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L’ART FRANÇAIS

ACQUISITIONS DE LA VILLE AU SALON

Voiri la délibération du Conseil municipal relative aux
acquisitions de la Ville au Salon de 1887 ;

Article'-ler. Est autorisée l’acquisition par la Ville de
Paris des œuvres d’art ci-après désignées :

SCULPTURE

Barrau. Veineuse (figure bronze, fondue à.

cire perdue :

Modèle.Fr. 5.500

Fonte. G.000


11.500

11.500

Paris ...


5.000

Verlet ..


plâ-



tre), modèle.


5.000

Gardet..

..... Un Drame au désert (groupe

plâ-



tre), modèle.


3.000

Foué ...




modèle.


3.500

Béquîne.


4.000

Puech ..

. La Seme (liaut-rclief plâtre),

mo-



dèle..


3.500

Mabitle ,




modèle.».


5.500


PEINTURE



Rixens .

...:. La Fonderie..


7.000

L. Dumoulin. La Place du Carrousel.


3.000


AQUARELLE



Homo ..



500


Total.

Fr.

51.500

Art. 2.

Est autorisée l’exécution des œuvres sui\

'antes,

moyennant les prix suivants :



Paris ...

. 17SO! (bronze)...

.Fr.

5.500

Verlet...



3.000

Gardet..

. Un drame au dc'sert (bronze)..


2.000

Foué_

. Le Pasteur Jupille (bronze)...


2.000

Béquine



G. 000

Puech..



G. 500

Mabilte.



5.000


Total...

• Fr.

30.000

La dépense, évaluée à .81,500 fr., sera prélevée sur le !
crédit de 300,000 fr. inscrit au budget pour achat d'æu- j
vr&s d’art.

DISTRIBUTION DES RÉCOMPENSES j

Vendredi dernier a eu lieu, au Palais de lTndus- j
trie, sous la présidence de M. Spuller, ministre de i
l’Instruction publique et des Beaux-Arts, la distri- ;
bution solennelle des récompenses aux lauréats du !
Salon.

Après une courte allocution de M. Baillv, pré- !
sident de la Société des artistes français, qui a ré- j
futé certaines accusations portées contre la Société,
telles que celle de « mercantilisme », et qui a an- j
noncé que des pensions de retraite pourraient être J
servies à certains Sociétaires dans un délai de sept i
ou huit années, M. Spuller a prononcé un discours I
des plus remarquables et que nos lecteurs nous j
sauront gré de reproduire in-extenso :

Monsieur le président,

Mesdames, messieurs,

J’ai été profondément louché des paroles d’une
courtoisie si bienveillante qui m’ont été adressées
tout à l’heure par l’éminent et dévpué président de
la Société des artistes français. II vient de m’ac-
cueillir avec une bonne grâce qui me mettrait
tout à fait à mon aise, si je n’étais sûr des senti-
ments que je vous porte, et dont il est impossible
que vous ne connaissiez pas l’ardeur et la sincé-
rité. Votre honorable président a dit que je ne suis
pas un étranger parmi vous. C’est un grand hon-
neur qu’il m’a fait en tenant ce langage ; mais per-
metlez-moi de dire à mon tour que c’est un sim-
ple hommage rendu à la vérité.

Je suis de ceux qui ont voulu de tout temps vous
rendre le libre et complet gouvernement de vous- j
mêmes et de vos affaires. J'avais l’honneur de faire j
partie du conseil supérieur des beaux-arts, et j’ai !
pris part aux discussions mémorables qui ont i
précédé et amené l’acte décisif, irrévocable auquel
la Société des artistes français doit sa naissance, j
J’étais déjà de cœur avec vous. J'ai soutenu votre
cause et défendu vos intérêts. Je suis de ceux qui
ont le droit de se féliciter de l'habile et heureux
usage que vous avez su faire de votre liberté pour
la gloire des arts et l’honneur de la France.

