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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 4,1.1901/​1902

DOI Heft:
No.41 (Février 1902)
DOI Artikel:
Mauclair, Camille: L' œuvre d'Auguste Renoir, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.34268#0222

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L'ART DECORATIF


seraitadmise, sinon à correction. Ils étudient
le ton de la chair, mettent en relief un détail
typique de l'époque, du pays, de la condition
sociale,, en un mot ils cherchent sous le
vêtement la psychologie qu'on se borne à
chercher en général sur lui. Degas va même
jusqu'à noter la gaucherie de l'être nu, de
l'être pour qui la nudité est inhabituelle dans
nos mœurs, l'attitude gênée qu'elle lui con-
fère, son côté légèrement caricatural. Chez
Puvis de Chavannes, à qui on ne reprochera
pas de manquer d'idéalisme, le nu, bien
qu'anobli et s'élevant jusqu'à la signification
allégorique dans des paysages stylisés, reste
quand même véridique. Ses mères, ses jeunes
hiles ne sont pas conformes à la convention
de perfection d'Ecole, et il les fait épaisses
ou maigres quand il sied. Le nu de Royps
est spécial. L'artiste y Lit saillir à dessein
les caractères de la luxure, aiguise la gorge,
amincit la taille, déve-
loppe les hanches, cambre
les reins, donne à tout
le corps l'élasticité ner-
veuse des grands fauves,
et stylise selon ses sujets
le type classé sous le
nom de «fausse maigrex
que Rodin affectionne
également.
Mais M. Renoir con-
çoit tout différemment
la femme nue, et d'une
façon qui n'est ni aca-
démique, ni psycholo-
gique, ni réaliste, ni
luxurieuse. Il la voit se-
lon un certain instinct
qui est beaucoup plus
littéraire qu'on ne le
penserait. On dirait qu'il
en observe à peine la
ligne, tant il est séduit
par l'éclat de son épi-
derme. Il peint amou-
reusement sa chair dans
des gammes vibrantes,
neigeuses ou roses, peu
vraisemblables. Il ne
fait des chants, et non
des études. Pour lui, le
nu féminin est un éclat,
une pulpe lumineuse,
poRTRAtT liliale, nacrée, florale,

surtout préoccupé de la tonalité de ses nus,
de leur expression musculaire. Rien, dans les
nus de Manet et de Degas, n'est fait pour
plaire au spectateur qui arriverait pénétré de
l'idée, si commune, qu'une nudité doit être
canoniquement belle et « poétisée x, avec des
cheveux de deux mètres, des seins de vierge,
une peau de lis et de roses, en un mot telle
qu'on ne la rencontre jamais. La Victorine
duDe/'emter.wr/'/teràe, lesLemtnex
ntt R/à de M. Degas, sont simplement des
femmes vivantes, vues dans des atmosphères
naturelles, faites décemment, ni repoussantes
ni divinisées, et parce qu'ils peignent la
femme nue, ces peintres ne se croient pas
obligés (pas plus que Rembrandt) de lui
enlever toute imperfection en en faisant un
type idéal, qui n'est d'aucun pays sinon de
celui d'Académia, contrée heureuse où pas
une des femmes que nous avons connues ne

A. RENOIR

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