DOI issue:
No.36 (Septembre 1901)
DOI article:Mauclair, Camille: Quelques peintres idéalistes français
DOI Page / Citation link: https://doi.org/10.11588/diglit.34206#0262
SEPTEMBRE L901
1894, que Texquis portrait féminin dans deshar-
monies orangées etrougesquiétait, cetteannée,
i'une des peries de 1a Société nationale, et qu'on
retrouvera ici. M. Desvallières est certainement
l'homme sur qui nous pouvons compter le plus
sûrement pour l'expression d'un idéalisme
complet. L'idée de son grand tableau est belle
et haute, l'étrangeté n'enestpas bizarre, lesym-
bolisme en est clair, et certains personnages
sont d'une plénitude d'expression admirabie.
Ce peintre ne dédaigne pas 1a vie, il la contemple
avec amour, mais il 1a transpose, il y choisit ce
dont sa pensée a besoin, par une loi naturelle
qui est l'éternei secret des belles choses.
Un autre élève de Moreau, Henry-Georges
Rouault, a débuté par des peintures religieuses
d'un caractère archaïque, d'un symbolisme atta-
chant, dont un très
remarquable. II se révèle maintenant comme un
paysagiste personnel, d'un charme mélancolique
et d'une vision très subtile, dans une série de
ARMAND POINT PARFUM DE MIMOSA
pastels rapides aux harmonies éteintes, très voi-
sines de celles de M. Simon Bussy. Et c'est en-
core un élève de Moreau que M. René Piot, qui
se recommande par d'intenses qualités de peintre
décoratif, dans ses toiles mystiques et légen-
daires, dans ses aquarelles aux beaux tons
d'émail. Tous les deux ont l'amour de 1a matière
riche, lourde, aux beaux reliefs en pleine pâte^
aux colorations d'un éclat assourdi. Mais tou-
jours s'impose chez eux 1e souci de 1a ligne pré-
dominant celui des valeurs. Ce sont deux pein-
tres d'avenir. Un de leurs camarades de l'atelier
Moreau, Edgar Maxence, fait preuve aussi du
sens très vif des lignes décoratives, notamment
dans 1e grand plafond qu'il exposait cette année
à 1a Société des Artistes trançais. Un tableau de
lui fut remarqué, les r/M /Irc, où se grou-
paient quelques visages à l'expression intense
et déroutante. Enhn, M. Louis Ridel a aussi
prohté de l'enseignement de Gustave Moreau.
C'est avant tout un poète, très hn, très doux,
très amoureux des harmonies indécises, sachant
créer autour des êtres une atmosphère de son-
geries irréelles, qui est analogue à celle dont
M. Aman-Jean enveloppe ses pâlesefhgies fémi-
nines. L'H^/AM, un des succès de la Société
nationale de cette année, résume bien sa ma-
nière, son goût pour les symphonies de tons et
la facture changeante et séductrice, 1a distinc-
tion un peu grêle de sa vision, et surtout 1a
recherche de quelques grands contours, cernés
par des linéaments signihcatils.
C'est un idéologue absolu, mais un idéo-
logue ayant su curieusement s'abstraire de 1a
ligne et s'exprimer uniquement par des masses
de valeurs profondes, que M. Odilon Redon, dé-
concertant, attachant et exceptionnel virtuose
du pastel et de 1a lithographie. Son œuvre est
considérable. EHe est obscure jusqu'à légitimer
souvent son renom d'incompréhensibilité. EHe
touche aux dessins spirites, elle ose l'informe,
elle démontre souvent l'impuissance humaine à
rendre tangibles les rêves, elle côtoie l'inexpri-
mable. Mais toujours elle attache par 1a beauté
des noirs lithographiques, veloutés et retenant
une luminosité intérieure^ par 1a qualité des
lumières qui tout à coup y fulgurent, et sa sim-
plihcation extrême des formes, souvent bizarre et
même barbare, donne tout à coup une puissante
ëmotion de synthèse, comme certaines halluci-
nations du sommeil qui laissent, au jour, 1e sou-
venir confus d'avoir été tout-puissant dans des
régions irrespirables.
