Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 4,1.1901/​1902

DOI Heft:
No.39 (Décembre 1901)
DOI Artikel:
Mauclair, Camille: Antonio de la Gandara
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.34268#0116

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
L'ART DÉCORATIF


peint plutôt la femme de boudoir et de salon,
mais avec la nuance d'une poésie grave, il peint
la femme sur qui ne se révèle pas seulement
l'éducation, mais encore l'hérédité familiale, la
sélection princière, l'accoutumance de l'attitude
de caste à peine déraidie par la simplicité un
peu voulue. Et où il est tout à fait supérieur,
c'est lorsqu'il fait pressentir sous cette attitude
la personnalité du modèle quelquefois si diffé-
rente, inquiète, rébellionnée, hantée d'initiatives
qui n'osent s'avouer, écoutant la voix du sang
qui parvient à travers le rite de la caste comme
le battement du cœur individuel sous la robe
d'apparat, il a peint ainsi quelques jeunes hiles
élancées, ouvrant des yeux passionnés et éton-
nés sur la vie qu'elles devinent, et inquiètes de
la sentir si dissemblable de celle qu'on leur
apprit, au point que le frémissement léger des
plumes soyeuses de leur chapeau semble l'essor
de leurs rêves suspendus au-dessus d'un front
qu'ils n'osent quitter encore. L'enlacement des
mains de la princesse deChimay un peu rejetée
sur le bras du fauteuil est une merveille d'intui-
tion psychologique de ces nerveuses mains des
mondaines qui, de tous leurs doigts impatients,
semblent rythmer ou contrarier la
causerie. Et il est attachant d'étudier
la façon subtile dont le peintre diffé-
rencie ces femmes, dont presque toutes
ont le même masque figé de poupées,
tellement habituées à dire les mêmes
choses aux mêmes heures dans d'iden-
tiques circonstances conventionnelles
que leurs traits, modelés par les in-
flexions de la parole et du sourire,
s'accusent semblables. Une accentua-
danstion l'arc du sourcil, un modelé
plus ou moins ombreux dans les fos-
settes du sourire, c'en est assez pour
qu'une femme vue par Antonio de la
Gandara livre son caractère personnel,
et au moins une partie de ce qu'elle ne
dit pas.
C'est un admirable peintre de
mains, le plus expressif que la France
picturale actuelle compte avec Besnard
et Carrière. 11 les peint avec amour, les
infléchit et les dispose selon d'infinies
combinaisons psychologiques. Elles
continuent l'élucidation de l'être tout
entier. Elles sortent réellement des
manches — et ceci est un éloge sans
ironie, à une époque où les trois quarts
A. Du LA GANDARA PORTRAIT DE M"- LtANE DE poucY desportraitsexhibentdesmainscoupëes

les étoffes emplies par de larges contours, telles
que les signifia Rubens, et cherchant, au contraire,
dans la netteté des verticales, dans l'ondoiement
tournoyant des obliques et des spirales, le secret
de l'arabesque vivante que devient la féminité
attifée. L'artiste réalise ce qu'il est lui-même.
Grand, mince, strict dans la gaine du veston,
portant haute une tête au teint olivâtre, à la
moustache Hère, au nez aquilin, aux noirs yeux
plus songeurs que sensuels, il se décèle silen-
cieux, courtois, sobre de gestes, réticent sinon
timide, parlant à demi-voix — un de ses por-
traits. La maigreur plaît à son héréditaire
instinct des beautés nerveuses, Hnes, brunes,
intérieurement consomptives et disant par le
regard toute l'ardente effusion de leur rêverie
apparemment nonchalante. Et avec la maigreur
il trouve la distinction en évitant la crispation.
Il ne l'exagère pas vers l'anémie des vierges
préraphaélites, émaciées dans une intention mys-
tique. 11 la restitue telle que l'admet le moder-
nisme, comme le signe de la force réactive
nerveuse suppléant la force active musculaire.
Uelleu dessine laParisienne,la Londonienne,
la femme de yachting et de tennis. La Gandara

92
 
Annotationen