L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne (3,2.1901)

L'ART DECORATIF

rornement mème doit être construit; que les
yeux ni 1e sentiment ne peuvent éprouver de
satisfaction complète si 1a logique n'est d'abord
contentée.
Et désormais pënétré de ceci, l'art français
reste — et restera! — ce qu'il a toujours été:
l'art du peuple qui bt durire grossier le sourire,
du peuple qui sait dire plus et mieux d'un mot
que les autres en un livre, du peuple dont les
les femmes savent faire d'un chilfon la plus
plus aimable parure, du peuple où l'on n'assène
pas un coup de poing quand une chiquenaude
du bout des doigts sufbt : du peuple du tact, de
lamesure et de l'esprit.
Quel malheur qu'avec ces qualités 1a

velles, inattendues, piquantes les unes, aimables
les autres, toutes marquées du sceau d'un goût
pur et charmant. Fouquet et Desrosiers, deux
collaborateurs inséparables, Dubret, un nouveau
dont on reparlera, Descomps, Becker, Richard,
— je ne cite que quelques noms au hasard.
A côté, Wolfers, un Belge, révèle dans sa
somptueuse vitrine un talent de haut ordre, et
!e peintre Mangeant donne aux bijoux d'argent
un intérèt d'art insoupçonné.
Avec 1e bijou, horfèvrerie et 1e bronze
restent les arts français par excellence. Notre
penchant pour les formes arrondies, les modelés
adoucis, les contours d'où les duretés, ies ru-
desses sont bannies, n'a-t-il pas dans !a fusion


RENÉ LALIQ.UE

volonté d'entreprise et celle d'association des
elforts individuels dans l'initiative commune
nous fassent défaut ! Peut-être, hélas, cet art
charmant qui naît nous restera pour compte, et
c'est i'art de Walhalla de nos voisins qui saura
s'imposer, sinon sefaire accepterparle monde!
Mais ceci n'est plus de 1a critique. J'y
reviens en constatant l'éclat dont l'art du bijou
resplendit au Salon. Lalique, artiste incompa-
rable, créateur merveiüeux de joyaux devant
lequels pâlit ce que les artistes de vingt siècles
ont enfanté, a fait plus que s'égaler lui-même:
il s'est transformë. Son génie éclatait en éclairs
fulgurants : il s'est fait radieux. Derrière lui,
cherchant chacun une voie à soi, et la trouvant,
dix autres apportent des œuvres vraiment nou-

des métaux 1e procëdé le plus propre à s'expri-
mer? Aussi, nos adeptes de ces arts sont légion,
et 1e nombre est grand de ceux qui y excellent.
Ne pouvant les citer tous dans cette revue som-
maire, je n'en nommerai qu'un: Jean Bafher,
dont le gallicisme excessif, encore que sympa-
thique, s'exagère sans doute ce qu'ordonne
l'amour de son pays, mais qui traduit ses idées
en grand artiste. Le surtout de table exposé par
lui est simplement un chef-d'œuvre. Je ne sais
rien qui dépasse les deux grandes pièces de ce
surtout en noblesse, en pureté des formes et
du décor, en beauté d'expression des hgures.
Une seule œuvre comme celle-Ià sufhrait à 1a
gloire d'un artiste.
La céramique est encore une branche d'art

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