Entre vos mains, sous la direction d’un comité
composé de vos maîlres et de vos pairs,, non seu-
lement les expositions annuelles n’ont pas péri-
clité, mais elles sont devenues plus riches en œu-
vres et en visiteurs, plus florissantes et plus fé-
condes. L’ouverture du Salon annuel est plus que
jamais une fête parisienne, d’autant plus recher-
chée qu’à l’attrait de la nouveauté, par une pen-
sée aussi ingénieuse que touchante, vous avez su
joindre l’attrait, de la charité, et que cette pre-
mière journée, où se donnait autrefois libre car-
rière une curiosité souvent maligne et frivole, est

maintenant consacrée à l’œuvre d’assistance et de
solidarité qui fait de la Société des artistes Iraq
çais, cette réunion de libres et charmants esprits,
une association de cœurs généreux, tout remplis
de bonté prévoyante et de sages sollicitudes.

Ainsi, messieurs, vous faites vous-mêmes vos
propres affaires, et vous les faites bien. Qui pourrait
songer à vous reprendre une administration qu’on
placerait difficilement en de meilleures mains? Je
ne crois pas que personne y pense; en tout cas,
ce n’est pas l’homme qui a l’honneur de vous
adresser en ce moment la parole; il a gardé ton-
tes ses anciennes opinions, comme il est resté
fidèle à ses anciennes et chères amitiés. Nous avons
toujours pensé que l’art, dans toutes les manifes-
tations de son activité créatrice, ne pouvait vivre
que de liberté, et que le premier témoignage de
cette liberté c'était de pouvoir produire, sous la
seule responsabilité de l’artiste qui l’a conçue,
toute œuvre de la pensée, en la soumettant à la
libre critique, au jugement souverain du public.

Gardez donc voire gouvernement, messieurs.
L'expérience de sept années dépose en faveur de
vos aptitudes à" le bien exercer. Vous avez trouvé
dans l'organisation nouvelle de sérieux avantages;
ni le public, ni l'Etal n'ont à s’en plaindre, et vous
pouvez hardiment dédaigner les attaqu-s de vos
détracteurs. Les Salons n’ont rien perdu de leur
force ni de leur éclat, et la production française,
dans les diverses branches de l’art, est toujours !
sans rivale.

Me convient-il bien, à moi qui ai l’honneur inat-
tendu et dont je sens toute la fragilité do présider
a la' distribution des récompenses du Salon de
1887, de faire l'éloge de cette exposition qui va fi-
nir tout à l’heure? Ne m’accusera-l-on pas de
louer ce Salon parce que j’ai des raisons particu-
lières et personnelles de le louer? Eh bien, mes-
sieurs, encouragé par votre président, je braverai
ces accusations, et je dirai tout nettement après
lui que les médailles d’honneur décernées dans
trois sections attestent la valeur et l’importance !
de l'exposition de 1887, au jugement des arlisles
eux-mêmes. Ce jugement a beaucoup de prix, mes- j
sieurs. Nous qui sommes du public, nous aimons à }
penser el à dire qu’il ne vaut pas le nôtre, mais, j
à notre insu, bon gré mal gré, nous le subissons
en croyant le contrôler, et c’est une salisfactioa
pour notre esprit que d’y souscrire.

Il y a donc lieu, cette année comme les précé-
dentes, de reconnaît et de saluer, dans cet en-
semble d'œuvres qui vont être a jamais disper-
sées, des tentatives hardies, des efforts souvent
heureux, une réelle habileté d'exécution qui tient
à un savoir de plus en plus répandu, beaucoup de
goût, beaucoup de talent. Le talent, ah! mes-
sieurs, permeltez-moi de vous le dire sans vouloir
vous flatter, le talent surabonde ! Il semble que
ce soif toul pour un artiste que d'entendre raison-
ner a son oreille ens mots qui charment et nui
trop souvent enivrent: «Quel beau eL rare talent] »
Ce n’est pas tout cependant ! Il y a un plus grand
éloge pour l'artiste qui porte en son cœur le haut
et pur idéal, c'e-t quand il entend dire par ses ri-
vaux et ses émules, comme par la foule émue,
ravie, subjuguée : « Quelle vie! quel sentiment! j
quelle pensée ! » Alors l’artiste se reconnaît, se I
sent, se possède tout entier. Il entend qu’on l’ap- j
pelle créateur. Qu'est-ce que l’art, sinon un des
plus nobles actes de la personnalité humaine, si- j
non une véritable création qui place celui qui en \
est capable au-dessus du reste des hommes? ;

