NOVEMBRE 1901
vel art allemand dont la France n'avait encore
rien vu, et qu'ii iui présentait dans les condi-
tions exceptionnellement favorables d'une ker-
messe à laquelle chacun vient décidé à s'amuser
de tout. Le talent de M. Môhring s'adaptait à
merveille aux circonstances : point raffiné,
point délicat, au contraire robuste et taillant
d'un bras vigoureux les effets à grands coups
de hache, il était bien tel qu'il fallait pour une
œuvre destinée à faire courir un instant, puis
périr. Le restaurant du quai d'Orsay était une
attraction d'exposition dans le meilleur sens du
mot, et son succès comme tel fut mérité.
Les qualités de M.
Môhring l'ont-elles égale-
ment bien servi quand,
rue de Grammont, il s'est
agi de recevoir non plus
des visiteurs d'exposition,
mais des convives vivant
la vie mondaine de tous
les jours, dans un lieu
somptueux, relevé de
toutes les hardiesses d'un
nouvel art? Question à
laquelle il est délicat de
répondre pour l'écrivain
français. Le caractère de
l'établissement est du plus
pur allemand, et rien n'est
plus difficile que de bien
juger les choses qui ne
sont pas de son pays. On
est toujours entre deux
écueils : l'exaltation du
premier moment et l'in-
compréhension. Aussi je
donnerai mon sentiment
pour ce qu'il vaut: il est
monsentiment, rien déplus.
Le modernisme de
M. Môhring me semble
sujet à caution. Je vois
bien que l'artiste a donné
des formes nouvelles à
tout; qu'il a voulu pro-
duire partout des effets
non encore rencontrés au
moyen d'une foule de
combinaisons de matières,
ou de traitements des
matières inusités jusqu'ici;
qu'il a tout fait pour
donner à chaque décora- RESTAURANT KONSS
tion un caractère qu'on ne connaissait pas
encore. Mais entre l'impression que l'en-
semble de tout cela fait naître en nous, entre
l'état d'âme où ce milieu nous plonge et l'esprit
de notre temps, je n'aperçois pas le rap-
port. Sur cette magnificence rude, violente, in-
cohérente, il passe comme un souffle de barba-
rie héroïque, et nous ne savons comment
prendre contact avec elle. Les personnages
qu'on attend dans ce lieu ne sont pas des
Allemands réfléchis, méthodiques, diserts, pé-
rorant, même à table, ai? cwwf rg méticu-
leux dans la politesse, compassés dans la
ESCALIER D'ENTREE
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vel art allemand dont la France n'avait encore
rien vu, et qu'ii iui présentait dans les condi-
tions exceptionnellement favorables d'une ker-
messe à laquelle chacun vient décidé à s'amuser
de tout. Le talent de M. Môhring s'adaptait à
merveille aux circonstances : point raffiné,
point délicat, au contraire robuste et taillant
d'un bras vigoureux les effets à grands coups
de hache, il était bien tel qu'il fallait pour une
œuvre destinée à faire courir un instant, puis
périr. Le restaurant du quai d'Orsay était une
attraction d'exposition dans le meilleur sens du
mot, et son succès comme tel fut mérité.
Les qualités de M.
Môhring l'ont-elles égale-
ment bien servi quand,
rue de Grammont, il s'est
agi de recevoir non plus
des visiteurs d'exposition,
mais des convives vivant
la vie mondaine de tous
les jours, dans un lieu
somptueux, relevé de
toutes les hardiesses d'un
nouvel art? Question à
laquelle il est délicat de
répondre pour l'écrivain
français. Le caractère de
l'établissement est du plus
pur allemand, et rien n'est
plus difficile que de bien
juger les choses qui ne
sont pas de son pays. On
est toujours entre deux
écueils : l'exaltation du
premier moment et l'in-
compréhension. Aussi je
donnerai mon sentiment
pour ce qu'il vaut: il est
monsentiment, rien déplus.
Le modernisme de
M. Môhring me semble
sujet à caution. Je vois
bien que l'artiste a donné
des formes nouvelles à
tout; qu'il a voulu pro-
duire partout des effets
non encore rencontrés au
moyen d'une foule de
combinaisons de matières,
ou de traitements des
matières inusités jusqu'ici;
qu'il a tout fait pour
donner à chaque décora- RESTAURANT KONSS
tion un caractère qu'on ne connaissait pas
encore. Mais entre l'impression que l'en-
semble de tout cela fait naître en nous, entre
l'état d'âme où ce milieu nous plonge et l'esprit
de notre temps, je n'aperçois pas le rap-
port. Sur cette magnificence rude, violente, in-
cohérente, il passe comme un souffle de barba-
rie héroïque, et nous ne savons comment
prendre contact avec elle. Les personnages
qu'on attend dans ce lieu ne sont pas des
Allemands réfléchis, méthodiques, diserts, pé-
rorant, même à table, ai? cwwf rg méticu-
leux dans la politesse, compassés dans la
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