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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 5,2.1903

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Mauclair, Camille: Alfred Roll
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https://doi.org/10.11588/diglit.34208#0061

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L'ART DÉCORATIF

nombreuse série de portraits, scènes rus-
tiques, petites toiles, qui permettront à la
critique de nuancer très diversement la con-j
ception d'ensemble que lui suggère cette
personnalité comptant parmi les quatre ou
cinq les plus considérables de son temps, j
Le premier caractère de l'œuvre de;
M. Roll, celui qui s'impose, c'est la puis-:
sance. Elle résulte non seulement de sesj
sujets sociologiques ou dramatiques, maA
encore de la fougue de sa composition etj
de son exécution. On sent de suite la
joie de peindre largement, en pleine pâte,;
sans mesquinerie et de verve, on sentj
aussi l'amour de l'énergie, des gestes, de}
la réalité des êtres et du décor. Derrière!
ce premier aspect s'en révèle un autre,!
celui de la délicatesse singulière d'un co-^
loriste épris de toutes les finesses péril-
leuses de la lumière, d'un homme qui est
profondément peintre, à un degré où bien
peu d'artistes le sont aujourd'hui. Ainsi,
dans l'œuvre de Zola, comparaison facile
que beaucoup de critiques ont faite avec la
peinture de M. Roll, à cause d'une identité
de sujets, de fougue et de réalisme, dans
cette œuvre massive et largement bâtie on
trouve d'inattendues trouvailles de psycho-
logie subtile, des tendresses éclipsées par laj
belle brutalité lyrique de l'ensemble, des
figures de second plan teintées avec une lé-
gèreté voilée qui étonne. Chez l'un et chez
l'autre, cette tendresse secrète vient d'unej
âme attachée, gravement compréhensive etj
pitoyable, aux humbles de l'humanité, auxj
quotidiennes consolations de beauté que;
nous donne la nature. Elle s'exprime par la
couleur ou par certaines douceurs soudaines;
du langage, telles épithètes correspondant à
tels demi-tons, avec cette détente spéciale
qui n'appartient qu'aux robustes. !
L'homme habile cherche un sujet qui
convienne à ses moyens : mais certains su-
jets cherchent leur homme, et lui créent
ses moyens. Il n'est pas douteux que M. Roll
ait été celui-là, et tout le contraire d'un
homme habile. Plus il va, plus on voit qu'il
sait; mais cette science n'est point un savoir-
faire u ^rz'orz, c'est le résultat d'une voca-
tion. Qu'il ait débuté par l'art décoratif du
mobilier, qu'il ait été, de là, entraîné vers
la peinture, qu'il soit devenu par la suite
président d'un puissant jury, comblé d'ordres
français et étrangers, célèbre, la persistance

de son caractère et de ses idées jamais ne
se démentit : leur primitivité reste intacte.
Il est l'homme de la réalité moderniste,
l'homme à la conscience vibrante, au juge-
ment généralisateur et simple, bon sans
tolstoïsme, socialiste sans étiquette, fonciè-
rement indépendant, ami des justes révoltes,
et confiant dans la force immanente de
l'homme des peines. De là résultent des
toiles comme /'/zzozzùuïzozz, drame de l'eau
et des êtres, sulfureux et blême, avec des
cambrures et des taches à la Delacroix; /zt
G/'âre, qui pourrait être le frontispice de
Cezvzzzzzzt/, avec ses noirs et ses gris d'un
caractère farouche, ses belles figures cris-
pées, ses faces sauvages ; /e Tz*zzizzzz7, vaste
symphonie de l'effort terne et symétrique;
/zz Gzzezve, où se montre tout le désenchan-
tement des vieux mirages de l'héroïsme,
l'acceptation passive, ni lâche ni enthou-
siaste, du soldat moderne privé d'initiative,
infime numéro d'une machinerie, individu
conscient des nécessités, violenté par un
engrenage; et certaines toiles enfin, effigies
de pauvresses et d'ouvriers de la glèbe. So-
cialistes, ces œuvres? Non, simplement hu-
maines, nées d'une âme qui a pitié. Il n'y a
ici d'autre dramatique que celui des faits
eux-mêmes, d'autre composition que celle
qu'offre la vie, et qui s'accorde sur-le-champ
aux lois de l'harmonie coloriste avec très
peu de changements : ni virtuosité ni mise
en scène, la difficulté vue en face et résolue
par la sincère conviction, par la pénétrante
vision du caractère nécessaire des moindres
détails.
En certaines de ces œuvres, M. Roll a
touché à la grande expression : « J'étais né,
dit-il, avec un sourire mêlé de mélancolie,
pour peindre du soleil sur du nu : mes
idées, je ne sais quelle impulsion intérieure,
ont fait de moi un peintre de la souffrance.
Je ne le regrette pas, cela vaut mieux ainsi, w
Et il est certain qu'une sensualité riche et
heureuse a été chez lui le premier motif de
peindre, lentement modifié par une âme qui
exigeait plus que la joie, s'élevait à i'envi-
sagement du devoir, et commandait ces
œuvres courageusement offertes à l'étonne-
ment, à la défaveur, à l'ingrate désertion du
public, ces œuvres apparues en plein Salon
comme de gênantes taches de vérité dans la
facticité générale, intruses et insoucieuses
du bon goût : chacune souleva d'amères op-

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