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L’ART FRANÇAIS

LE MONUMENT D’EUGÈNE DELACROIX

L’inauguration du monument élevé, dans le jardin du Luxembourg,
à la gloire d’Eugène Delacroix, a eu lieu dimanche 6 octobre, en pré-
sence d’une assistance nombreuse. Aux côtés de MM. Bourgeois,
ministre des Beaux-Arts; Auguste Vacquerie, président du comité;
Jules Dalou, auteur du monument; on remarquait MM. Paul Mantz,
l’éminent critique du Temps ; Mounet-Sully, chargé de dire une poésie
de M. Théodore de Banville; et MM. le vicomte Delaborde, Bonnat,
Massenet, Ambroise Thomas, M. le président du Sénat, etc.

A deux heures précises, le rideau qui dérobait le monument
s’est écarté, et l’œuvre de Dalou a été saluée d’unanimes applaudis-
sements.

M. Auguste Vacquerie a pris le premier la 'parole et, dans une
courte et très remarquable allocution, il a rendu hommage au génie de
Delacroix :

Le comité remercie tous ceux qui l’ont aidé : les souscripteurs, les amateurs qui
nous ont prêté les tableaux de leuis galeries, l’Etat qui nous a prêté ceux de ses
musées et qui, après avoir participé à notre exposition, a participé à nctre souscription,
le conseil municipal qui a souscrit, le Sénat qui nous a laissés échancrer son jardin
particulier, et puis les auxiliaires du statuaire; nous l’avons bien choisi, et il a bien
choisi son fondeur; M. Bingen n’a rien à envier aux illustres fondeurs à cire perdue du
dix-huitième siècle ou de la Renaissance; avec lui, nous remercions ses ouvriers, dont
nous avons pu apprécier le zèle et l’intelligence. Quand j’ai dit que Delacroix avait
tout fait, j’ai voulu dire qu'il avait rendu au comité le travail facile, je n’ai pas voulu
dire que mes collaborateurs n’avaient pas bien travaillé. Il y aurait injustice et ingrati-
tude, notamment, à ne pas nommer MM. Alfred Remut et Fernand Calmettes ; tous
se sont donnés, eux se sont prodigués.

C’est gi âce à tous ces concours que nous avons pu entreprendre et mener à terme
ce monument qui est une consécration et une réparation. C’est grâce à tous ces con-
cours que justice est enhn rendue pleine et entière à l’admirable peintre-poète, à l’un
des plus éclatants représentants de l’héroique génération de 1830, à une des glandes
étoiles de la grande constellation, au créateur resplendissant qui peut regarder en
face les peinties de tous les pays et de tous les temps, et dire, avec la confiance de
Corneille :

Dans toute la peinture, il n’est pas de rival
M qui je fasse tort en le tiaitant d'égal.

Nous offrons à l’Etat, et nous remettons aux mains du ministre de l’Instruction
publique et des Beaux-Arts, sachant que nous le remettons en bonnes mains, ce chef-
d’œuvre qui glorifie l’auteur de tant de chefs-d’œuvre.

Après cc discours très applaudi, M. le ministre de l’Instruction
publique et des Beaux-Arts prononce, à son tour, l’éloge du peintre de
Y Entrée des Croisés à Constantinople ; puis, s’adressant surtout à
MM. Vacquerie et Dalou, se fait l’interprète du sentiment de toute
l’assistance en s’exprimant ainsi :

Messieurs, nous devons à tous notre gratitude, mais vous permettrez de saluer ici
d’un remerciment tout personnel, un homme dont le nom est synonyme de sincérité
et de droiture, un écrivain qui perpétue au milieu de nous le souvenir des grandes
luttes du romantisme et de la liberté, un des pkis nobles serviteurs de la pensée et de
l’art dans la poésie, la critique, la presse quotidienne, l’ami de Victor Hugo, M. Au-
guste Vaquerie ; j’acquitte envers le président de votre comité la dette de reconnais-
sance des admirateurs de Delacroix, car c’est bien à son autorité, à sa conviction, à sa
foi qui sait agir, qu’ils doivent le succès éclatant de l’œuvre entreprise et la joie de
voir se dresser enfin, dans ce cadre merveilleux de verdure, un monument digne du
génie qu’ils ont voulu glorifier.

Ce monument, messieurs, il 11e vous a pas suffi qu’il fût une belle œuvre de statuaire,
vous avez voulu par-dessus tout qu’il exprimât éloquemment la pensée de justice qui
avait rapproché vos esprits, qu’il fût un témoignage et qu’il fût un symbole. C’est
pourquoi vous l’avez confié à un maître ardent et plein de foi, né de lui-même comme
son modèle, partageant pour lui votre enthousiasme, capable en un mot de le venger.
L’auteur de Mirabeau et du Triomphe de la ‘République a répondu à votre attente.
Maître, l’œuvre dont le voile vient de tomber devant nous est un chef-d’œuvre. Vous
ne nous avez pas seulement rendu l’image hautaine et douloureuse du grand artiste,
vous avez su, dans ce groupe de bronze, nous raconter sa vie, ses souffrances et son
triomphe. Vous nous avez dit comment, d’un mouvement puissant et sûr, le temps
sait faire son œuvre de réparation ; comment, après les épreuves souffertes par le génie,
s’élève et grandit pour lui, dans la pure lumière, la gloire, radieuse, immortelle ; et
dans le geste magnifique dont votre génie des arts salue cette apothéose, vous avez su
mettre avec une force souveraine l’applaudissement des siècles, le jugement définitif de
!a postérité.

