AOUT
1901
aux prises avec une sirène robuste; et qui
soupçonnerait, le jour, une iampe éiectrique
dans ie ballon du Louvre que tient cet enfant
de M. Léo Laporte?
J'ai dit naguère, ici même, du bien de M.
Léo Laporte. Comme beaucoup j'ai goûté dans
ses statuettes une bne élégance, une grâce spi-
rituelle et précieuse. Je crois qu'ii s'égare à
présent, qu'il use ses dons à de puériles cha-
rades. Auprès du bambin au ballon, il nous
montre une füiette penchée sur une ianterne
japonaise, une femme inclinant une fieur de
nénuphar, une mime romaine qui danse en re-
levant sa robe, et ia ianterne, la fieur, comme le
bailon, recèlent une ampoule éiectrique, et la
mime voit un giobe à incandescence éciore aux
plis de sa tunique mouvante. Voilà par exempie
ce que je ne comprends pas, ce que je ne com-
prendrais pas plutôt si je ne me rappelais ia
chanson enfantine et l'aventure du (( pâtissier
qui porte ia iune dans son tablier )). M. Léo
Laporte nous oifre encore un grand iampadaire
formé de trois paons adossés, réunissant ieurs
queues, enfermant dans ieur jabot une ampouie
iumineuse. Ici ia richesse du travaii est grande,
mais les patines, ies pierres incrustées ne sau-
LOUIS BOUCHER
PIÈCES DE TABLE (ËTAIN)
raient nous faire perdre de vue l'incohérence
de ia conception. La «Fée)) de M. Woifers,
toute charmante qu'eiie soit en sa sveltesse
ivoirine, constitue elle aussi un étrange appareil
d'éciairage. Pour ioger sa lampe électrique ie
prestigieux joaiiiier beige a imaginé dans ia
main de sa hgurine une cioche en piumes
de paon ! Ii eût pu chercherà cet eifet un acces-
soire moins singuiier. J'aime mieux en somme
iaianterne minuscule de M. Léo Laporte. J'aime
mieux 1e réverbère petit module que j'aperçois
chaque matin à ia vitrine d'un bazar. Au pieddu
réverbère un jeune ramoneur griiie une ciga-
rette. La statuette est d'une pitoyabie niaiserie,
mais ii me sembie au moins assez naturei que
181
ie réverbère soit allumé. Je ne veux pas m'ar-
rêter plus tongtemps aux inventions de MM.
Léo Laporte et Woifers. Je ne discuterai pas
ies « sujets )) lumineux de MM. Jonchéry, d'Eau-
bonne, Levasseur et Ledru. Je ies tiens aussi
pour des bibelots sans importance, pour de
simpies joujoux. Or, ce que nous demandons,
ce que toute notre époque réciame, ce ne sont
pas des jouets pius ou moins ingènieusement
machinés, ce sont des choses indispensables à
la vie, des choses usuelies, offrant la structure
et le gaibe ies mieux appropriés à leur desti-
nation pratique.
Dès qu'on cesse d'envisager l'objet au
point de vue de l'ornement pour ie considérer
1901
aux prises avec une sirène robuste; et qui
soupçonnerait, le jour, une iampe éiectrique
dans ie ballon du Louvre que tient cet enfant
de M. Léo Laporte?
J'ai dit naguère, ici même, du bien de M.
Léo Laporte. Comme beaucoup j'ai goûté dans
ses statuettes une bne élégance, une grâce spi-
rituelle et précieuse. Je crois qu'ii s'égare à
présent, qu'il use ses dons à de puériles cha-
rades. Auprès du bambin au ballon, il nous
montre une füiette penchée sur une ianterne
japonaise, une femme inclinant une fieur de
nénuphar, une mime romaine qui danse en re-
levant sa robe, et ia ianterne, la fieur, comme le
bailon, recèlent une ampoule éiectrique, et la
mime voit un giobe à incandescence éciore aux
plis de sa tunique mouvante. Voilà par exempie
ce que je ne comprends pas, ce que je ne com-
prendrais pas plutôt si je ne me rappelais ia
chanson enfantine et l'aventure du (( pâtissier
qui porte ia iune dans son tablier )). M. Léo
Laporte nous oifre encore un grand iampadaire
formé de trois paons adossés, réunissant ieurs
queues, enfermant dans ieur jabot une ampouie
iumineuse. Ici ia richesse du travaii est grande,
mais les patines, ies pierres incrustées ne sau-
LOUIS BOUCHER
PIÈCES DE TABLE (ËTAIN)
raient nous faire perdre de vue l'incohérence
de ia conception. La «Fée)) de M. Woifers,
toute charmante qu'eiie soit en sa sveltesse
ivoirine, constitue elle aussi un étrange appareil
d'éciairage. Pour ioger sa lampe électrique ie
prestigieux joaiiiier beige a imaginé dans ia
main de sa hgurine une cioche en piumes
de paon ! Ii eût pu chercherà cet eifet un acces-
soire moins singuiier. J'aime mieux en somme
iaianterne minuscule de M. Léo Laporte. J'aime
mieux 1e réverbère petit module que j'aperçois
chaque matin à ia vitrine d'un bazar. Au pieddu
réverbère un jeune ramoneur griiie une ciga-
rette. La statuette est d'une pitoyabie niaiserie,
mais ii me sembie au moins assez naturei que
181
ie réverbère soit allumé. Je ne veux pas m'ar-
rêter plus tongtemps aux inventions de MM.
Léo Laporte et Woifers. Je ne discuterai pas
ies « sujets )) lumineux de MM. Jonchéry, d'Eau-
bonne, Levasseur et Ledru. Je ies tiens aussi
pour des bibelots sans importance, pour de
simpies joujoux. Or, ce que nous demandons,
ce que toute notre époque réciame, ce ne sont
pas des jouets pius ou moins ingènieusement
machinés, ce sont des choses indispensables à
la vie, des choses usuelies, offrant la structure
et le gaibe ies mieux appropriés à leur desti-
nation pratique.
Dès qu'on cesse d'envisager l'objet au
point de vue de l'ornement pour ie considérer