L'imagination de Redon est plutôtterrihée:
229
1894, que Texquis portrait féminin dans deshar-
monies orangées etrougesquiétait, cetteannée,
i'une des peries de 1a Société nationale, et qu'on
retrouvera ici. M. Desvallières est certainement
l'homme sur qui nous pouvons compter le plus
sûrement pour l'expression d'un idéalisme
complet. L'idée de son grand tableau est belle
et haute, l'étrangeté n'enestpas bizarre, lesym-
bolisme en est clair, et certains personnages
sont d'une plénitude d'expression admirabie.
Ce peintre ne dédaigne pas 1a vie, il la contemple
avec amour, mais il 1a transpose, il y choisit ce
dont sa pensée a besoin, par une loi naturelle
qui est l'éternei secret des belles choses.
Un autre élève de Moreau, Henry-Georges
Rouault, a débuté par des peintures religieuses
d'un caractère archaïque, d'un symbolisme atta-
chant, dont un très
remarquable. II se révèle maintenant comme un
paysagiste personnel, d'un charme mélancolique
et d'une vision très subtile, dans une série de
ARMAND POINT PARFUM DE MIMOSA
pastels rapides aux harmonies éteintes, très voi-
sines de celles de M. Simon Bussy. Et c'est en-
core un élève de Moreau que M. René Piot, qui
se recommande par d'intenses qualités de peintre
décoratif, dans ses toiles mystiques et légen-
daires, dans ses aquarelles aux beaux tons
d'émail. Tous les deux ont l'amour de 1a matière
riche, lourde, aux beaux reliefs en pleine pâte^
aux colorations d'un éclat assourdi. Mais tou-
jours s'impose chez eux 1e souci de 1a ligne pré-
dominant celui des valeurs. Ce sont deux pein-
tres d'avenir. Un de leurs camarades de l'atelier
Moreau, Edgar Maxence, fait preuve aussi du
sens très vif des lignes décoratives, notamment
dans 1e grand plafond qu'il exposait cette année
à 1a Société des Artistes trançais. Un tableau de
lui fut remarqué, les r/M /Irc, où se grou-
paient quelques visages à l'expression intense
et déroutante. Enhn, M. Louis Ridel a aussi
prohté de l'enseignement de Gustave Moreau.
C'est avant tout un poète, très hn, très doux,
très amoureux des harmonies indécises, sachant
créer autour des êtres une atmosphère de son-
geries irréelles, qui est analogue à celle dont
M. Aman-Jean enveloppe ses pâlesefhgies fémi-
nines. L'H^/AM, un des succès de la Société
nationale de cette année, résume bien sa ma-
nière, son goût pour les symphonies de tons et
la facture changeante et séductrice, 1a distinc-
tion un peu grêle de sa vision, et surtout 1a
recherche de quelques grands contours, cernés
par des linéaments signihcatils.
C'est un idéologue absolu, mais un idéo-
logue ayant su curieusement s'abstraire de 1a
ligne et s'exprimer uniquement par des masses
de valeurs profondes, que M. Odilon Redon, dé-
concertant, attachant et exceptionnel virtuose
du pastel et de 1a lithographie. Son œuvre est
considérable. EHe est obscure jusqu'à légitimer
souvent son renom d'incompréhensibilité. EHe
touche aux dessins spirites, elle ose l'informe,
elle démontre souvent l'impuissance humaine à
rendre tangibles les rêves, elle côtoie l'inexpri-
mable. Mais toujours elle attache par 1a beauté
des noirs lithographiques, veloutés et retenant
une luminosité intérieure^ par 1a qualité des
lumières qui tout à coup y fulgurent, et sa sim-
plihcation extrême des formes, souvent bizarre et
même barbare, donne tout à coup une puissante
ëmotion de synthèse, comme certaines halluci-
nations du sommeil qui laissent, au jour, 1e sou-
venir confus d'avoir été tout-puissant dans des
régions irrespirables.
L'imagination de Redon est plutôtterrihée:
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