L'ART DÉCORATIF
gées; elles sont présentées Ken société)),
peut-on dire, ainsi qu'elles doivent l'être dans
la maison d'un amateur. De là l'idée est
venue, à côté des salles internationales,
réservées à la peinture, à la sculpture, au
dessin ou à la gravure, d'aménager une
série de salles complètement décorées, meu-
blées, installées, où tout ce qui viendrait
prendre place n'aurait pas été conçu isolé-
ment, mais en rapport avec les autres pièces
de l'ensemble. Dans un pareil entourage, les
tableaux eux-mêmes joueraient exactement
le rôle qui leur est propre, sans empiéter
sur les autres fonctions d'un appartement
usuel.
Pour assurer une plus complète simili-
tude d'idée entre ceux qui seraient chargés
de la disposition de chaque salle, on
eut l'excellente inspiration d'attribuer une
salle spéciale à chaque groupe régional. En
sorte que chaque province italienne a sa
salle, décorée suivant ses traditions propres,
suivant ses tendances locales, sous le contrôle
de quelques artistes, sous une direction archi-
tecturale unique.
Je ne crains pas de dire qu'en voyant
ces ensembles divers, où Pon sent si plei-
nement et si nettement une volonté déco-
rative, on éprouve une charmante surprise.
Malgré la hâte inévitable de l'exécution et
la modicité forcée des ressources, les résultats
réalisés donnent une impression complète,
un sentiment très vif de cohésion et de dis-
tinction. Que l'on se souvienne des étapes
que l'art italien moderne a déjà franchies, et
l'on verra combien on a le droit d'applaudir
à cette rapide conquête d'une conception
claire et de moyens remarquables. Ce fut à
notre Exposition universelle de 1900, en face
des efforts plus ou moins définis de tous les
peuples, un désintéressement à peu près
absolu de l'Italie, qui ne nous montrait d'in-
téressant que quelques tentatives isolées, au
milieu de la paresse générale qui portait
l'industrie italienne à vivre indéfiniment sur
le répertoire du passé, comme si toute vita-
lité fût désormais morte chez elle. Mais
quelques esprits énergiques sentirent, à temps
encore, le péril de cet ensevelissement volon-
taire où tout ce qui pouvait rester d'activité
créatrice risquait de s'anéantir. Ils firent une
honte aux producteurs de tous ordres de leur
léthargie, en présence de la fermentation du
monde entier, où les formes se refondaient.
Cette morale virulente ht son effet : non
seulement l'Italie voulut participer au mou-
vement, mais elle se força à donner un
exemple ; elle organisa la première Expo-
sition internationale d'Art Décoratif, que
nous avons déjà rappelée plus haut.
La, la bonne volonté des travailleurs se
faisait sentir de toutes parts ; mais ce premier
zèle n'allait pas sans quelque désordre, sans
quelques emballements irraisonnés. Beaucoup
s'efforcaient de suivre, à droite ou à gauche,
tel novateur étranger, dont le tempérament
demeurait hostile au sens naturel de l'art
italien. Parfois, les morceaux les meilleurs
restaient encore entachés de quelque défail-
lance. Des faux goûts, des mièvreries, des
exubérances trop grandes de formes et de
décors, heurtaient encore çà et là.
Or, tout à coup, un an à peine après
l'Exposition de Turin, nous voyons s'afhrmcr
des exemples châtiés, d'un goût discret et
Hn, hlialement rattaché a toutes les belles
productions de l'art national, d'un sentiment
délicieux de l'harmonie et de la couleur. Il
y a à s'incliner devant cette volonté de par-
venir, devant ce désir si rare de profiter des
critiques au lieu de s'aveugler sur les mérites
de l'œuvre faite et de tirer gloire de ses
défauts, et devant cette entente de tous pour
réaliser un ensemble homogène, où aucune
personnalité ne veut se mettre en évidence
aux dépens des autres — et de la juste
mesure.
Comme nous souhaiterions de pouvoir
toujours louer chez nous une pareille sagesse,
seule capable, on le voit, de faire faire un
pas rapide à notre art contemporain. Avec
une telle concordance d'efforts, nos artistes
auraient moins à se plaindre de l'indifférence
ou de la résistance du public, que décon-
certent les productions incohérentes.
Personne, d'ailleurs, ne se réjouira plus
que nous de voir l'Italie reprendre, à la tète
du mouvement artistique, la place a laquelle
son passé fécond lui donne droit. Nous
croyons qu'avec notre art français, sans
cesse ramené à son caractère normal et tra-
ditionnel, l'art italien est encore appelé à
donner des modèles de pureté et d'élégance.
