L'ART DÉCORATIF
GEORGES FOUQUET
COLLtER (SAUTERELLES)
tions d'une tenue plus intime, pins homogène,
où chaque pièce attirait i'attention pour son
propre compte. H m'a paru qu'i! y gagnait de se
faire mieux, pius entièrement connaître, parce
que ie pubiic était mieux en situation de distin-
guer ia verve et ia science ingénieuse dépen-
sées en chacun de ces joyaux.
Plusieurs de ceux-ci ont été composés
en coHaboration avec M. Desrosiers, mais ie
faire et l'inspiration des deux artistes s'y
confond au mieux de i'unitë et de ia tenue de
chaque modèie. Ce qui frappe tout d'abord,
dans ia piupart des joyaux reproduits ici, c'est
bien pius encore ia maîtrise de ieur créateur
que ia variété des thèmes décoratifs. Ceux-
ci sont généralement simples et tirent ieur
originaiité d'une interprétation nerveuse, à ia
grâce solide et très personnelle : avec des sau-
tereiies, un crabe, un coquillage, une branche
de gui, M. Georges Fouquet et M. Desrosiers
nous donnent un coilier, une broche, un pendant
qui s'éloignent non seulement de la banalité,
mais du déjà-vu. Il faut dire qu'un travail de
joaillerie abondant et généreux en ses effets,
mais toujours du meilleur ton, apporte à chacun
de ces bijoux un éclat de couleurs et de scin-
tillements qui a pour principal effet d'en exalter
le charme.
La reproduction photographique se montre
par malheur assez ingrate pour cette partie des
œuvres de M. Georges Fouquet. Elle laisse aux
lignes toute leur vigueur ténue et capricieuse,
mais elle confond dans un Hou regrettable la
douceur et le moelleux des perles, le jeu déli-
catement nuancé des pierres Unes et la mo-
saïque des émaux. L'harmonie s'en ressent
naturellement : à voir nos illustrations, on serait
tenté de dire que l'auteur a une conception
peut-être trop accidentée, trop artificielle, trop
spirituelle du décor, qui se traduit par des com-
positions pleines de mouvement et de pitto-
resque, mais trop dépourvues de calme. Le
calme va moins bien à la beauté moderne, je le
sais, qu'à la beauté antique. M. Fouquet est
avant tout un joaillier parisien, et il est de son
temps : c'est-à-dire que les formules de ses
somptueux ornements lui sont en quelque sorte
dictées par les grâces physiques qu'il est
accoutumé de parer — grâces où se reflètent
et s'impriment les agitations et les soucis des
âmes surmenées d'aujourd'hui.
Je me hâte d'ajouter, du reste, que l'im-
pression que je viens de traduire à propos des
reproductions se trouve fortement atténuée,
dans la réalité, par la féerie douce et cha-
toyante des couleurs, par la délicatesse des
émaux et l'imprévu des perles dites « ba-
roques )) dont tous ces objets comportent un
large emploi.
Sans pousser l'analyse à un degré excessif,
on peut encore utiliser ces mêmes exemples
pour juger le tempérament de l'auteur, l'idéal
qu'il poursuit en son art et la conception qu'il
s'est faite du rôle des bijoux dans la toilette
féminine. 11 est aisé de voir, du premier coup,
que M. Georges Fouquet n'est ni un cérébral
exagéré, ni un rêveur d'harmonies supra-ter-
restres; je ne vois rien de maladif, rien de lan-
goureux en ses œuvres, et j'y devine surtout
l'àme d'un artiste intéressé par les matériaux
admirables qu'il emploie et par les harmonies
sans nombre dont la source est en son imagi-
nation. C'est là justement le caractère principal
de la modeste, patiente et glorieuse phalange
des artisans du moyen âge; et je ne sais pas
de plus noble ambition pour un contemporain
que de pouvoir se dire leur héritier.
Je trouverais encore l'occasion de déve-
lopper ces commentaires si j'entreprenais en
détail la description des pièces principales
exposées au dernier Salon. Mais c'est une
tâche aussi laborieuse qu'inutile, et je m'en
acquitterai en aussi peu de mots que possible.
