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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 8,2.1906

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Copeau, Jacques: Sorolla y Bastida
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https://doi.org/10.11588/diglit.36451#0104

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L'ART DECORATIF

Aquelquc «barbaries qu'il aspire, une cer-
taine visée commande évidemment sa dé-
marche. Peu lui importe que nous restions,
à notre tour, «indifférents)), et que nous
iui réclamions quelque chose, h Az. Il re-
produit avec justesse, avec fidélité son mo-
dèle, directement, impersonnellement. Il a
résolu de ne rien interposer entre nous et
la nature. Il refuse de s'ajouter à eUe^ de
réagir contre elle. Peut-être ne ferait-il pas
difficulté de poser en principe que l'artiste,
en possession du savoir-faire, doit tendre
de toutes ses forces à devenir zzzz z'zzxù'zzzzzezzf
parfaitement organisé en vue d'enregistrer,
pour ainsi dire automatiquement, par un
phénomène mécanique, involontaire, une sorte
de réflexe, n'importe quelle série d'appa-
rences. Dans cette voie, il ne faudrait pas
le pousser beaucoup pour qu'il en vint à
nier l'art en niant l'artiste.
On devine assez bien qu'il crut s'affran-
chir de tout parti pris, au nom de ces deux
nobles idéaux : Nzzzcéz*z?é, Fé;*zfé...
Il s'agit seulement de s'entendre sur ces
deux termes, qui nous sont proposés avec
une entière bonne foi.
Tel artiste dira : Je vois sombre, ou :
je vois violet, ou : il n'y a pas d'ombres,
ou : il n'y a pas de lignes dans la nature...
Tout cela, répond M. Sorolla, concepts
artificiels, visions exceptionnelles et mor-
bides, mensonges. Vous choisissez vos sites,
vos motifs, vos éclairages, certains carac-
tères de physionomies, certaines heures du
jour. Moi, rien ne m'effraie dans la nature.
Je suis le frère de tout. Je plante mon che-
valet n'importe où, à n'importe quel mo-
ment, sous n'importe quel climat, et je fais
ce qui est devant moi. Je peins la nature
telle qu'elle est sans prendre mon avis, telle
que tout le monde pourrait la voir, et la
retrouve sur mes toiles débitée pour la dé-
coration authentique des salons, des galeries,
des musées. Je n'ai d'autre culte que celui
de la vérité..
Mais qui pourrait sérieusement se flatter
d'être le détenteur d'une telle vérité, en
soi? Qui pourrait se croire le droit et le
pouvoir de peindre autre chose que xzz vé-
rité? Il se trouve que celle de M. Sorolla
n'est ni très intérieure, ni très ombrageuse,
ni très exigeante, mais, au contraire, telle-
ment à heur de peau, si impressionnable,
plastique, changeante, si éparse qu'il a pu

la confondre avec les vérités les plus di-
verses. Et c'est ainsi qu'il fut amené, tout
simplement, à se faire un credo de ses pro-
pres facultés, à considérer comme un dogme
les tendances de son tempérament. Invo-
quant l'objectivité, un prétendu réalisme, se
proclamant absent de son œuvre, il en vient
par un détour à nous faire la confidence la
plus personnelle, à nous démontrer la loi
sous laquelle il s'incline, à fixer la limite
de son talent qui est de refléter comme un
miroir ce qui passe de vérité rapide et su-
perficielle à la portée des sens.
Être vrai, être sincère : termes généraux,
également applicables à toutes les visions,
à toutes les personnalités. Questions de
nuances et de degrés. La sincérité n'étant
que l'adéquation des facultés à l'expression,
celle de M. Sorolla est d'un virtuose qui
se satisfait de sa virtuosité. 11 passe de
l'une à l'autre de ses toiles avec la même
facilité que nous-mêmes en visitant son
exposition. Tous ses paysages ont pour nous
le même mérite, comme ils eurent pour lui
le même attrait. Ses œuvres sont, à nos
yeux, toutes sur le même plan. Nulle qui
nous saisisse plus vivement, qui plus pro-
fondément entre en nous. Sa capacité, en
surface, n'a pas de limite, n'ayant pas de
retenue.
D'où le danger, pour un artiste, d'être
trop bien servi par ses qualités natives. Il
n'a jamais eu l'occasion de se vaincre lui-
même. Il ne cultive, en lui, qu'un pur for-
malisme. Peu m'importe qu'il brosse, à s'y
méprendre, la ressemblance d'un paysage
ou d'une figure, si je n'ai pas plus, ou pas
autre chose, en la contemplant, que l'émo-
tion ou l'intelligence qui me furent ou me
seraient procurées par la figure ou le paysage
lui-même, — et si je n'ai pas même cela...
« La peinture,écrivait récemmentM. Mau-
rice Denis, est une chose qui doit être dé-
passée. ))
M. Sorolla n'a pas le temps d'emporter
d'un spectacle plus que n'en hxa déjà sur
la toile une main trop spontanée, trop in-
volontaire. Son premier regard est trop
prompt, trop de l'évidente extériorité lui
saute aux yeux, s'impose à lui avant qu'il
se soit mis en posture de la comprendre.
Aussi, dès qu'un modèle vivant pose
devant lui, dès qu'il ne s'agit plus de saisir
un mouvement, mais de fixer une attitude,

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