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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 7,1.1905

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Bayle, Paule: Chez Lalique
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https://doi.org/10.11588/diglit.44575#0261
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L’ART DÉCORATIF

évocation de la femme primitive, ornant
sa beauté des fleurs du chemin.
Autour d’elle, dans les vitrines, s’ébat
un monde de poissons féériques ; ils se
ruent, le museau grand ouvert, sur des


Verre

diamants qu’ils veulent avaler, ils se massent
les uns contre les autres, se serrent dans
un encadrement qui fera merveille sur le
décolleté d’une jolie femme. Pendus à une
chaîne, quatre gros poissons d’opale rouge
agitent leurs queues émaillées à côté d’une
sarabande de sardines enrichies de brillants
qui se contournent en collier.

Plus loin :
De sa splendide écaille étreignant les émaux,
Un grand poisson navigue à travers les rameaux,
Dans l’ombre transparente indolemment, il rode,
Et brusquement, d’un coup de sa nageoire en feu,
Il fait, par le cristal morne, immobile et bleu,
Courir un frisson d’or, de nacre et d’émeraude.
C’est encore une ingénieuse idée de
figurer un coin du royaume de Neptune
sur ce fin moulin à sel, véritable objet d’art,
ciselé dans la corne, qui fait pendant à la
poivrière. Des grappes de poivre écartent
leurs grains ronds tout autour du moulin
dont la meule est formée par une promenade
de scarabées.
Voici maintenant le règne de la flore;
fleurs de rêve ou fleurs des champs, trou-
blantes orchidées, modestes marguerites qui
dressent leurs blanches colerettes autour
d’une longue larme d’opale et laissent voir
leurs cœurs de brillants. Boules de neiges
de printemps encore un peu vertes, groupées
sur un peigne de corne, branches d’accacias
qui se détachent en diadèmes, petits fuchsias
arrogants étalant leurs jupons plissés sur
lesquels se révèle la tunique de folie, et
monnaie du pape dont les feuilles très pâles
cerclées d’acier alternent avec des diamants.
Quelle étrange et capiteuse atmosphère
se dégage de tout cet ensemble, fusion du
songe et de la réalité, griserie de l’esprit
qui ne sait où commence la vérité, où finit
l’illusion, sensation spéciale que donnent
les arts du XXe siècle, qui nous font frémir
avec Maeterlinck, vibrer avec Debussy et
nous orne des bijou-x de Lalique!
L’art en effet, quelle qu’en soit la mani-
festation, paraît se modifier spontanément,
sous un même souffle, semblable à ces
arbres fruitiers dont tous les boutons s’épa-
nouissent après une pluie d’orage.
Époque par époque, le bijou suivra les
tendances intellectuelles et les transforma-
tions du costume. A l’âge de pierre, lorsque
la toilette se compose essentiellement de
peaux de bêtes, la femme emprunte aux
oiseaux ses plumes, à l’eau ses coquilles,
ouvre son écrin aux baies, aux coléoptères
chatoyants, et porte au cou en guise de
collier, les dents des carnassiers tués par
son possesseur.
La nature est la grande pourvoyeuse
de la coquetterie féminine.

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