L'ART DÉCORATIF
A. DE LA GANDARA ÉTUDE
de génie, apportant ia révélation d'une âme
exceptionnelle dont le magnétisme allait orienter
toute une époque d'art.
De l'impressionnisme sont sortis deux
hommes qui ont développé sa conception de
l'élégance. L'un est Jules Chéret, l'autre est
Albert Besnard. L'un a créé un monde de rêve,
où le chatoiement des couleurs étincelle ou se
vaporise; l'autre conçoit le portrait de femme
comme une symphonie éclatante d'étoffes où le
corps et le visage s'irradient de cette magnifi-
cence qui les voile en les définissant. Il ne sé-
pare pas l'être et son expression morale du
décor qu'il suscite alentour de soi, et ce décor
est toujours un décor de fête, nacré des lumières
du bal. Besnard peint la femme heureuse. Mais
la génération quiasuccédé à ce maître glorieux
a été préoccupée d'idéologies différentes. Elle
a fait retour à une peinture moins claire, elle a
profité des trouvailles de l'impressionnisme dans
la mise en cadre, dans la franchise des harmo-
nies, dans la recherche des atmosphères, mais
elle a éprouvé le besoin du mystère, de la réti-
cence. On dirait qu'aussi effarée qu'admirative
du coup de soleil violent qui venait d'illuminer
la peinture française, elle a mis sa main sur ses
yeux L'exemple d'Eugène Carrière n'a pas été
pour peu de chose dans son recul, et les préoc-
cupations des symbolistes l'ont aussi hantée.
Elle s'est révélée mélancolique et intimiste. Sa
conception de l'élégance s'en est ressentie.
Elle a voulu en toutes choses la simplification ,
l'éloquence de la silhouette, l'amortissement de
tout éclat; elle a cherché l'harmonie dans la
subtile association des tonalités neutres, obéis-
sant, même pour le portrait de femme, à l'ins-
tinctif désir moderne, celui du noir vêtement
égalitaire mettant en valeur le visage et les
mains et admettant à peine une ou deux notes,
linge, dentelle, fleur ou bijou, qui contrastent
sans s'imposer
Un tel souhait émane de races septentrionales
ou d'outre-mer; l'élégance française, fastueuse
de lumières et de satins où frémit la face riante
ou nerveuse comme un feu suprême, s'efface
devant l'idéal plus froid et sans lyrisme de la
correction stricte et songeuse, amie des demi-
jours, surgie d'une sourde atmosphère silen-
cieuse. L'élégance de l'âme réagit à travers le
costume sobre, l'aspect de l'être signifie presque
uniquement par la silhouette décorative, cernée
de quelques grands traits simples pour le por-
trait d'homme, et définie par quelques sinueuses
arabesques d'étoffes pour l'effigie féminine pen-
chée sur un éventail ou une fleur. James Whist-
ler, après la de Renoir, le portrait de
de Manet, celui de M"'"
par Besnard, est intervenu pour dé-
A DE LA GANDARA ÉTUDE
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A. DE LA GANDARA ÉTUDE
de génie, apportant ia révélation d'une âme
exceptionnelle dont le magnétisme allait orienter
toute une époque d'art.
De l'impressionnisme sont sortis deux
hommes qui ont développé sa conception de
l'élégance. L'un est Jules Chéret, l'autre est
Albert Besnard. L'un a créé un monde de rêve,
où le chatoiement des couleurs étincelle ou se
vaporise; l'autre conçoit le portrait de femme
comme une symphonie éclatante d'étoffes où le
corps et le visage s'irradient de cette magnifi-
cence qui les voile en les définissant. Il ne sé-
pare pas l'être et son expression morale du
décor qu'il suscite alentour de soi, et ce décor
est toujours un décor de fête, nacré des lumières
du bal. Besnard peint la femme heureuse. Mais
la génération quiasuccédé à ce maître glorieux
a été préoccupée d'idéologies différentes. Elle
a fait retour à une peinture moins claire, elle a
profité des trouvailles de l'impressionnisme dans
la mise en cadre, dans la franchise des harmo-
nies, dans la recherche des atmosphères, mais
elle a éprouvé le besoin du mystère, de la réti-
cence. On dirait qu'aussi effarée qu'admirative
du coup de soleil violent qui venait d'illuminer
la peinture française, elle a mis sa main sur ses
yeux L'exemple d'Eugène Carrière n'a pas été
pour peu de chose dans son recul, et les préoc-
cupations des symbolistes l'ont aussi hantée.
Elle s'est révélée mélancolique et intimiste. Sa
conception de l'élégance s'en est ressentie.
Elle a voulu en toutes choses la simplification ,
l'éloquence de la silhouette, l'amortissement de
tout éclat; elle a cherché l'harmonie dans la
subtile association des tonalités neutres, obéis-
sant, même pour le portrait de femme, à l'ins-
tinctif désir moderne, celui du noir vêtement
égalitaire mettant en valeur le visage et les
mains et admettant à peine une ou deux notes,
linge, dentelle, fleur ou bijou, qui contrastent
sans s'imposer
Un tel souhait émane de races septentrionales
ou d'outre-mer; l'élégance française, fastueuse
de lumières et de satins où frémit la face riante
ou nerveuse comme un feu suprême, s'efface
devant l'idéal plus froid et sans lyrisme de la
correction stricte et songeuse, amie des demi-
jours, surgie d'une sourde atmosphère silen-
cieuse. L'élégance de l'âme réagit à travers le
costume sobre, l'aspect de l'être signifie presque
uniquement par la silhouette décorative, cernée
de quelques grands traits simples pour le por-
trait d'homme, et définie par quelques sinueuses
arabesques d'étoffes pour l'effigie féminine pen-
chée sur un éventail ou une fleur. James Whist-
ler, après la de Renoir, le portrait de
de Manet, celui de M"'"
par Besnard, est intervenu pour dé-
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