-3-^3$)- AOÛT 1900
blancs. Les noms des heureuses propriétaires
de ces merveilles sont signalés aux envieux qui
passent. Ce sont là des femmes de toutes
richesses, goût, fortune et beauté.
On rappelait dernièrement dans ces pages
que M. S. Bing fut en France un des promo-
teurs de la ré orme de l'art dans l'objet. Sa vi-
trine dans la classe de la joaillerie réunit un
ensemble de bijoux auquel on pourrait reprocher
de manquer un peu de cette variété qui plait
tant à l'œil français. Mais l'effort est manifeste
vers un goût supérieur.
Plusieurs d'entre eux sont reproduits ici: pres-
que tous les pendants et les broches, le collier
de fleurs en perles longues, les deux agrafes
de manteau, la boucle-paon. De M. E. Colonna,
un de ceux qui ont apporté à M. S. Bing une
collaboration assidue, des colliers, des tours de
cou, un énorme bracelet et diverses parures d'un
style ipiprécis. M. Colonna n'emploie que des
courbes harmonieuses, mais simplement imagi-
natives ou fantaisistes, et qui ne rappellent que
de très loin les formes séduisantes de la nature :
des torsades, des cœurs, des ellipses, des huit,
des crochets adoucis, des six et des neuf con-
jugués. C'est la fioriture italienne, au milieu de
laquelle il essaime les silicates de couleur. Son
imagination est enclose en quelques couplets,
MARCEL BtNG tcct**!** AGRAFE DE MANTEAU
(L'ART NOUVEAU BtNG, ÉD.)
mais c'est encore de l'imagination; puis, à
varier le couplet à l'infini, M. Colonna apporte
un art extrême. Sa conviction que l'eurythmie
des formes s'obtient par des nuances est servie
par le goût le plus sûr, et sa délicatesse de
tact le sauve des écueils dans l'étroit chenal où
il navigue.
M. Marcel Bing, dans la même vitrine, ex-
pose des bijoux tout différents de ceux de M.
Colonna, avec des fleurs, des animaux, des
figures fondant en ornements linéaires qui coor-
donnent et maintiennent l'ensemble. Il y a
entre autres un délicieux pendentif, une petite
femme aux cheveux jaunes, aux ailes de libel-
lule, hère comme une impératrice.
J'ai recontré aussi M. Georges Fouquet dont
les œuvres, d'une rare ingéniosité, ont parfois
des réminiscences orientales, et qui, comme
Lalique, entrevoit le bijou triomphant du chiffon,
vêtissant de splendeurs la chair que l'artifice
des couturiers feint de voiler de ses sous-entendus.
Evocatrices d'une nature merveilleuse, ces
parures flôriront sur les grâces féminines. En
des soirées dont rêvera le poète, dans les fleurs
et les parfums, sous les mille lumières palpi-
tantes, elles escorteront la beauté. Et nos ri-
gueurs mondaines s'évanouiront devant leur
hardiesse. Agnès, plus libre en ses atours chan-
geants, ne craindra plus de montrer son sein
nu sous un poitrail de pierreries. Sa pudeur
aura l'armure précieuse pour protection. Dans
l'éblouissement de ces magnificences, pourrait-
il rester place aux sentiments profanes?
Je la devine, je la vois, vous dis-je. C'est la
déesse du poète, celle qui passe et dont on se
souvient. Ses seins sont cuirassés d'or et de mé-
taux dont la blancheur rivalise avec la leur. Ses
épaules et sa nuque sont garnies d'émaux trans-
lucides où l'oraline, l'argyrase et les amphi-
gènes se mélangent divinement. Aux oreilles,
aux tempes, des serpents d'antigorium vomissent
des torrents de cassidoines et d'almandines. Sur
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blancs. Les noms des heureuses propriétaires
de ces merveilles sont signalés aux envieux qui
passent. Ce sont là des femmes de toutes
richesses, goût, fortune et beauté.
On rappelait dernièrement dans ces pages
que M. S. Bing fut en France un des promo-
teurs de la ré orme de l'art dans l'objet. Sa vi-
trine dans la classe de la joaillerie réunit un
ensemble de bijoux auquel on pourrait reprocher
de manquer un peu de cette variété qui plait
tant à l'œil français. Mais l'effort est manifeste
vers un goût supérieur.
Plusieurs d'entre eux sont reproduits ici: pres-
que tous les pendants et les broches, le collier
de fleurs en perles longues, les deux agrafes
de manteau, la boucle-paon. De M. E. Colonna,
un de ceux qui ont apporté à M. S. Bing une
collaboration assidue, des colliers, des tours de
cou, un énorme bracelet et diverses parures d'un
style ipiprécis. M. Colonna n'emploie que des
courbes harmonieuses, mais simplement imagi-
natives ou fantaisistes, et qui ne rappellent que
de très loin les formes séduisantes de la nature :
des torsades, des cœurs, des ellipses, des huit,
des crochets adoucis, des six et des neuf con-
jugués. C'est la fioriture italienne, au milieu de
laquelle il essaime les silicates de couleur. Son
imagination est enclose en quelques couplets,
MARCEL BtNG tcct**!** AGRAFE DE MANTEAU
(L'ART NOUVEAU BtNG, ÉD.)
mais c'est encore de l'imagination; puis, à
varier le couplet à l'infini, M. Colonna apporte
un art extrême. Sa conviction que l'eurythmie
des formes s'obtient par des nuances est servie
par le goût le plus sûr, et sa délicatesse de
tact le sauve des écueils dans l'étroit chenal où
il navigue.
M. Marcel Bing, dans la même vitrine, ex-
pose des bijoux tout différents de ceux de M.
Colonna, avec des fleurs, des animaux, des
figures fondant en ornements linéaires qui coor-
donnent et maintiennent l'ensemble. Il y a
entre autres un délicieux pendentif, une petite
femme aux cheveux jaunes, aux ailes de libel-
lule, hère comme une impératrice.
J'ai recontré aussi M. Georges Fouquet dont
les œuvres, d'une rare ingéniosité, ont parfois
des réminiscences orientales, et qui, comme
Lalique, entrevoit le bijou triomphant du chiffon,
vêtissant de splendeurs la chair que l'artifice
des couturiers feint de voiler de ses sous-entendus.
Evocatrices d'une nature merveilleuse, ces
parures flôriront sur les grâces féminines. En
des soirées dont rêvera le poète, dans les fleurs
et les parfums, sous les mille lumières palpi-
tantes, elles escorteront la beauté. Et nos ri-
gueurs mondaines s'évanouiront devant leur
hardiesse. Agnès, plus libre en ses atours chan-
geants, ne craindra plus de montrer son sein
nu sous un poitrail de pierreries. Sa pudeur
aura l'armure précieuse pour protection. Dans
l'éblouissement de ces magnificences, pourrait-
il rester place aux sentiments profanes?
Je la devine, je la vois, vous dis-je. C'est la
déesse du poète, celle qui passe et dont on se
souvient. Ses seins sont cuirassés d'or et de mé-
taux dont la blancheur rivalise avec la leur. Ses
épaules et sa nuque sont garnies d'émaux trans-
lucides où l'oraline, l'argyrase et les amphi-
gènes se mélangent divinement. Aux oreilles,
aux tempes, des serpents d'antigorium vomissent
des torrents de cassidoines et d'almandines. Sur
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