Cette recherche obstinée et passionnée de la vie, |
cet effort, celte ascension vers cette sorte de créa- j
lion seconde et spontanée qui exprime la pensée
vibrante, l’âme palpitante de l'artiste, on les dé- j
couvre jusque dans cette lutte avec la réalité qui |
apparaît à nombre d’esorits comme la loi, comme •
le but même de l’art. Ce n’est point ici le lieu ni ]
le moment de nous livrer à des discussions esthé- ;
tiques, dont il faut d’ailleurs se bien garder de ,
médire. Jamais les artistes et ceux qui les aiment J
ne discuteront trop souvent ni trop longtemps en-
tre eux, même au risque de ne pas s’entendre, ce
qui arrive presque toujours, sur les conditions et
les fins dernières du grand art. On peut dire ce-
pendant que la. lutte avec la réalité, bien qu’elle
ne soit pas, à proprement parler, le but de l’art,
ne saurait lui nuire, contenue dans, de justes limi-
tes, à la condition que de la réalité on s’élève à la
vérité. C'est la vérité qu’il faut chercher dans
l’art; et quand il tient la vérité, c’est à la faire
resplendir que l’artiste doit user son génie. S’il
réussit, il fait œuvre de beauté : voilà la fin der- .
nière de l’art. La définition est bien vieille. Je ne
sais pas si, malgré toutes les recherches, on en a j
trouvé de meilleures...Le beau est la splendeur du >
vrai. Pour mon compte, je m’y tiens._

Et je m’y tiens d'autant plus étroitement atta-
ché, messieurs, que si je regarde à l’histoire de
l'art, les plus grands de tous les artistes, les plus
dignes d’être étudiés, imités, suivis comme des
maîtres, m’apparaissent comme les plus patients,
les plus persévérants chercheurs de l’idéal dans la
nature. Qui ne sait aujourd’hui que les divins ar-
tistes grecs sont ceux qui, de tous les_ temps et de
tous les pays, ont serré de plus près la nature,
comme pour lui arracher les secrets de sa force et
de sa vie? Qui ne se souvient que Léonard de Vinci,
cet homme hors de i air, l'un des exemplaires les ;
plus rares et les plus précieux de notre espece,

portait constamment appendu à Sa ceinture un
carnet où il s’attachait, à -tous les moments de la
journée, à consigner, commé autant de notes pri-
ses sur la nature, une ligne, un mouvement, un
geste, un pli d.c draperie, un lézard, une physio-
nomie, montrant ainsi que la nature.était pour
lui la source inépuisable des inspirations, des
comparaisons, des pensées? Enfin, qui oserait de
nos jours, après tout ce qui a été tenté eL accompli
clans le domaine delà critique, ne pas reconnaître
que le secret de cet admirable génie, si longtemps
réputé inimitable, a été révélé et livré, quand on
a parlé, non sans hardiesse, mais avec une juste
el libre vérité, du réalisme délicat d’un Raphaël?

Messieurs, toutes ces choses vous sont connues
bien mieux qu’à moi-même, et je suis bien auda-
cieux de vous en entretenir. Je ne fais pourtant
que vous rendre ce que vous nous avez prêté.
G’est vous qui, en retournant à la nature comme
à la source éternellement belle et pure de toute
vérité et de toute beauté, nous avez ramenés à
l’étude bien comprise des aspirations auxquelles
vous obéissez. Mais du même coup vous avez jus-
tifié tous ceux qui réclamaient pour vous la liber-
té, principe immortel et nécessaire de vie dans
l’art comme dans tout le reste. La critique, dont
vous vous défiez parfois et qui vous a cependant
rendu de bien grands services, la critique a ou-
vert pour vous une ère véritable d’affranchisse-
ment le jour où elle a proclamé que, dans une œu-
vre d’art, il vaut bien mieux s’attacher aux beautés
qu’aux défauts, et que, dans l’art, il s’agit moins
de corriger les défauts que de développer les qua-
lités. C’est en effet à la vie qu’il faut remettre le
soin de combattre, de tuer la mort; c’est aux qua-
lités à étouffer les défauts. Cette critique nouvelle
correspondait trop directement à vos généreux
instincts d’artistes pour ne pas vous être profitable.
Vous en avez profilé pour vous lancer hardiment
dans toutes les voies. Vous vous êtes plongés dans
le plein courant de la nature, de la vie sociale mo-
derne, vous êtes à l’heure qu’il est en pleine mo-
dernité, avec du naturel, de l’accent, de la person-
nalité. C’est tout cela qui fait vivre une école et
qui assure sa suprématie dans le rponde.

