L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne (3,2.1901)

SEPTEMBRE 1901

ciseleur Paul Richard coliabore avec 1e sculpteur
Edmond Beckèr. Depuis le Salon de 1896, nous
apprécions les fruits de cette collaboration
yraiment artistique.
C'est alors, précisément, qu'avait débuté
Paul Richard, élève de son père, un devancier
de Brateau. Buires et vases, montres et châte-
laines, c?'s^/M7^ .* tels furent, depuis
cinq ans, ses envois. Aujourd'hui, le ciseleur-
modeleur veut prouver qu'il peut voler de ses
propres ailes et travailler seul : au-dessous du
bTsc /07^/c-/)0M^Mc/, de svelte allure, que l'Ar^
dëjà reproduit, il expose une grande
boucle de ceinture, sculptée et ciselée, tout or,
femme nue qui se rit de la chimère, puis une
montre et châtelaine (( capillaire )), en repoussé,
selon sa technique habituelle. Quelques larmes
d'ëmaii marient avec l'or 1e velours bleu de 1a
turquoise. Le marteau reste sobre et ferme
dans l'enchevêtrement des lignes. Avec moins
de souffle et plus de concision que son collabo-
rateur, Paul Richard vise, comme lui-même, à
1a plastique du statuaire. Et i'habiHage har-
monieux du poème des heures dénonce une fois
de plus notre penchant pour la flore.
RetournonsàlaSociétëNationale.Desbijoux
plus compliqués nous attendent. Voici les origi-
nales vitrines d'Henry Nocq, de Marcel Bing, de
Th. Lambèrt, ((architecte)), et d'Arthur Jacquin.
Entre l'âme et l'art d'une époque se devine
un mystérieux accord : les influences même ou
les souvenirs le conhrment ; et cette image de
1a femme, que 1e penseur recherche à travers 1a
série indèhnie des portraits, se pourrait pres-
sentir en la seule présence de ces huets auxi-
liaires de sa grâce ëloquente. Serait-il impos-
sible d'écrire l'histoire d'une société d'après 1a
suite chronologique de sesbijoux? Sans ëvo-
quer l'Antiquité ni 1a païenne Renaissance, les
Salons de 1901 sufhsent à me suggérer bien des
nuances dans l'unitè d'un 77?0(/<?7V? Vy/T' et, si
les somptuosités joaihières deWoIfers convien-
draient à telle hèroïne mondaine de Besnard, si
les ciseluresargentines de Mangeant ne mes-
siéraient pas aux efhgies plus fanhliales de
Caro-Delvaille ou de Jacques Blanche, la hnesse
de Marcel Bing doit plaire aux aristocratiques
wAsM d'Antonio de 1a Gandara. Comme 1e gra-
veur Léon Ruffe s'adressant à des matières
moins précieuses, pour 1e seul attrait de 1a dé-
monstration, — 1e partisan résolu de l' (( art nou-
veau )) recourt aux èmaux cloisonnés ou champ-
levës, mats ou transiucides, ahn de complëter 1e
décor du retenu par la chaîne délicate;

ce /c7?To7?/, que d'autres appellent plus incor-
rectement ^77^7-7/7/*ou ^^77^7/7/, u'est autre que
1e ^c7?/-ô-oo/ de nos ancètres, mëtamorphosé par
1a renaissance anglo-horentine de William
Morris. L'ëmaii sympathise avec l'or. Moins
d'harmonie dans ies inventions trop voyantes
de M"^ Noufhard.
C'est qu'il n'y a rien de plus difhcile à
réaliserque cette symphonie huette de contours
et de nuances, qui suggère au regard de l'ima-
gination tehe jeune femme invisible et présente
se penchant, le soir, vers le coffret précieux
pour y choisir la parure qui sympathise 1e
mieux avec sa beauté subtile, avec l'heure. Et
celle qui goûte certains arrangements élégants
de Marcei Bing ne bannira point les trouvailles
de Nocq Le sculpteur est essentiellement un
S'il a pour devise: ((Tout, fors le
banal )), et s'il a commencé par le bijou fruste
en haine du bijou vulgaire, au moment où il
poursuivait son enquête sur ies origines et les
caractères de l'actuelle renaissance, — doré-
navant, sa verve s'amenuise et s'épure. Le mé-
dailleur aux discrètes plaquettes, 1e portraitiste
de I'Aco<(/^7???'c To7?oo??H, 1e cèramiste ou 1e
bronzier qui aime à prohler les sourires joufhus
de l'enfance, afhne ses dons, sans les édulcorer,


-PENDELOQUE (appMtient À M"'° Be]]evi]]e) HENRY NOCQ