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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 2,2.1900

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No. 24 (Septembre 1900)
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Musey-Grévin: Un jeune
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https://doi.org/10.11588/diglit.34204#0267

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L'ART DÉCORATIF

hurler au visage du passant. Son élégance native
veut ia mise du vrai gentleman, savamment
inafffchante; elle se révolterait à l'idée de
s'affubler des cravates tapageuses et des gilets
hauts en couleur ,du rasta.
L'élégance: c'est le trait propre du jeune
artiste. Toutes ses productions la respirent.
Instinct qu'aucun travail ne peut faire con-
quérir, et dont le sceau s'imprime de lui-même
sur les moindres choses sortant des mains de
celui que la nature en a doué. Une élégance
aristocratique, dans la force du mot. Du-
frêne serait un artiste pour duchesses et mar-
quises, s'il y en avait encore; mais elles se font
rares. Nous avons, il est vrai, les femmes de
ministres à leur place; mais à celles-ci, il faut
des choses plus corsées, des choses qui font de
l'effet. Je ne vois pas bien le cartel «
yw '> devant une bonbon-
nière de Dufrêne.
Inutile de dire après ceci que le jeune artiste
n'est pas un homme à théories. Les théories
sont bonnes pour ceux dont les instincts ne
sont pas assez sûrs pour se passer de guide; et
quand on n'en a pas d'autre qu'elles, tous les
talents du monde n'empêchent pas les faux
pas. Est-ce que les femmes qui savent s'habiller
se sont composées un traité de la toilette?
Elles se mettent bien parcequ'elles se mettent
bien -— pour la même raison qu'elles sont brunes
ou blondes. Essayez donc d'apprendre cet art-là
à celles qui ne l'ont pas dans le sang! Vous for-
merez des à-peu-près, qui, pour le connaisseur,
font juste le même effet que la bourgeoise
médiocre de chef-lieu de canton venue voir l'Expo-
sition dans ses plus beaux atours. En matière de
goût, au-dessous de l'infaillible, tout se vaut.
Voilà beaucoup de mots pour définir un
talent. Serrons. Regardez les images à côté de
cet article : ces bonbonnières, ces flacons de
poche, cette boite à houppe, tous ces aimables
brinborions dont la femme nous prouve par
a + b la nécessité, plus urgente que le boire
et le manger, quand elle en convoite un.
Sans même vous arrêter à la sobriété de la déco-
ration, au tact délicat avec lequel ses reliefs sont
répartis sur l'objet, remarquez-en le dessin. Celui-
ci ne vous lance pas un coup de poing pour bien
vous avertir qu'il est neuf; il ne l'est pour-

tant pas moins. C'est un décor floral; mais
sans rien de commun — n'est-il pas vrai? —
avec cette fleur jetée bêtement au travers de
l'objet, genre d'art sans doute inspiré du calicot
cycliste revenant de Cernay, le soir d'un
diamanche d'été, le guidon enpanaché d'une
touffe de marguerites ; avec cette fleur niaise
que nous mettons vraiment un peu trop de
complaisance à nous laisser servir à satiété par
ceux qui ne savent pas mieux. Un décor floral
sans fleurs. C'est aussi un décor purement
ornemental, mais exempt des allures tourmentées,
de ce je ne sais quoi de forcé dans lequel tombent
neuf fois sur dix les œuvres d'où la flore est exclue
systématiquement du décor. Bref, un décor sans
la vie, et pourtant avec quelque chose de la vie.
Dufrêne cherche la souplesse qui, dédaigneuse
des tortillements, sait se révéler par une simple
flexion; les ploiements où la courbe garde les
élancements de la droite. Il aime à faire
dériver son décor de l'algue, qui s'incurve à
son gré, longuement, élégamment, pour s'im-
primer sur l'objet. S'il veut porter l'intérêt
sur un point par quelque épisode floral, il
le choisit discret: il ne prend pas la rose, ou
l'iris, ou le chrysantème, mais quelque chose
qui ne crie pas à tue-tête, comme ces fleurs:
« Il n'y a plus que moi ! » — par exemple
quelques baies de sorbier, comme on le voit
sur plusieurs des objets représentés ici.
Sur les objets sans surfaces développées, tels
les pommeaux de cannes et d'ombrelles, notre
artiste enroule, infléchit, noue ses lianes, tou-
jours avec cette prédilection pour l'allongé, le
svelte, le « grand et mince ».
Dufrêne est sorti de l'Ecole des Arts déco-
ratifs l'année dernière. Il y a donc à peine
quatorze mois qu'il est livré à lui-même. Les
objets de petite orfèvrerie tels que la trousse
(exposée au Salon cette année) représentée ici
l'ont beaucoup occupé tout ce temps, ainsi que
d'autres menus ouvrages, peignes de toilette etc.
Mais il a déjà pu donner la mesure de son
savoir - faire dans des œuvres de dimensions
plus importantes ; témoin, entre autres, le beau
vase en grès reproduit dans le n°- iy de
/'Ar/ et dont le musée des Arts
décoratifs a acquis un exemplaire. Il travaille
actuellement à d'autres œuvres importantes, que

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