HENRI LE SIDANER
France que nous avons vue aux Pastellistes,
à la Société Internationale, à la Société
Nouvelle, aux Salons enfin. L'artiste, après
avoir peint ses premières œuvres à Etaples,
à Boulogne, revient au terroir intimement
français. Il s'installe quelque temps à Beau-
vais, puis à Gerberoy, dans ce pays déli-
porte au fond du verger, l'ombre d'une
voûte sur le tournant d'une ruelle — la
lune sur la table, et sa symphonie de blan-
cheurs opalisées, nappe, bouquet blanc, por-
celaines ; des fleurs pâles contre une mu-
raille pâle où tremble l'ombre d'un rosier ;
la neige sur le village, la nuit verte, la ré-
cieux de silence et de feuillées où il s'est
fixé: il peint à Chartres quelques paysages
dont un chef-d'œuvre, la cathédrale vue du
lieu même d'ou la peignit Corot. Et là se
déroulent, dans une existence de féconde et
calme solitude, les strophes d'un poème de
charme et de beauté, le plus tendre poème
que l'intimisme ait encore produit dans l'école
française moderne. Peu de choses suffisent :
une table dans le jardin, avec sa lampe al-
lumée, à la minute où le jour tombe, où le
reflet du ciel sur une vitre est un peu moins
brillant, mais presque autant encore; une
charmille, la petite place d'un village, une
fraction vague de la neige dans cette nuit :
doux petits poèmes, effusions frissonnantes
d'une âme, art de confidence taciturne ! Sur
une place, une statue seule, et le grand
manteau d'ombre qui, du socle, traine der-
rière elle dans la froide sérénité de la claire
nuit ; le portail de la cathédrale de Chartres,
l'évêché, avec une lumière qui veille ; un
humble cabaret au bord d'une route, et la
tristesse, et la douceur de France au soir,
et toutes les petites existences devinées...
et dans tout cela pas un être vivant, rien
que les choses et le ciel, et la lumière qui
joue avec le demi-jour, et la paix, la paix
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France que nous avons vue aux Pastellistes,
à la Société Internationale, à la Société
Nouvelle, aux Salons enfin. L'artiste, après
avoir peint ses premières œuvres à Etaples,
à Boulogne, revient au terroir intimement
français. Il s'installe quelque temps à Beau-
vais, puis à Gerberoy, dans ce pays déli-
porte au fond du verger, l'ombre d'une
voûte sur le tournant d'une ruelle — la
lune sur la table, et sa symphonie de blan-
cheurs opalisées, nappe, bouquet blanc, por-
celaines ; des fleurs pâles contre une mu-
raille pâle où tremble l'ombre d'un rosier ;
la neige sur le village, la nuit verte, la ré-
cieux de silence et de feuillées où il s'est
fixé: il peint à Chartres quelques paysages
dont un chef-d'œuvre, la cathédrale vue du
lieu même d'ou la peignit Corot. Et là se
déroulent, dans une existence de féconde et
calme solitude, les strophes d'un poème de
charme et de beauté, le plus tendre poème
que l'intimisme ait encore produit dans l'école
française moderne. Peu de choses suffisent :
une table dans le jardin, avec sa lampe al-
lumée, à la minute où le jour tombe, où le
reflet du ciel sur une vitre est un peu moins
brillant, mais presque autant encore; une
charmille, la petite place d'un village, une
fraction vague de la neige dans cette nuit :
doux petits poèmes, effusions frissonnantes
d'une âme, art de confidence taciturne ! Sur
une place, une statue seule, et le grand
manteau d'ombre qui, du socle, traine der-
rière elle dans la froide sérénité de la claire
nuit ; le portail de la cathédrale de Chartres,
l'évêché, avec une lumière qui veille ; un
humble cabaret au bord d'une route, et la
tristesse, et la douceur de France au soir,
et toutes les petites existences devinées...
et dans tout cela pas un être vivant, rien
que les choses et le ciel, et la lumière qui
joue avec le demi-jour, et la paix, la paix
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