L'ART DÉCORATIF
CH. BOUTET DE MONVEL
donné que le bijou est une nécessité de la
coquetterie féminine et que, puisqu'on ne
peut l'éviter, il vaut mieux en contempler
de délicieux ou du moins de très jolis, que
de subir les horreurs d'antan — le public
ne s'intéressa pas du tout à la section d'art
appliqué, reléguée dans des coins difficiles
à découvrir. Les maîtres de la grande cri-
tique, eux aussi, négligèrent de décrire les
objets exposés à cette section ou ne le fai-
saient qu'en passant, tout au bout de leur
article.
Mais les artistes qui n'avaient pas dé-
daigné de consacrer un peu de leur très
grand talent à ces arts mineurs et qui,
chose appréciable pourtant, ne vendaient
que peu ou point, à cause de ia valeur mar-
chande trop infime de leurs œuvres par
rapport au prix total de leurs bi-
joux, les artistes continuèrent à
imposer leur goût au public d'a-
bord récalcitrant, et aujourd'hui
tes voilà légion, et de telie impor-
tance que la section d'art décora-
tif baiance presque les autres sec-
tions et a ses fidèles exclusifs.
J'ai déjà parié, au moment du
Salon, de certains dont j'ai à m'oc-
cuper aujourd'hui, mais leurs œu-
vres peuvent, je crois, subir une
répétition de mon admiration très
motivée. M. L. Gaillard a envoyé,
cette année, au Salon, une abon-
dance de très jolies et très légères
choses faites pour s'adapter, pour
exalter discrètement la beauté de
la femme, sans attirer à elle toute
l'attention, comme du temps des
glorieux bouchons de carafe pom-
peusement entourés de larges ban-
des d'argent taillé à facettes, ou des
œufs de pigeon bleus et verts qui,
parce que saphirs ou émeraudes,
écrasaient de toute leur majesté la
coiffure, voire même les épaules
ou les bras de telle belle dame con-
damnée à être splendide. Le peigne
de corne translucide de M. Gail-
lard, d'un ton vert gris tendre, de
forme très pure, très harmonieuse,
s'adorne d'un simple épi d'or tout
simple, tout vrai, nullement stylisé
Co/her et d'une topaze carrée. C'est d'une
grande simplicité, c'est vraiment
très peu de chose, et c'est quand meme,
et surtout, d'une harmonie, d'un goût dans
le choix des matières, de la forme et du
travail, qui en font un indiscutable et dé-
ED. SCHENCK
Æoac/e
CH. BOUTET DE MONVEL
donné que le bijou est une nécessité de la
coquetterie féminine et que, puisqu'on ne
peut l'éviter, il vaut mieux en contempler
de délicieux ou du moins de très jolis, que
de subir les horreurs d'antan — le public
ne s'intéressa pas du tout à la section d'art
appliqué, reléguée dans des coins difficiles
à découvrir. Les maîtres de la grande cri-
tique, eux aussi, négligèrent de décrire les
objets exposés à cette section ou ne le fai-
saient qu'en passant, tout au bout de leur
article.
Mais les artistes qui n'avaient pas dé-
daigné de consacrer un peu de leur très
grand talent à ces arts mineurs et qui,
chose appréciable pourtant, ne vendaient
que peu ou point, à cause de ia valeur mar-
chande trop infime de leurs œuvres par
rapport au prix total de leurs bi-
joux, les artistes continuèrent à
imposer leur goût au public d'a-
bord récalcitrant, et aujourd'hui
tes voilà légion, et de telie impor-
tance que la section d'art décora-
tif baiance presque les autres sec-
tions et a ses fidèles exclusifs.
J'ai déjà parié, au moment du
Salon, de certains dont j'ai à m'oc-
cuper aujourd'hui, mais leurs œu-
vres peuvent, je crois, subir une
répétition de mon admiration très
motivée. M. L. Gaillard a envoyé,
cette année, au Salon, une abon-
dance de très jolies et très légères
choses faites pour s'adapter, pour
exalter discrètement la beauté de
la femme, sans attirer à elle toute
l'attention, comme du temps des
glorieux bouchons de carafe pom-
peusement entourés de larges ban-
des d'argent taillé à facettes, ou des
œufs de pigeon bleus et verts qui,
parce que saphirs ou émeraudes,
écrasaient de toute leur majesté la
coiffure, voire même les épaules
ou les bras de telle belle dame con-
damnée à être splendide. Le peigne
de corne translucide de M. Gail-
lard, d'un ton vert gris tendre, de
forme très pure, très harmonieuse,
s'adorne d'un simple épi d'or tout
simple, tout vrai, nullement stylisé
Co/her et d'une topaze carrée. C'est d'une
grande simplicité, c'est vraiment
très peu de chose, et c'est quand meme,
et surtout, d'une harmonie, d'un goût dans
le choix des matières, de la forme et du
travail, qui en font un indiscutable et dé-
ED. SCHENCK
Æoac/e