L'ART DÉCORATIF
A. RENOIR
tfex Cttnofierx s'impose comme un grand
poème de bonheur, de jeunesse joyeuse, de
bruyante vivacité, immensément éloigné de
l'anecdote et pourtant scrupuleusement vrai
dans les détails. Il n'y a pas là un geste qui
soit convenu ou ennobli, pas une recherche
de faux arrangement; c'est par la magnifi-
cence de la couleur, par la richesse de la
pâte, par la maîtrise de l'exécution, par le
charme pictural que la scène moderniste
s'élève au rang de la grande peinture. Quel
éclat moelleux, quel voluptueux écrasement
de palette, quelle verve et quelle sûreté dans
cette table encombrée d'argenterie et de
cristaux, quelle trouvaille de grâce palpi-
tante que celle de la jeune femme qui sou-
lève jusque devant sa rieuse figure la tête
ébouriffée de son petit chien! On n'a rien
peint de plus libre, de plus naturel, de plus
français!
Si nous en venons aux PetRex yR/ex
ttM pitmo, figurant au Luxembourg et dont
il existe une réplique que nous estimons
être meilleure, nous trouverons encore la
tendance caractéristique de M. Renoir, et
cette fois un mélange de ses divers procédés.
Le dessin en est à la fois maladroit et ra-
vissant; tout
s'y sacrifie au
mouvement, et
l'arrangement
de là fillette
assise, jouant
avec une atten-
tion qui la
force à une
moue ravis-
sante, m de
son amie pen-
chée sur elle,
est-ce qu'on
peut voir de
plus joli, de
plus enfantine-
ment naturel,
malgré des
gaucheries qui
vont dans le
sens même de
la composition
On dirait sou-
vent, et cette
L'ENFANT ET SES jouETs toile en est
"un exemple
curieux, que les faiblesses de dessin de
l'artiste, qui a donné vingt preuves d'un
dessin superbe, sont le résultat de sa
fantaisie, préoccupée de la couleur avant
tout; il est à remarquer que ses imperfec-
tions ne nuisent jamais à ses valeurs, et au
contraire en accentuent l'impression d'en-
semble. Jamais par exemple il ne dessinera
trop sèchement un nu de coloris blond et
gras, jamais il ne contrariera par un dessin
trop flou l'aspect d'un être gracile : ses dé-
fauts, qu'un académique taxerait de manque
de savoir, sont tous issus de l'exagération du
caractère général de l'œuvre, et de la détermi-
nation de sacrifier le dessin anatomique au
dessin du mouvement. Cela se sent dans les
PelRex yR/ex <?M piano. Quant à leur coloris,
il est étrange. Il sé joue dans des harmonies
presque fausses, le piano est de palissandre
veiné, violacé et presque groseille, les tons gro-
seille, citron, vert acide et rose turc se répètent
dans tout le tableau, les cheveux de la fillette
assise sont d'or jaune, l'ameublement du salon
à demi démasqué au fond par une tenture
est d'un orientalisme quasi-criard^ L'ensemble
donne l'impression de bonbons, de crèmes,
de nougats et de pralines, et cependant, par
222
A. RENOIR
tfex Cttnofierx s'impose comme un grand
poème de bonheur, de jeunesse joyeuse, de
bruyante vivacité, immensément éloigné de
l'anecdote et pourtant scrupuleusement vrai
dans les détails. Il n'y a pas là un geste qui
soit convenu ou ennobli, pas une recherche
de faux arrangement; c'est par la magnifi-
cence de la couleur, par la richesse de la
pâte, par la maîtrise de l'exécution, par le
charme pictural que la scène moderniste
s'élève au rang de la grande peinture. Quel
éclat moelleux, quel voluptueux écrasement
de palette, quelle verve et quelle sûreté dans
cette table encombrée d'argenterie et de
cristaux, quelle trouvaille de grâce palpi-
tante que celle de la jeune femme qui sou-
lève jusque devant sa rieuse figure la tête
ébouriffée de son petit chien! On n'a rien
peint de plus libre, de plus naturel, de plus
français!
Si nous en venons aux PetRex yR/ex
ttM pitmo, figurant au Luxembourg et dont
il existe une réplique que nous estimons
être meilleure, nous trouverons encore la
tendance caractéristique de M. Renoir, et
cette fois un mélange de ses divers procédés.
Le dessin en est à la fois maladroit et ra-
vissant; tout
s'y sacrifie au
mouvement, et
l'arrangement
de là fillette
assise, jouant
avec une atten-
tion qui la
force à une
moue ravis-
sante, m de
son amie pen-
chée sur elle,
est-ce qu'on
peut voir de
plus joli, de
plus enfantine-
ment naturel,
malgré des
gaucheries qui
vont dans le
sens même de
la composition
On dirait sou-
vent, et cette
L'ENFANT ET SES jouETs toile en est
"un exemple
curieux, que les faiblesses de dessin de
l'artiste, qui a donné vingt preuves d'un
dessin superbe, sont le résultat de sa
fantaisie, préoccupée de la couleur avant
tout; il est à remarquer que ses imperfec-
tions ne nuisent jamais à ses valeurs, et au
contraire en accentuent l'impression d'en-
semble. Jamais par exemple il ne dessinera
trop sèchement un nu de coloris blond et
gras, jamais il ne contrariera par un dessin
trop flou l'aspect d'un être gracile : ses dé-
fauts, qu'un académique taxerait de manque
de savoir, sont tous issus de l'exagération du
caractère général de l'œuvre, et de la détermi-
nation de sacrifier le dessin anatomique au
dessin du mouvement. Cela se sent dans les
PelRex yR/ex <?M piano. Quant à leur coloris,
il est étrange. Il sé joue dans des harmonies
presque fausses, le piano est de palissandre
veiné, violacé et presque groseille, les tons gro-
seille, citron, vert acide et rose turc se répètent
dans tout le tableau, les cheveux de la fillette
assise sont d'or jaune, l'ameublement du salon
à demi démasqué au fond par une tenture
est d'un orientalisme quasi-criard^ L'ensemble
donne l'impression de bonbons, de crèmes,
de nougats et de pralines, et cependant, par
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