; un
pendant de cou avec une femme d'onyx dans
une touffe d'iris aux feuilles d'01* vert émaillées,
à demi enveloppée dans les torrents de sa
chevelure d'or... On retrouve la plupart, prêtés
par les heureuses dont ils sont devenus le bien
dans l'exposition de M. Laiique, cette année.
Cette vitrine est un poème. La richesse
d'imagination n'y a d'égale que la maîtrise
de la composition. Les petites femmes y sont
de tous points délicieuses. Rien que pour elles
on s'arrête avec joie. Dans ce décor d'un
éclairage discret s'étalent de superbes colliers aux
gemmes ivoirines ou laiteuses, des imitations
COLONNA
BOUCLE DE CEINTURE* ut!
(L'ART NOUVEAU BING, ÉD.)
d'osselets, des silex ajourés, une branche de
campanule, acquise par le musée des Arts
Décoratifs de Copenhague, un diadème éton-
nant d'allure assyrienne, appartenantàM""Bartct,
avec des Isis aux ailes jointes, des fleurs
de lotus et cinq scènes de la vie des courtisanes,
en cloisonné blanc; un précieux gobelet de tor-
sades autour desquelles montent des sauterelles
bleues ; un collier acquis par le musée des Arts
Décoratifs, noisettes en brillants dans leur robe
verte dentelée.
Les femmes examinent et commentent
l'énorme libellule aux griffes crispées, aux ailes
de pierreries et d'émaux translucides réunies
sur un torse de femme énigmatique en péridot,
sphinx inconnu d'une société nouvelle; devant
un casque léger de bronze vert où une phryné
nue joue avec un œuf de cassidoine, tandis
que se prolongent sur les côtés deux temporaux
en opaline laiteuse; aussi devant la série de
peignes et d'agrafes déjà vue en 1898, les paons,
des bluets, une grappe de fleurs de tilleul, des
courtisanes qui dansent, se cambrent, se piètent,
se renversent les cheveux pendants, des maî-
tresses nues dont les amants sont des végétaux
fougueux. Il y a là un travail d'émaux extra-
ordinaire.
Je regarde avec une surprise inexprimable
le nœud de serpents dont la gueule laisse couler
des torrents de perles, et la tête de coq mons-
trueuse, à la crête et aux barbes en filigranes
d'or ornés de pierres bleues, tenant une énorme
topaze dans son bec ouvert. Un ophidien gigan-
tesque, la queue en éventail, vomit des flammes
laiteuses et de la fumée. Ici des épaulières, des
poitrinaux, une petite tête ivoirine, pendue au
tour de cou par les cheveux d'or, dont la gor-
gerette d'émail incarnadin laisse saillir les seins
t76
consacré des pages de louanges à cet artiste
magistral, et se sont extasies sur son oeuvre, à
commencer par M. Jean Lorrain etM. Roger Marx.
Au Salon de 1898 son succès fut définitif.
Des peignes séduisirent plus d'une passante qui
s'enfuit en soupirant. Sur l'un, enrichi d'opales,
trois fillettes espiègles épandaient leur chevelure,
sur un deuxième un poisson héraldique japo-
nais se cambrait dans le cintre. Ici deux paons
étalaient leurs queues ocellées sur une rosace
d'opales. Celui-là était en ivoire pâli: une
danseuse blanche s'érigeait au milieu de guirlandes
florales d'or, d'émaux et de diamants, et une
corne patinée supportait trois figures hiératiques,
les trois grâces modernes. Il y avait aussi un
devant de corsage, tête virginale en agathe nuancée
de vert, dont l'opulente chevelure d'or semée de
fleurs de cerisiers en diamants tombait en
cascade et formait l'ensemble de la pièce; un
pendant de cou avec une femme d'onyx dans
une touffe d'iris aux feuilles d'01* vert émaillées,
à demi enveloppée dans les torrents de sa
chevelure d'or... On retrouve la plupart, prêtés
par les heureuses dont ils sont devenus le bien
dans l'exposition de M. Laiique, cette année.
Cette vitrine est un poème. La richesse
d'imagination n'y a d'égale que la maîtrise
de la composition. Les petites femmes y sont
de tous points délicieuses. Rien que pour elles
on s'arrête avec joie. Dans ce décor d'un
éclairage discret s'étalent de superbes colliers aux
gemmes ivoirines ou laiteuses, des imitations
COLONNA
BOUCLE DE CEINTURE* ut!
(L'ART NOUVEAU BING, ÉD.)
d'osselets, des silex ajourés, une branche de
campanule, acquise par le musée des Arts
Décoratifs de Copenhague, un diadème éton-
nant d'allure assyrienne, appartenantàM""Bartct,
avec des Isis aux ailes jointes, des fleurs
de lotus et cinq scènes de la vie des courtisanes,
en cloisonné blanc; un précieux gobelet de tor-
sades autour desquelles montent des sauterelles
bleues ; un collier acquis par le musée des Arts
Décoratifs, noisettes en brillants dans leur robe
verte dentelée.
Les femmes examinent et commentent
l'énorme libellule aux griffes crispées, aux ailes
de pierreries et d'émaux translucides réunies
sur un torse de femme énigmatique en péridot,
sphinx inconnu d'une société nouvelle; devant
un casque léger de bronze vert où une phryné
nue joue avec un œuf de cassidoine, tandis
que se prolongent sur les côtés deux temporaux
en opaline laiteuse; aussi devant la série de
peignes et d'agrafes déjà vue en 1898, les paons,
des bluets, une grappe de fleurs de tilleul, des
courtisanes qui dansent, se cambrent, se piètent,
se renversent les cheveux pendants, des maî-
tresses nues dont les amants sont des végétaux
fougueux. Il y a là un travail d'émaux extra-
ordinaire.
Je regarde avec une surprise inexprimable
le nœud de serpents dont la gueule laisse couler
des torrents de perles, et la tête de coq mons-
trueuse, à la crête et aux barbes en filigranes
d'or ornés de pierres bleues, tenant une énorme
topaze dans son bec ouvert. Un ophidien gigan-
tesque, la queue en éventail, vomit des flammes
laiteuses et de la fumée. Ici des épaulières, des
poitrinaux, une petite tête ivoirine, pendue au
tour de cou par les cheveux d'or, dont la gor-
gerette d'émail incarnadin laisse saillir les seins
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