L'ART DECORATIF
de la nuance, devait trouver à Bruges la
révélation de soi-même, la mesure et la di-
rection de son art. Parti pour quelques
jours, il s'y installa dix-huit mois, et là il
prit définitivement conscience de lui-même,
en sa calme maison de ce quai du Miroir
que Rodenbach aimait tant.
De là date l'éclosion véritable d'un ta-
lent longuement, minutieusement élaboré :
les premières toiles de Le Sidaner disant la
bien que si l'on ne pourra plus exclure le
souvenir des pâles et exquises cantilènes de
Rodenbach en passant, les soirs d'automne,
au long du Dyver ou dans les allées dé-
sertes du béguinage, on ne pourra davan-
tage bannir le souvenir des symphonies
suaves, idéalement pures, de Henri Le Si-
daner.
Personne à ce point n'a dit la vie
étrangement expressive du silence, donné
vie intime de Bruges produisirent une émo-
tion profonde, on eut le sentiment qu'un
maître de l'intimisme était survenu. Pour-
tant certaines toiles comme les Jezzzzex /zz7cx
uzz xozzy la AotzaL zttz c/ttzP aC /z.t;z<?, telles
silhouettes de blondes sous la verte clarté
nocturne, telles petites esquisses évoquant
l'eau, les ténèbres et le scintillement des
fanaux dans la brume, avaient déjà présagé
cette sensibilité délicieuse ; mais on les avait
moins vues. Gomme pour l'auteur du Aèg*zz6
<dzz G/ezzce, la confrontation d'un homme
avec la seule ville vraiment faite pour son
âme allait donner de surprenants résultats,
l'accord harmonique parfait : et je crois
une âme aux murailles, évoqué tout le passé
par la faible lueur avivant la vitre d'une
fenêtre; personne, depuis Whistler, n'a
mieux témoigné du don suprême de sug-
gérer tout ce qu'il y a derrière tout ce
qu'on croit voir, de peindre ce qui est en
le faisant constamment oublier. Personne
Ta ainsi dématérialisé la peinture sans
pourtant mentir jamais au réel. Le Sidaner
a regardé avec une tendresse émouvante les
choses les plus simples, les plus dédaignées :
une closerie défaite, quelques fenêtres, un
toit dans la neige, lui suffisent, ou une
porte dans un coin perdu. Le poème de la
pierre vieillie et morne, et c'est assez pour
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de la nuance, devait trouver à Bruges la
révélation de soi-même, la mesure et la di-
rection de son art. Parti pour quelques
jours, il s'y installa dix-huit mois, et là il
prit définitivement conscience de lui-même,
en sa calme maison de ce quai du Miroir
que Rodenbach aimait tant.
De là date l'éclosion véritable d'un ta-
lent longuement, minutieusement élaboré :
les premières toiles de Le Sidaner disant la
bien que si l'on ne pourra plus exclure le
souvenir des pâles et exquises cantilènes de
Rodenbach en passant, les soirs d'automne,
au long du Dyver ou dans les allées dé-
sertes du béguinage, on ne pourra davan-
tage bannir le souvenir des symphonies
suaves, idéalement pures, de Henri Le Si-
daner.
Personne à ce point n'a dit la vie
étrangement expressive du silence, donné
vie intime de Bruges produisirent une émo-
tion profonde, on eut le sentiment qu'un
maître de l'intimisme était survenu. Pour-
tant certaines toiles comme les Jezzzzex /zz7cx
uzz xozzy la AotzaL zttz c/ttzP aC /z.t;z<?, telles
silhouettes de blondes sous la verte clarté
nocturne, telles petites esquisses évoquant
l'eau, les ténèbres et le scintillement des
fanaux dans la brume, avaient déjà présagé
cette sensibilité délicieuse ; mais on les avait
moins vues. Gomme pour l'auteur du Aèg*zz6
<dzz G/ezzce, la confrontation d'un homme
avec la seule ville vraiment faite pour son
âme allait donner de surprenants résultats,
l'accord harmonique parfait : et je crois
une âme aux murailles, évoqué tout le passé
par la faible lueur avivant la vitre d'une
fenêtre; personne, depuis Whistler, n'a
mieux témoigné du don suprême de sug-
gérer tout ce qu'il y a derrière tout ce
qu'on croit voir, de peindre ce qui est en
le faisant constamment oublier. Personne
Ta ainsi dématérialisé la peinture sans
pourtant mentir jamais au réel. Le Sidaner
a regardé avec une tendresse émouvante les
choses les plus simples, les plus dédaignées :
une closerie défaite, quelques fenêtres, un
toit dans la neige, lui suffisent, ou une
porte dans un coin perdu. Le poème de la
pierre vieillie et morne, et c'est assez pour
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