DOI Artikel:
Mauclair, Camille: La peinture et la sculpture au Salon d'Automne
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.36675#0279
L'ART DÉCORATIF
C'est parce que je voûtais finir par lui.
C'est que sou exposition m'a profondé-
ment impressionné ; elle reste pour moi
la perle de ce Salon, qu'il faudrait bé-
nir s'il n'avait servi qu'à occasionner ce
groupement révélateur d'un des plus beaux,
des plus sensibles, des plus admirables
peintres de notre époque. M. Vuillard est
un modeste, un délicat, dont on ne voit
presque jamais rien. A ceux qui ne le
sauraient pas, je tiens à dire et à redire
que voilà un maitre. Ses deux grands pan-
neaux décoratifs, d'une couleur si distin-
guée (je risque le mot en lui rendant tout
son beau sens de jadis), sont deux œuvres
très séduisantes par le caprice des lignes,
la sûreté des plans, le charme doux. Ce
sont deux efforts élevés. Mais étudiez avec
amour les sept intérieurs et tableaux de
Heurs qu'il y a là. Et plus vous les étudie-
rez, plus vous en sentirez la pénétrante in-
tensité, la grâce, le goût, la science raffinée.
C'est miraculeux de valeurs, de lumière, de
tonalités riantes et tendres : c'est un art
chatoyant, puissant et subtil, et je ne con-
nais que M. Le Sidaner pour avoir cette
vision infiniment complexe, cette volup-
tueuse perception de la nuance, ce don de
douer d'une vie significative les objets ina-
nimés; ces gris, ces blancs, ces ocellures,
ces lumières sont d'un grand artiste. Re-
gardez spécialement cette pièce ensoleillée
ouvrant sur un jardin, ces fleurs sur un
fond de velours prune et ce salon blanc
avec deux personnages ; c'est beau comme
Chardin. Un peu plus de fermeté peut-être
dans l'indication, un peu moins de papillot-
tement dans les tons brisés que l'artiste af-
fectionne, un peu moins de subtilité, de
féminité, et M. Edouard Vuillard sera l'un
des très rares exemples de perfection abso-
lue, le seul peut-être, de l'art moderne.
CAMILLE MAUCLAIR.
Prince P. TROUBETZKOY
230
C'est parce que je voûtais finir par lui.
C'est que sou exposition m'a profondé-
ment impressionné ; elle reste pour moi
la perle de ce Salon, qu'il faudrait bé-
nir s'il n'avait servi qu'à occasionner ce
groupement révélateur d'un des plus beaux,
des plus sensibles, des plus admirables
peintres de notre époque. M. Vuillard est
un modeste, un délicat, dont on ne voit
presque jamais rien. A ceux qui ne le
sauraient pas, je tiens à dire et à redire
que voilà un maitre. Ses deux grands pan-
neaux décoratifs, d'une couleur si distin-
guée (je risque le mot en lui rendant tout
son beau sens de jadis), sont deux œuvres
très séduisantes par le caprice des lignes,
la sûreté des plans, le charme doux. Ce
sont deux efforts élevés. Mais étudiez avec
amour les sept intérieurs et tableaux de
Heurs qu'il y a là. Et plus vous les étudie-
rez, plus vous en sentirez la pénétrante in-
tensité, la grâce, le goût, la science raffinée.
C'est miraculeux de valeurs, de lumière, de
tonalités riantes et tendres : c'est un art
chatoyant, puissant et subtil, et je ne con-
nais que M. Le Sidaner pour avoir cette
vision infiniment complexe, cette volup-
tueuse perception de la nuance, ce don de
douer d'une vie significative les objets ina-
nimés; ces gris, ces blancs, ces ocellures,
ces lumières sont d'un grand artiste. Re-
gardez spécialement cette pièce ensoleillée
ouvrant sur un jardin, ces fleurs sur un
fond de velours prune et ce salon blanc
avec deux personnages ; c'est beau comme
Chardin. Un peu plus de fermeté peut-être
dans l'indication, un peu moins de papillot-
tement dans les tons brisés que l'artiste af-
fectionne, un peu moins de subtilité, de
féminité, et M. Edouard Vuillard sera l'un
des très rares exemples de perfection abso-
lue, le seul peut-être, de l'art moderne.
CAMILLE MAUCLAIR.
Prince P. TROUBETZKOY
230