Mais, messieurs, cette école, la vôtre et la nôtre,
c’est la grande école française avec ses traditions
glorieuses, ininterrompues, non seulement depuis
la Renaissance, mais depuis l'époque où notre
pays a commencé à se sentir vivre et penser.
Cette école française, c’est l’école de la simplicité
et de la clarlé, de la mesure et du goût. Ah! le
goût, voilà le signe, la marque de notre supério-
rité! Le goût qui préserve des exagérations comme
des mièvreries, le goût qui protège contre la fausse
élégance aussi bien que contre la brutale grossiè-
reté, le goût qui rend claire et pure la pensée d’un
esprit bien fait, ce goût que l’on ne peut définir
mais qui éclate comme la lumière de l'évidence,
qui est le don par excellence des écrivains hon-
neur de notre langue et l’attribut premier de nos
artisans dans la fabrication des plus humbles pro-
duits : voilà ce qu’il faut rechercher, cultiver, con-.-
server à tout prix. C’est là votre tâche comme vo-
tre besoin; c’est votre rôle et votre mission.

Cette mission, vous saurez la remplir en res-
tant fidèles aux exemples de vos maîtres autant
qu’à vos propres instincts. Dans cette voie, ce n’est
pas seulement la gloire qui vous attend, mais
aussi le profit. Vos œuvres sont justement goûtées
et justement payées : c’est parce qu’elles brillent
par le goût. Le jour où vous cesseriez de vous dis-
tinguer par ce côté exquis et supérieur de .notre
racé, vous vous trouveriez en lutte avec des ri-
vaux à qui la rapidité de la conception et la né-
gligence de la facture permettent de livrer à bon
marché. 11 y aurait dommage pour vous et abais-
sement pour l’art. C'est ce dont nous ne sommes
pas menacés, c’est ce que nous ne verrons pas.

Ce que nous verrons, messieurs, c’est tout le
contraire : je veux parler du rayonnement-splen-
dide et glorieux de l’école française dans cette Ex-
positiçm qui va s’ouvrir à l’occasion du centième
anniversaire d’une Révolution qui a tout renou-
velé en notre pays. Un siècle entier de notre his-
toire sera mis sous les yeux de 1 humanité civilisée
qui viendra, nous en avons la ferme confiance, cé-
lébrer avec nous l’ère nouvelle de la justice, de la
paix et du bonheur public, assignés pour but et
pour fin aux sociétés modernes. Dans ce siècle,
vous avez une grande place ; vos devanciers ont
bien rempli leur tâche ; vous les continuez digne-
ment. Parmi les fils de la France, vous êtes de ceux
quelle aime à mettre au premier rang, parce que
vous portez le drapeau de son génie à la lois doux
et vainqueur. Elle vous aime et compte sur vous.
Vous pouvez compter sur elle.

~ Inutile d ajouter que ce discours a été, à plusieurs
reprises, interrompu par des bravos unanimes.

Les noms des lauréats ont été ensuite proclamés
par M. \ igneron, commissaire délégué aux Expo-
sitions. Parmi les artistes les plus acclamés, citons:
MM. Cormon, Frémiet et Courtry (médaille d’hon-
neur), Raoul Verlet (prix du Salon), Desbrosses,
Loustaunau, M”"5 Bilinska, Jeanne Rongier, etc.

_!.<■ géranI.: SH.YKSTI1E.

P MUS. — Glvptographie Silvestre & €'•, rue OI>rrk;mi]>f, 97.
 
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