Le lecteur a sous les yeux, entre autres objets,
deux plaques de corsages qui sont les pièces
principales parmi le petit choix reproduit dans
12
GEORGES FOUQUET
COLLtER (SAUTERELLES)
tions d'une tenue plus intime, pins homogène,
où chaque pièce attirait i'attention pour son
propre compte. H m'a paru qu'i! y gagnait de se
faire mieux, pius entièrement connaître, parce
que ie pubiic était mieux en situation de distin-
guer ia verve et ia science ingénieuse dépen-
sées en chacun de ces joyaux.
Plusieurs de ceux-ci ont été composés
en coHaboration avec M. Desrosiers, mais ie
faire et l'inspiration des deux artistes s'y
confond au mieux de i'unitë et de ia tenue de
chaque modèie. Ce qui frappe tout d'abord,
dans ia piupart des joyaux reproduits ici, c'est
bien pius encore ia maîtrise de ieur créateur
que ia variété des thèmes décoratifs. Ceux-
ci sont généralement simples et tirent ieur
originaiité d'une interprétation nerveuse, à ia
grâce solide et très personnelle : avec des sau-
tereiies, un crabe, un coquillage, une branche
de gui, M. Georges Fouquet et M. Desrosiers
nous donnent un coilier, une broche, un pendant
qui s'éloignent non seulement de la banalité,
mais du déjà-vu. Il faut dire qu'un travail de
joaillerie abondant et généreux en ses effets,
mais toujours du meilleur ton, apporte à chacun
de ces bijoux un éclat de couleurs et de scin-
tillements qui a pour principal effet d'en exalter
le charme.
La reproduction photographique se montre
par malheur assez ingrate pour cette partie des
œuvres de M. Georges Fouquet. Elle laisse aux
lignes toute leur vigueur ténue et capricieuse,
mais elle confond dans un Hou regrettable la
douceur et le moelleux des perles, le jeu déli-
catement nuancé des pierres Unes et la mo-
saïque des émaux. L'harmonie s'en ressent
naturellement : à voir nos illustrations, on serait
tenté de dire que l'auteur a une conception
peut-être trop accidentée, trop artificielle, trop
spirituelle du décor, qui se traduit par des com-
positions pleines de mouvement et de pitto-
resque, mais trop dépourvues de calme. Le
calme va moins bien à la beauté moderne, je le
sais, qu'à la beauté antique. M. Fouquet est
avant tout un joaillier parisien, et il est de son
temps : c'est-à-dire que les formules de ses
somptueux ornements lui sont en quelque sorte
dictées par les grâces physiques qu'il est
accoutumé de parer — grâces où se reflètent
et s'impriment les agitations et les soucis des
âmes surmenées d'aujourd'hui.
Je me hâte d'ajouter, du reste, que l'im-
pression que je viens de traduire à propos des
reproductions se trouve fortement atténuée,
dans la réalité, par la féerie douce et cha-
toyante des couleurs, par la délicatesse des
émaux et l'imprévu des perles dites « ba-
roques )) dont tous ces objets comportent un
large emploi.
Sans pousser l'analyse à un degré excessif,
on peut encore utiliser ces mêmes exemples
pour juger le tempérament de l'auteur, l'idéal
qu'il poursuit en son art et la conception qu'il
s'est faite du rôle des bijoux dans la toilette
féminine. 11 est aisé de voir, du premier coup,
que M. Georges Fouquet n'est ni un cérébral
exagéré, ni un rêveur d'harmonies supra-ter-
restres; je ne vois rien de maladif, rien de lan-
goureux en ses œuvres, et j'y devine surtout
l'àme d'un artiste intéressé par les matériaux
admirables qu'il emploie et par les harmonies
sans nombre dont la source est en son imagi-
nation. C'est là justement le caractère principal
de la modeste, patiente et glorieuse phalange
des artisans du moyen âge; et je ne sais pas
de plus noble ambition pour un contemporain
que de pouvoir se dire leur héritier.
Je trouverais encore l'occasion de déve-
lopper ces commentaires si j'entreprenais en
détail la description des pièces principales
exposées au dernier Salon. Mais c'est une
tâche aussi laborieuse qu'inutile, et je m'en
acquitterai en aussi peu de mots que possible.
Le lecteur a sous les yeux, entre autres objets,
deux plaques de corsages qui sont les pièces
principales parmi le petit choix reproduit dans
12