L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne (8,2.1906)

L'ART DÉCORATIF

teintes est obtenue par l'installation d'une
teinturerie spéciale à Smolensk, auprès du
four de céramique, qui est bâti à côté du
Musée d'Art russe que la princesse Ténicheff
a édifié aux portes de la ville et qu'elle est
en train de classer et de cataloguer : il
promet d'être un centre d'art, une source
d'études très précieux.

Princesse M. TÉNICHEFF
Le chef préposé aux couleurs, M. Za-
kharievitch, est un artiste aussi et ne se
trompe pas de ton.
Toutes les couleurs de la broderie pas-
sent dans la poterie — avec l'imprévu que
leur donne la touche du feu; mais le vert-
bleu y domine, ainsi que la caresse d'un
certain jaune. Le vert mousse revient et le
fauve de la toile peinte que nous aimions.
Cette fabrique de poterie n'a pas encore
tout le développement qu'on projette; elle
produira des plaques de revêtement, des
carrelages de poêles et tout ce qu'on peut
tirer de l'application du grès. En attendant,
on commence à peine, mais déjà avec cette
sûreté caractéristique dont nous venons de
parler.
Il serait à croire que, puisque des ar-
tistes sérieux et modernes, impressionnés
d'art nouveau, s'y sont intéressés au début,
et que des spécialistes jeunes sont attachés
à la sculpture et à la céramique : MM. Zi-

novieff et Beketoff, l'art russe, à Talachkino,
pourrait tomber dans la stylisation à ou-
trance des motifs d'un archaïsme voulu.
Mais il y a ici un correctif puissant qui
ramène tout aux deux lignes droites dont
descend tout l'art national russe : c'est la
libre recherche des paysannes et la lointaine
fantaisie hiératique de Byzance. Les dessins
des feuilles de carnets de
la princesse Ténicheff en
ont le cachet évocateur : ce
talent absolument original
semble presque une réincar-
nation.
Mais, pour le dessin
-y?rz'cû?772<?72? pojpzz/zzzre, il y
a encore une industrie qui
est employée judicieuse-
ment à Talachkino et que
l'on laisse absolument in-
tacte : je veux parler de
l'impression des étoffes en
zzzzâoz/rzz.' c'est-à-dire par
presse à la main, à l'aide
de types de bois sculpté,
dont les paysans se servent
pour imprimer leurs toiles
d'usage journalier pour
costume et literie. On se
sert chez la princesse Téni-
cheff de ces toiles pour
tapisser les parois des
chambres, ainsi que pour le fond des
rideaux et des portières brodés.
Les dessins, de répétition immémoriale,
sont très purement nationaux. Chaque petite
ville a son imprimeur pour les étoffes des
paysans. Ainsi, Talachkino envoie ses toiles
à Smolensk, à l'imprimeur des zzrz^oz'A'z. On
y imprime la toile bise, pour tapisserie
d'appartement, en très léger motif bleu noir:
à trois pas il n'est plus apparent et coupe
néanmoins la monotonie de la grisaille; de
près c'est si net que cela semble un dessin
à la plume. Il s'en fait aussi de plusieurs
couleurs mélangées. Il y a des toiles bleues
frappées en blanc, de l'écru en brun et
mille choses malaisées à décrire, mais qui
forcent tout le répertoire des tentures d'ameu-
blement de Talachkino à rester dans le
genre russe absolument pur.
C'est ainsi que les types des formes,
des couleurs et du dessin, pour l'œuvre du
dégagement du style russe (et de son appli-


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