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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 4,1.1901/​1902

DOI Heft:
No.39 (Décembre 1901)
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Mauclair, Camille: Antonio de la Gandara
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https://doi.org/10.11588/diglit.34268#0114

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L'ART DECORATIF

valeurs profondes, relatives à l'ombre qui
emplit le tableau, et harmonisées lentement,
peu à peu, sans souci du détail.
Lavées à l'essence, avec très peu de cou-
leur, presque à l'aquarelle, en transparence sur
une toile d'un grain assez fort qui boit presque
entièrement la première application des tona-
lités, les préparations de ces portraits sont
reprises partiellement à l'aide de glacis légers,
sans pâte, dans une harmonie neutre de bruns
et de grins opalisés, d'un ton de verre dépoli.
Puis frissonnent quelques lueurs affleurant la
toile, comme s'allument les premiers feux dans
un paysage diffus et crépusculaire. La face
parait d'un seul ton, avec quelques ombres
portées très nettes, quelques coups de pinceau
francs soulignant un sourcil, l'ombre d'un
dessous de narine, le pli d'un sourire dérobé
dans la joue. Un joyau chatoie, discret, à un
doigt, le feu rouge d'une fleur hésite à naître
dans l'ombre, une fugitive cassure de satin, la
paillette d'une guimpe, le réseau d'une dentelle,
la laiteuse vapeur d'une gaze bouffante se ré-

vèlent avec un luxe éteint. Parfois, comme dans
l'adorable portrait de la princesse de Chimay,
transparaît sous un voile de tulle noir drapé
une pâle jupe de satin rose à peine visible —
ou, comme dans le (au
Musée du Luxembourg,) brillent les paillons
d'acier d'un boléro noir cambré sur une jupe
anglaise correcte et neutre, ou, comme dans le
portrait, de la comtesse de Noailles, un bras nu
s'ennuage d'une gaze vert d'eau négligemment
pastellisée dans l'harmonie de la robe — et
parfois, comme dans le portrait de Sarah
Bernhardt, suffit au style la torsion d'une robe
blanche à haut col Henri 11, sans autre ornement
que sa propre coulée laiteuse et ivoirine re-
montant du sol jusqu'à la nébuleuse des cheveux
mordorés. Et toujours s'impose à ces détails
de couleur la volonté de l'artiste grave, amou-
reux des luxes assourdis au recul mystérieux
de la solitude et du silence.
La psychologie de son dessin est minu-
tieuse. Il conçoit, autrement que Helleu plus
intimiste et que Besnard plus fastueux, la femme
du monde comme une créature
artificieuse, maîtresse d'elle-même,
dissimulant sa spontanéité sous
l'obligation de caste, et ayant vu
dans la nouvelle façon correcte,
anglaise, un peu garçonnière des
mœurs anciennement révérencieuses
et cérémoniales, un moyen de raf-
finer l'élégance et de composer
par grande subtilité une présen-
tation apparemment simple de soi-
même. 11 comprend, sans la cruauté
caricaturale d'un Degas, la dévas-
tation accomplie dans cet être com-
plexe par les maladies nerveuses.
11 note les maigreurs du défaut
de l'épaule, l'annihilement de la
gorge, la minceur enfantine des
bras, l'éphébisme presque insexué
des hanches, l'amenuisement des
torses, autant que les arêtes vives
du nez et des pommettes, la cer-
nure violente des yeux, l'aspect
bizarre des têtes minuscules écra-
sées sous le fardeau fiévreux de la
chevelure lourde. Et dans tout
cela il recompose une beauté carac-
térisé, une beauté presque baude-
lairienne qui plaît à son instinct de
peintre décoratif insoucieux de
peindre les belles chairs rutilantes et


A. DE LA GANDARA ÉTUDE


 
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