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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 4,1.1901/​1902

DOI issue:
No.38 (Novembre 1901)
DOI article:
Thomas, Albert: Vallgren
DOI Page / Citation link: 
https://doi.org/10.11588/diglit.34268#0070

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L'ART DECORATIF


DEVANT LH TOMBEAU
d'oublier dans l'étreinte toutes les angoisses
terrestres. Blotti sur les genoux de sa compagne,
l'homme cache la tète dans sa poitrine tiède,
berceuse, endormeuse de bonne amante. Les
larmes les purifient comme une rosée vivace.
«Amour consolé)), voilà deux jeunes corps
aussi, dressés l'un contre l'autre et balbutiant
les divines paroles de « l'Eros funèbre )).
Nous tremblons enivrés du vin de notre fièvre,
Et nous nous demandons, tout bas et lèvre à lèvre,
Quels matins purs, quels soirs lumineux et bénis
Couvent nos doigts tressés comme les brins des
nids.
Et ni la terre en joie et ni le ciel en flammes,
Rien ne détourne plus du rêve nos deux âmes
Qui, parmi la rumeur grandissante du jour,
Pleurent dans le silence infini de l'amour !
On me pardonnera de citer ainsi des poètes.
Mais eux seuls peuvent exprimer la grâce subtile
de ces œuvres et rivaliser par le rythme avec leur
troublante eurythmie. Après Charles Guérin
et Bataille, il faudrait évoquer les chantres du

mystère et du crépuscule, Maeterlinck, Samain,
Rodenbach, ces précieux alchimistes de la dou-
leur. M. Vallgren leur ressemble. Il a leur
acuité d'impression, leur passion muette et fré-
missante, leur don de distiller les larmes. Avec
Rodenbach il partage le goût des fleurs mortes.
Il les montre pendant sur leurs tiges, flétries,
brûlées des suprêmes soleils, flagellées par les
vents d'automne. Il sculpte des pavots défeuillés
aux bras d'un gnome barbu, pittoresque et
transi. Ces pavots dont la corolle sensitive,
prompte à se friper, exprime si bien la lassitude
et la peine, il les chérit entre toutes les fleurs.
J'en ai vu chez lui, dans un vase d'Émile Gallë,
qui s'affaissaient, se décoloraient peu à peu,
livraient à l'artiste attentif le mystère de leur

LES AIMÉS TRISTES

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