Cette lucidité de conception de l'esprit latin,
cette imagination plus spontanée, plus « selon
la nature )) nous préserverait des lourdeurs
voulues, des raideurs réfrigérantes, des étran-
getés concertées qui nous encombrent de tous
88
gées; elles sont présentées Ken société)),
peut-on dire, ainsi qu'elles doivent l'être dans
la maison d'un amateur. De là l'idée est
venue, à côté des salles internationales,
réservées à la peinture, à la sculpture, au
dessin ou à la gravure, d'aménager une
série de salles complètement décorées, meu-
blées, installées, où tout ce qui viendrait
prendre place n'aurait pas été conçu isolé-
ment, mais en rapport avec les autres pièces
de l'ensemble. Dans un pareil entourage, les
tableaux eux-mêmes joueraient exactement
le rôle qui leur est propre, sans empiéter
sur les autres fonctions d'un appartement
usuel.
Pour assurer une plus complète simili-
tude d'idée entre ceux qui seraient chargés
de la disposition de chaque salle, on
eut l'excellente inspiration d'attribuer une
salle spéciale à chaque groupe régional. En
sorte que chaque province italienne a sa
salle, décorée suivant ses traditions propres,
suivant ses tendances locales, sous le contrôle
de quelques artistes, sous une direction archi-
tecturale unique.
Je ne crains pas de dire qu'en voyant
ces ensembles divers, où Pon sent si plei-
nement et si nettement une volonté déco-
rative, on éprouve une charmante surprise.
Malgré la hâte inévitable de l'exécution et
la modicité forcée des ressources, les résultats
réalisés donnent une impression complète,
un sentiment très vif de cohésion et de dis-
tinction. Que l'on se souvienne des étapes
que l'art italien moderne a déjà franchies, et
l'on verra combien on a le droit d'applaudir
à cette rapide conquête d'une conception
claire et de moyens remarquables. Ce fut à
notre Exposition universelle de 1900, en face
des efforts plus ou moins définis de tous les
peuples, un désintéressement à peu près
absolu de l'Italie, qui ne nous montrait d'in-
téressant que quelques tentatives isolées, au
milieu de la paresse générale qui portait
l'industrie italienne à vivre indéfiniment sur
le répertoire du passé, comme si toute vita-
lité fût désormais morte chez elle. Mais
quelques esprits énergiques sentirent, à temps
encore, le péril de cet ensevelissement volon-
taire où tout ce qui pouvait rester d'activité
créatrice risquait de s'anéantir. Ils firent une
honte aux producteurs de tous ordres de leur
léthargie, en présence de la fermentation du
monde entier, où les formes se refondaient.
Cette morale virulente ht son effet : non
seulement l'Italie voulut participer au mou-
vement, mais elle se força à donner un
exemple ; elle organisa la première Expo-
sition internationale d'Art Décoratif, que
nous avons déjà rappelée plus haut.
La, la bonne volonté des travailleurs se
faisait sentir de toutes parts ; mais ce premier
zèle n'allait pas sans quelque désordre, sans
quelques emballements irraisonnés. Beaucoup
s'efforcaient de suivre, à droite ou à gauche,
tel novateur étranger, dont le tempérament
demeurait hostile au sens naturel de l'art
italien. Parfois, les morceaux les meilleurs
restaient encore entachés de quelque défail-
lance. Des faux goûts, des mièvreries, des
exubérances trop grandes de formes et de
décors, heurtaient encore çà et là.
Or, tout à coup, un an à peine après
l'Exposition de Turin, nous voyons s'afhrmcr
des exemples châtiés, d'un goût discret et
Hn, hlialement rattaché a toutes les belles
productions de l'art national, d'un sentiment
délicieux de l'harmonie et de la couleur. Il
y a à s'incliner devant cette volonté de par-
venir, devant ce désir si rare de profiter des
critiques au lieu de s'aveugler sur les mérites
de l'œuvre faite et de tirer gloire de ses
défauts, et devant cette entente de tous pour
réaliser un ensemble homogène, où aucune
personnalité ne veut se mettre en évidence
aux dépens des autres — et de la juste
mesure.
Comme nous souhaiterions de pouvoir
toujours louer chez nous une pareille sagesse,
seule capable, on le voit, de faire faire un
pas rapide à notre art contemporain. Avec
une telle concordance d'efforts, nos artistes
auraient moins à se plaindre de l'indifférence
ou de la résistance du public, que décon-
certent les productions incohérentes.
Personne, d'ailleurs, ne se réjouira plus
que nous de voir l'Italie reprendre, à la tète
du mouvement artistique, la place a laquelle
son passé fécond lui donne droit. Nous
croyons qu'avec notre art français, sans
cesse ramené à son caractère normal et tra-
ditionnel, l'art italien est encore appelé à
donner des modèles de pureté et d'élégance.
Cette lucidité de conception de l'esprit latin,
cette imagination plus spontanée, plus « selon
la nature )) nous préserverait des lourdeurs
voulues, des raideurs réfrigérantes, des étran-
getés concertées qui nous encombrent de tous
88