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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 6,1.1904

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Koechlin, Raymond: L' invention ornementale chez les Japonais: (à propos des gardes de sabres de la collection Gillot)
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https://doi.org/10.11588/diglit.36674#0145

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L'INVENTION ORNEMENTALE CHEZ LES JAPONAIS

aimable et délicat ; quelquefois les ouvriers
essayent encore d'imiter les anciens modèles,
mais leur métal plus sec et leur dessin plus
petit ne réussit qu'à faire de médiocres pas-
tiches ; au contraire, quand ils se contentent
d'être eux-mêmes, ils sont d'incomparables
joailliers. Au fer incrusté ils joignent les
métaux spéciaux et imaginent même des
alliages étranges, le Shakoudo et le Shibou-
itchi, dont les tons délicats vont du jaune
le plus éclatant au brun le plus profond, et
sur ces matières admirables, le décor qu'ils
dessinent, incrusté ou ciselé, est le plus fin
et le plus spirituel qui se puisse imaginer :
des paysages entiers avec leurs arbres et
leurs rivières, des foules compactes tiennent
sur ces gardes de quelques centimètres carrés,
alternant avec les ustensiles familiers, avec les
bêtes, avec les fleurs. Cette habileté de main
n'avait pas diminué au XIX" siècle et il a fallu
la transformation des costumes et de la vie
économique du Japon pour supprimer cette
industrie qui fleurissait depuis dix siècles.
Ce sont les gardes relativement modernes
que l'Europe connaît le mieux : si les très

belles pièces de ciselure sont rarissimes, les
morceaux ordinaires et charmants encore sont
très fréquents et l'on s'est habitué à juger
d'après eux l'art des forgerons et des cise-
leurs de gardes. Et certes, nous ne songeons
point à faire tort à ces pièces aimables,
mais il était juste sans doute de les remettre
à leur place et de rappeler que, de même que
les laques dits de Marie-Antoinette ne sont
pas les chefs-d'œuvre des laqueurs japonais,
les gardes d'orfèvrerie du XVIIE siècle ne sont
pas non plus les chefs-d'œuvre des armu-
riers du Japon. Ce sont les artistes anciens
qui ont créé le décor, avec une imagination
infiniment féconde et une puissance qui n'a
pas été dépassée ; ce sont eux qui, avec leur
génie naturaliste, ont senti tout ce qu'il pou-
vait y avoir de décoratif dans la nature
directement imitée ; ils ont su par la force
de leurs raccourcis le faire tenir tout dans
ces petits morceaux de fer et ont fait, de ces
rondelles percées de trois trous que sont les
gardes, les ouvrages les plus caractéristiques
peut-être qu'ait créés l'art japonais.
RAYMOND KtECHLIN.


SÔSEN (YVm--
 
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