ALFRED ROLL
i'instinct pictural de M. Roli rassurait la
critique détachée de tout ce qui n'est pas
exclusivement la peinture dans un tableau,
en exécutant quelques morceaux admirables,
où se révélait la plus originale compréhen-
sion de la lumière. L'ancien élève de Gérôme,
que celui-ci ne corrigeait qu'en disant sèche-
ment : « C'est mauvais ", et qui s'en alla
prudemment lorsqu'il se fut entendu dire :
K Cette fois, c'est bon H, ce peintre devait en
arriver très vite à la faculté magistraie des
valeurs claires, regarder avec profit ce Ma-
net bafoué, en butte aux haines dérisoires,
qu'il admirait de tout son cœur et, avec un
petit groupe de peintres courageux, faisait
médailler au Salon pour son LozG'azY uL
Rez^zzzxeit, malgré une furieuse opposition
des académiques, après avoir délicatement
demandé à Manet s'il consentirait à accepter
cette marque, infime en elle-même, du culte
de quelques jeunes indépendants. Lu LeYe
aie Fz/ézze, avec sa luxuriance de chairs, sa
richesse savoureuse, sa furie d'exécution, sa
composition mouvementée, fut, entre /'Tzzozz-
nGLozz et /G Crève, l'annonce d'un tempéra-
ment de grand coloriste, cherchant, comme
Manet, la forme dans la couleur elle-même,
dessinant par les valeurs. Yfzz ACrzzzuzzhze
devait continuer la série, dont la plus éton-
nante réalisation est cette Fezzwze zzzz Gzzzœnzz
Le Lrzzvzn/
qui restera un des plus complets tableaux
qu'ait peints l'école moderne. Dans un en-
chevêtrement d'herbages et de feuilles irra-
diés par un soleil triomphant, la sombre
silhouette bestiale, humant l'été, bavant de
luxure et d'orgueil, fait contraste à la chair
heureuse de la femme rousse crispée aux
cornes, inondée des reflets de la prairie
marbrant d'or et de vert sa peau laiteuse,
chancelante d'ivresse et de désir, riante,
égarée, nimbée d'or, fruit gonflé de sève
impudique. Je ne crois pas qu'il existe un
morceau plus osé, plus savant et plus fou-
gueux tout ensemble, un poème rustique
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i'instinct pictural de M. Roli rassurait la
critique détachée de tout ce qui n'est pas
exclusivement la peinture dans un tableau,
en exécutant quelques morceaux admirables,
où se révélait la plus originale compréhen-
sion de la lumière. L'ancien élève de Gérôme,
que celui-ci ne corrigeait qu'en disant sèche-
ment : « C'est mauvais ", et qui s'en alla
prudemment lorsqu'il se fut entendu dire :
K Cette fois, c'est bon H, ce peintre devait en
arriver très vite à la faculté magistraie des
valeurs claires, regarder avec profit ce Ma-
net bafoué, en butte aux haines dérisoires,
qu'il admirait de tout son cœur et, avec un
petit groupe de peintres courageux, faisait
médailler au Salon pour son LozG'azY uL
Rez^zzzxeit, malgré une furieuse opposition
des académiques, après avoir délicatement
demandé à Manet s'il consentirait à accepter
cette marque, infime en elle-même, du culte
de quelques jeunes indépendants. Lu LeYe
aie Fz/ézze, avec sa luxuriance de chairs, sa
richesse savoureuse, sa furie d'exécution, sa
composition mouvementée, fut, entre /'Tzzozz-
nGLozz et /G Crève, l'annonce d'un tempéra-
ment de grand coloriste, cherchant, comme
Manet, la forme dans la couleur elle-même,
dessinant par les valeurs. Yfzz ACrzzzuzzhze
devait continuer la série, dont la plus éton-
nante réalisation est cette Fezzwze zzzz Gzzzœnzz
Le Lrzzvzn/
qui restera un des plus complets tableaux
qu'ait peints l'école moderne. Dans un en-
chevêtrement d'herbages et de feuilles irra-
diés par un soleil triomphant, la sombre
silhouette bestiale, humant l'été, bavant de
luxure et d'orgueil, fait contraste à la chair
heureuse de la femme rousse crispée aux
cornes, inondée des reflets de la prairie
marbrant d'or et de vert sa peau laiteuse,
chancelante d'ivresse et de désir, riante,
égarée, nimbée d'or, fruit gonflé de sève
impudique. Je ne crois pas qu'il existe un
morceau plus osé, plus savant et plus fou-
gueux tout ensemble, un poème rustique
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