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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 6,2.1904

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Mauclair, Camille: La peinture et la sculpture au Salon d'Automne
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https://doi.org/10.11588/diglit.36675#0277

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L'ART DÉCORATIF


certains petits tableaux de nus qui semblent
avoir été faits en haine de la chair, de la grâce,
de ia lumière, de l'amour, par un imagier
baroque et féroce. Ces hachures figurant des
feuillages, ces coupes de fruits dont on ne

M. DETHOMAS

voit qu'un bord horizontal alors que tout est
sur un plan incliné, ces serviettes douteuses
où roulent les pommes, les célèbres pommes
de M. Cézanne, ces ignobles papiers peints
d'auberge qu'il donne pour fond à ses
natures-mortes et dont il copie gravement
les dessins, quels surprenants témoignages
d'un goût inconscient pour le laid et le
grossier ' Jamais l'épithète de « commun M

ne s'appliquera mieux qu'à cette peinture
pour logement d'ouvrier. Le plus curieux
des natures-mortes de ce peintre, c'est la
virulence de leurs tons dans l'absence totale
de lumière. Rien, ni ces blancs bleuis, ni
ces fonds de camaïeu et de
porcelaine de Limoges, ni ces
ombres opaques, n'aspire ni
ne réfléchit la lumière ; c'est
terne, antipathique et enluminé
sans moiteur. Onvantela sincé-
rité d'un tel travail. Evidem-
ment c'est l'œuvre d'un homme
sans dons qui veut absolument
peindre, et il y a dans ce qu'il
fait parfois la force simplifiée
que la gaucherie donne à
maint croquis d'enfant. Mais
est-ce suffisant ? J'avoue être
rebuté par cette peinture granu-
leuse. Et elle suggère je ne sais
quoi de malpropre, comme une
assiette dans un restaurant de
bas étage. Je ne mangerais pas
de ces fruits-là sur ce linge-là,
qui sent le suri et la vaisselle...
Il parait que c'est agreste, que
cela a la saine odeur de la cam-
pagne, que M. Cézanne est
grand, qu'il a une profonde in-
fluence. Je m'incline et regrette
de ne pas comprendre; la cour-
toisie est due à un homme âgé
et isolé, mais ce qu'il fait
me semble décidément affreux,
sauf des détails et certains pay-
sages du Midi. Encore man-
quent-ils de toute synthèse
décorative. Je n'en veux pour
preuve que le Afurycù/c d'ici et
l'EAu^tœ du Luxembourg, qui
me désolent dans mon amour
de cet admirable golfe. Le
peintre a trouvé moyen d'éli-
miner toutes les courbes, de
rentrer les plans les uns dans les autres, et
de placer au premier plan la seule cheminée
d'usine qui déshonore la route de l'Estaque
à Carry, là où abondent les beaux rochers et
les groupes de pins. Monet n'aurait pas fait
cela ! Mais Monet, c'est la beauté lyrique, la
grâce dans la puissance, le rêve vivant des
aspects. Par mon culte pour lui, je m'excuse
de mon morne ennui devant M. Cézanne.


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