FEVRIER 1902
à gros grains, esquissées à grands traits de
pinceau, avec des cheveux d'une seule cou-
ture. C'est une incessante confusion de pro-
cédés, un affranchissement totat du virtuose
qui n'écoute que sa fantaisie. Telle petite
étude semble en lainage, et telle autre a
l'aspect de l'agate, marbrée, jaspée, assourdie
ou acide selon un caprice qu'il est impos-
sible de définir. Mais c'est assez parler des
procédés de M. Renoir, et il est temps d'en
venir à son sentiment des êtres et des choses;
à sa psychologie, à son âme, à ses rêves.
La technique, en effet, si ingénieuse
soit-elle, ne peut suffire à constituer un
artiste de premier rang, si elle ne ratifie
point des facultés psychologiques ou déco-
ratives, la puissance
ensembles soit de créer
des types, selon un
style personnel à celui
qui en use. Or, il y a
chez M. Renoir cette
puissance sous plu-
sieurs formes et à di-
vers degrés, inégale-
ment, mais d'une façon
indéniable.
Il a de la nudité
une conception très
particulière, et à un
point qui permet de ne
confondre ses nus avec
ceux d'aucun peintre,
même parmi les im-
pressionnistes, qui les
ont conçus si originale-
ment. Degas a étudié
avant tout la femme
moderne déshabillée.
Ses torses portent en-
core l'empreinte du
corset et des plis du
linge, Ils n'ont rien de
ce nu emblématique et
triomphant des clas-
siques, qui a un carac-
tère de permanence.
Ce sont des nus que
nous ignorions tout à
l'heure , que nous
entrevoyons , et qui
vont bientôt se re-
soit d inventer des
A. RENOIR
couvrir de vêtements. Nous ne les aper-
cevons que dans des cabinets de toilette,
parmi les étoffes à Heurs, les tubs où Hottent
les éponges. Ce ne sont pas des nudités
symboliques ni même offertes à l'amour.
Nous étudions des contemporaines dévêtues.
Leur peau est encore grenue de la chair de
poule créée par l'eau froide. Leur beauté est
uniquement psychologique et caractériste.
Les nus de Degas sont presque des documents
physiologiques, on y étudierait la neuras-
thénie, les diverses maladies nerveuses .de la
contemporaine; leur charmante maigreur,
leur élasticité animale peut plaire, mais elle
est très éloignée de la beauté proportionnclle
cômme l'a conçue la peinture scolastique,
dont elle bouleverse les canons. Le terrible
observateur ne se préoccupe que de vérité,
et n'arrange pas ce qu'il voit. Manet est
FEMME NUE
I 85
à gros grains, esquissées à grands traits de
pinceau, avec des cheveux d'une seule cou-
ture. C'est une incessante confusion de pro-
cédés, un affranchissement totat du virtuose
qui n'écoute que sa fantaisie. Telle petite
étude semble en lainage, et telle autre a
l'aspect de l'agate, marbrée, jaspée, assourdie
ou acide selon un caprice qu'il est impos-
sible de définir. Mais c'est assez parler des
procédés de M. Renoir, et il est temps d'en
venir à son sentiment des êtres et des choses;
à sa psychologie, à son âme, à ses rêves.
La technique, en effet, si ingénieuse
soit-elle, ne peut suffire à constituer un
artiste de premier rang, si elle ne ratifie
point des facultés psychologiques ou déco-
ratives, la puissance
ensembles soit de créer
des types, selon un
style personnel à celui
qui en use. Or, il y a
chez M. Renoir cette
puissance sous plu-
sieurs formes et à di-
vers degrés, inégale-
ment, mais d'une façon
indéniable.
Il a de la nudité
une conception très
particulière, et à un
point qui permet de ne
confondre ses nus avec
ceux d'aucun peintre,
même parmi les im-
pressionnistes, qui les
ont conçus si originale-
ment. Degas a étudié
avant tout la femme
moderne déshabillée.
Ses torses portent en-
core l'empreinte du
corset et des plis du
linge, Ils n'ont rien de
ce nu emblématique et
triomphant des clas-
siques, qui a un carac-
tère de permanence.
Ce sont des nus que
nous ignorions tout à
l'heure , que nous
entrevoyons , et qui
vont bientôt se re-
soit d inventer des
A. RENOIR
couvrir de vêtements. Nous ne les aper-
cevons que dans des cabinets de toilette,
parmi les étoffes à Heurs, les tubs où Hottent
les éponges. Ce ne sont pas des nudités
symboliques ni même offertes à l'amour.
Nous étudions des contemporaines dévêtues.
Leur peau est encore grenue de la chair de
poule créée par l'eau froide. Leur beauté est
uniquement psychologique et caractériste.
Les nus de Degas sont presque des documents
physiologiques, on y étudierait la neuras-
thénie, les diverses maladies nerveuses .de la
contemporaine; leur charmante maigreur,
leur élasticité animale peut plaire, mais elle
est très éloignée de la beauté proportionnclle
cômme l'a conçue la peinture scolastique,
dont elle bouleverse les canons. Le terrible
observateur ne se préoccupe que de vérité,
et n'arrange pas ce qu'il voit. Manet est
FEMME NUE
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