M. le vicomte Delaborde parle ensuite au nom de l’Institut, puis
M. Paul Mantz, caractérise, dans une étude charmante, le génie de
Delacroix :

Persuadé, dit-il, que la couleur est un langage, Delacroix est à la hauteur des plus
grands coloristes : il n’est pas moins magistral dans la gestion du clair-obscur. Pour
peindre les joies et les drames de la lumière, il a connu toutes les subtilités. Les
1Disciples d’Emmaüs, le Massacre de l'évêque de Liège s’enveloppent de mystère ou d’épou-
vante. Rembrandt aurait aimé ces peintures où le rayon devient le véhicule d’une
pensée.

Faut-il rappeler les scènes de la vie africaine, souvenirs persistants du beau voyage
que Delacroix avait fait au Maroc en 1832 ? Ici, l’artiste est un inventeur et un
ancêtre. Pour la lumière, que l’école moderne étudie avec un zèle si heureux, il a
donné des leçons éternelles. Ainsi que le disait Fromentin, il a, au lendemain de cette
promenade au pays des transparences, « imaginé une sorte de jour élyséen, doux,
tempéré, égal, qu’on peut appeler le clair-obscur des campagnes ouvertes ».

Ce « jour élyséen », cette atmosphère limpide, Delacroix s’en est souvenu lorsque,
à deux pas d’ici, il eut à peindre la coupole de la bibliothèque du Luxembourg, une
de ses œuvres les plus savantes et les plus exquises. Tout le monde se rappelle ces
solitudes enchantées où, sous un ciel lumineux, à l’ombre claire des arbres verdoyants,
les poètes et les philosophes s’entretiennent doucement de leurs travaux et de leurs
rêves. Rien n’est plus moderne que cette peinture où les figures plafonnent dans l’air
respirable, où l’art des demi-teintes est poussé jusqu’aux délicatesses suprêmes, car ce
violent ne s’est jamais insurgé contre le printemps, ce tragique a eu toutes les ten-
dresses.

L’excellent critique souvent interrompu par les applaudissement,
conclut en saluant, devant le beau monument de Dalou, la « mémoire
vénérée du grand lyrique ».

Puis M. Mounet-Sully,. d’une voix vibrante, dit une poésie de
M. Théodore de Banville dont chaque strophe soulève des bravos
enthousiastes. Nous regrettons de ne pouvoir reproduire entièrement
cette page superbe ;

Delacroix ! parmi les pages qu’illumine
Ton âme, il en est une ou, furieux encor,
uAppollon, clair vainqueur de la nuit, extermine
Les monstres des marais avec ses flèches d’or.

Haine, ignorance, erreur, tous ces bourreaux de l'âme,

Les mensonges avec les trahisons rampants.

Le Dieu tue. et détruit, s’envolant dans la flamme,

Tout ce tas de crapauds hideux et de serpents.

Ce Dieu, c’est toi, vivant dans la clarté première,

Chassant l’obscurité détestable qui nuit,

O toi qui t’enivras de la pure lumière

Et qui n’eus jamais d’autre ennemi que la nuit !

Mais tu peignis aussi, pur en ses chastes lignes,

Caressé par la brise et par le doux écho,

Un jardin ou parmi les lauriers et les cygnes
‘Retentissent les vers d’Homère et de Sapho.

C’est là que maintenant, rassasié de gloire,

Tu contemples, superbe et d’un regard vainqueur,

Les bosquets verdoyants et le temple d’ivoire
A côté de Hugo, cet Eschyle au grand coeur.

Le statuaire, en qui l’espérance tressaille,

A modelé pour nous ton beau front sérieux,

Ta lèvre au pli songeur, tes cheveux en broussaille,

Et sous tes fiers sourcils tes yeux mystérieux.

Et nous te saluons d’une ardente louange,

O toi qui fus ému, grand homme, et qui pleuras,

O traducteur du Verbe égal à üvCichel-Ange,

Oui pris le feu du ciel et qui t’en emparas !

Maintenant que ton œuvre austère et magnifique
‘Brille dans la lumière et l’éblouissement,

Et que dans la verdure et l’ombre pacifique
Un flot mélodieux baigne ton monument,

Notre A pelles triomphe ainsi que notre Homère,

Et, tressant pour tou front des lauriers toujours verts,

Cette fille d’Hellas, ta nourrice et ta mère,

La France avec orgueil te donne à l’univers.

NOS ILLUSTRATIONS

J.-J. WEERTS. — Portrait de M. Hugues.

L’Art Français s’estime heureux de donner aujourd’hui le portrait de
M. Hugues le jeune sculpteur si justement renommé. L’auteur d’Œdipe
à ÇoJone peint par celui de Y Exorcisme devait être compris. Si d’ailleurs
les routes qu’ils suivent sont différentes, les talents sont égaux et je
crois à peine utile de rappeler les portraits qu’à faits M. Weerts et qu’à
reproduits Y Art français, de M. F. Javel notre rédacteur en chef et de
M. Mazinghien, journaliste Vcrsaillais.

G. DE B.

P. TAVERNIER. — La fin de la bataille.

Il y a dans cette toile du mouvement et de l’animation, mais aussi
un peu de confusion et l’effet de cette fin de journée qu’a voulu rendre
le maître, ne se dégage peut être pas suffisamment.

ROUSSIN. — Danseuses.

Pourquoi faut-il que la mieux Faite des deux soit précisément celle
que le peintre à méchamment habillée ? Disons pourtant que l’autre
telle qu’elle est, semble fort présentable aux habitués des coulisses.

L’administrateur-Gérant : SILVESTRE.

Glyptographie SILVESTRE & Cu, rue Oberkampf 97, à Paris.
 
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