L'ART DÉCORATIF
exquise dont est pleine l'âme de l'artiste aux
yeux graves, au sourire lent, à l'expression
chantante et mélancolique comme son nom
même, à l'allure nonchalante et souple, qui
vit dans un rêve inhnissable. Voilà les
thèmes du symphoniste. S'il peint des créa-
tures, ce sont des jeunes hiles blanches,
dont les bandeaux blonds sous la lune ont
d'étranges rehets de cendre, d'or et de rose.
nous a paru plus spécialement intéressant
de faire choix pour illustrer ce commen-
taire : dessins construits par hachures hnes
et nerveuses, où le blanc et le noir, sans
frottis, sans surcharges, suffisent à faire
prévoir toutes les valeurs, à graduer les lu-
mières par d'imperceptibles différences dans
l'espacement des traits : dessins apparem-
ment d'une simplicité enfantine, où éclate
Les tm'Lées
Elles s'embrassent, pensives, ou passent.
Ce sont moins des êtres que des rayons
lunaires qu'on voit un peu plus, pour un
instant. Il faut admirer la qualité de ces
blancheurs diffuses, deviner dans ces atti-
tudes primitives et ces visages indistincts le
rêve de l'artiste; mais la créature humaine
compte peu dans son oeuvre, malgré quel-
ques beaux dessins comme, par exemple,
celui qu'il ht d'après son enfant, ou tel
portrait de l'auteur de cette étude, qu'on a
regretté de ne pouvoir reproduire ici. Des-
sins qui montrent bien la genèse des pein-
tures de Henri Le Sidaner, dessins dont,
après tant de reproductions de ses toiles, il
toute la force de synthèse du peintre, toute
sa native faculté de suggérer par quelques
traits, par l'intervention soudaine d'un noir,
toute l'âme d'un paysage : dessins où chaque
indication est un sentiment traduit, et que
rehausse, avive et transfigure soudain une
légère teinte d'aquarelle insinuée avec un
goût sans défaut.
Un tel art, et l'accueil enthousiaste qui
lui fut réservé, eussent fait redouter pour
tout autre le grand péril de la répétition
des effets. Cet art se tient à la limite ex-
trême de la visibilité; cette harmonie musi-
cienne des gris, des blancs, des ors pâles,
cette symphonie nocturne et mystérieuse de
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exquise dont est pleine l'âme de l'artiste aux
yeux graves, au sourire lent, à l'expression
chantante et mélancolique comme son nom
même, à l'allure nonchalante et souple, qui
vit dans un rêve inhnissable. Voilà les
thèmes du symphoniste. S'il peint des créa-
tures, ce sont des jeunes hiles blanches,
dont les bandeaux blonds sous la lune ont
d'étranges rehets de cendre, d'or et de rose.
nous a paru plus spécialement intéressant
de faire choix pour illustrer ce commen-
taire : dessins construits par hachures hnes
et nerveuses, où le blanc et le noir, sans
frottis, sans surcharges, suffisent à faire
prévoir toutes les valeurs, à graduer les lu-
mières par d'imperceptibles différences dans
l'espacement des traits : dessins apparem-
ment d'une simplicité enfantine, où éclate
Les tm'Lées
Elles s'embrassent, pensives, ou passent.
Ce sont moins des êtres que des rayons
lunaires qu'on voit un peu plus, pour un
instant. Il faut admirer la qualité de ces
blancheurs diffuses, deviner dans ces atti-
tudes primitives et ces visages indistincts le
rêve de l'artiste; mais la créature humaine
compte peu dans son oeuvre, malgré quel-
ques beaux dessins comme, par exemple,
celui qu'il ht d'après son enfant, ou tel
portrait de l'auteur de cette étude, qu'on a
regretté de ne pouvoir reproduire ici. Des-
sins qui montrent bien la genèse des pein-
tures de Henri Le Sidaner, dessins dont,
après tant de reproductions de ses toiles, il
toute la force de synthèse du peintre, toute
sa native faculté de suggérer par quelques
traits, par l'intervention soudaine d'un noir,
toute l'âme d'un paysage : dessins où chaque
indication est un sentiment traduit, et que
rehausse, avive et transfigure soudain une
légère teinte d'aquarelle insinuée avec un
goût sans défaut.
Un tel art, et l'accueil enthousiaste qui
lui fut réservé, eussent fait redouter pour
tout autre le grand péril de la répétition
des effets. Cet art se tient à la limite ex-
trême de la visibilité; cette harmonie musi-
cienne des gris, des blancs, des ors pâles,
cette symphonie nocturne et mystérieuse de
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