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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 4,1.1901/​1902

DOI issue:
No.38 (Novembre 1901)
DOI article:
Thomas, Albert: Vallgren
DOI Page / Citation link: 
https://doi.org/10.11588/diglit.34268#0072

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L'ART DECORATIF

tardé à prononcer cette épithète, bien qu'eiie
s'applique à toute une partie de l'œuvre
de M. Vallgren. Elle donne lieu, en effet, à
des interprétations très différentes. L'artiste
finlandais, on ne saurait le nier, possède un
sens fort original du décor, mais sa conception
paraît un peu étrangère à notre esprit national.
A plusieurs reprises et dernièrement encore,
parlant des objets d'art aux Salons, j'ai dit quelles
semblent devoir être, chez nous, les lois à res-
pecter dans l'embellissement de l'objet : préoc-
cupation constante de son utilité, soumission à
sa forme normale, à son architecture propre,
subordination de sa parure à sa fonction. Cette
théorie s'appuie sur la raison, correspond au
besoin de logique qui est en nous. Absolument,
elle aboutit au pur schéma, à l'élégance géomé-
trique. J'ai cru montrer, par l'exemple de Jean
Baffier, de Dampt, du charmant potier d'étain
Louis Boucher, qu'elle s'accommode, dans la


LE SECRET

pratique, avec la richesse, la fantaisie et la
grâce. Je conviens toutefois qu'elle puisse gêner
certains tempéraments n'ayant pas reçu, avec
la naissance, la discipline latine. Chez M. Vall-
gren, les facultés imaginatives l'emportent sur
le raisonnement. Sa conception du décor, comme
il fallait s'y attendre, est presque uniquement
intellectuelle et sensible. Mais elle procède d'un
esprit si fertile et si fin, d'un cœur si naïvement
frissonnant et si « vrai )> que, malgré son étran-
geté, elle ne manque jamais de séduire. Pour
moi, lorsque je relègue <t mes principes)), lorsque
j'abandonne ma marotte du « clair génie fran-
çais )), j'y trouve un plaisir infini.
Le sculpteur Scandinave, qui peuple la de-
meure des formes plaintives de sa pensée, veut
dégager une âme du moindre objet usuel.
Chaque chose s'accompagne d'une petite figure,
parfois joyeuse, souvent mélancolique, son
esprit, sa divinité familière. Des femmes en-
lacent de leurs bras minces les flancs et le col
des vases, baissent la tête, semblent pleurer les
bouquets qu'on y voit défaillir. Les coupes, ver-
seuses de rêve et d'oubli, sont des fleurs de né-
nuphar où s'accoudent des nymphes somno-
lentes. Un miroir, entouré de corolles, montre,
à son revers, une fillette, les mains ouvertes,
dans une attitude de coquetterie candide. Des
trois pièces d'un surtout, roses de Noël large-
ment épanouies, s'élèvent trois délicats sym-
boles humains : l'adolescence curieuse, le tendre
et frémissant amour, la maternité prévoyante.
Dans l'armature un peu grêle d'un lustre, de-
bout sur des fleurs de 3 soleil )) dont chacune
recèle une ampoule électrique, cinq silhouettes
féminines s'érigent avec des gestes ingénus.
Sur la robe de cette jeune princesse aux yeux
mystérieux, des lampes à incandescence viennent
à briller soudain, et l'enfant marche dans la
clarté
Son goût singulier pour la tristesse et le
deuil a inspiré à M. Vallgren des œuvres ad-
mirables, des urnes cinéraires qui contiennent
l'infini de la douleur. L'une d'elles est promise
au Luxembourg. Au flanc du vase de fer, les
deux figures longues, aux ailes repliées, coulées
dans le même métal, sombre, rude, inexorable,
gardent bien le secret de la mort. Mais la plus
curieuse invention décorative du sculpteur, c'est
une garniture de porte : marteau, serrure avec
clef et gonds, exposée, je crois, au Champ de
Mars, en 1894. Il y a là toute la poésie, toute la
psychologie des portes, de ces ais faibles ou
résistants, neufs ou vermoulus, derrière lesquels

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