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L ART FRANÇAIS

CAROLUS-DURAN

Faut-il encore retracer la brillante carrière du peintre ? Faut-il
énumérer une fois de plus ses étapes fameuses et s’attarder
aux morceaux tant admirés jadis ? A quoi bon ? Une telle
renommée n’a plus guère à gagner aux répétitions etM. Carolus-
Duran nous sauve de la monotonie par la souplesse et l’infinie
variété de sa manière. Aux triomphes passés, l’exposition de cette
année en doit joindre un autre, non le dernier sans doute.

Jamais, en effet, il ne nous a été donné d’embrasser d’un coup
d’œil un si grand nombre de belles œuvres, et cette réunion
nous permet d’envisager les aspects multiples du peintre, de sai-
sir les mille nuances de son génie.

Pourtant, j’ai tort d’insister sur une diversité toute d’appa-
rence, qui dissimule une tendance unique vers un but cherché
avec passion, atteint avec bonheur aussi, la femme.

M. Carolus-Duran ne saurait s’en détendre; il est un traduc-
teur merveilleux des élégances et des raffinements féminins. Il
excelle à fixer l’expression la plus fugitive, s’arrêtant de préfé-
rence à la grâce et au sourire, à ces sourires qui jamais n'e se
ressemblent, qui tous ont leur caractère particulier depuis la
gaieté espiègle de la jeunesse, jusqu’à la mélancolie de l’âge mur.
Il y a le sourire franc, sans arrière-pensée, le sourire plus réservé,
presque énigmatique, le sourire triste enfin, mais toujours le
sourire, non pas ce pincement banal des lèvres que les photogra-
phies nous rendent, mais ce mouvement exquis d’un visage,
vague et incertain comme un voile où transparaîtrait l’âme.

Alentour, le pinceau prestigieux du peintre dispose un décor
en harmonie.

Ici, une longue robe mauve laisse tomber ses plis épais, montre
les bras, découvre la gorge et le violet se fait plus tendre pour
donner plus de valeur au ton fuyant des chairs. Là, tous les roses
se trouvent aux prises, la soie rose chatoie, givrée de menus
reflets qui s’y posent avec la douceur de flocons de neige, les ten-
tures roses jettent une note plus tranche, presque rouge, le fond
rose augmente d’intensité près d’atteindre au pourpre, tandis que
de cette gamme inimitable se dégagent encore des chairs, dont la
coloration discrète domine cependant, tant est savamment réglée
la juxtaposition des teintes qui se côtoient sans s’écraser.

J’admire ces velours à la fois simples et luxueux dont la vue
charme comme une caresse. Mais combien ravissant aussi, le
velours de ces yeux, qui fait le regard si doux, sans en atténuer
l’éclat.

Les poses sont infiniment gracieuses, telles que les Nattier ou
les Van Loo en savaient faire prendre aux dames du vieux temps,
mais gracieuses sans mièvrerie, sans nulle recherche. L’expres-
sion s’épure, le geste vulgaire s’aristocratise et l’ensemble s’enlève
avec assurance sur d’indéfinissables fonds d’or sombre et d’écar-
late d ou la lumière rebondit pour inonder le sujet principal.

A côté de ses portrait, M. Carolus-Duran expose une étude de
nu, Danaé, où il prodigue son sentiment délicat de la femme. Elle
est étendue nonchalante sur un lit drapé de velours noir, moyen
jadis employé par la fameuse reine Christine pour faire valoir sa
blancheur. A en juger par le tableau, elle y devait merveilleu-
sement réussir.

En tait, Danaé est un chef-d’œuvre d’aisance et de difficulté
vaincue, il y faut regarder à deux fois pour apprécier la science
déployée par le maître dans le racourci des jambes et dans le
mouvement général du corps, tant l’effet y semble naturellement

Mais que dire de ces chairs roses et nacrées où les jours sont
distribués avec un art si parfait ? Que dire de cette pureté de
lignes où rien n’est à reprendre ? Peu de choses à coup sûr qui
n’ait été dites déjà. Les visions de femmes évoquées par
M. Carolus-Duran, attirent d’abord le regard, le traversent pour
se fixer dans le souvenir et plus jamais ne s’effacent. Aussi, com-
ment rendre par des mots l’exquise sensation éprouvée à ce spec-
tacle ? Celui-là seul qui a vu pénètre la pensée véritable et se
laisse aller au courant de poésie où le peintre lui-même s’aban-
donne...

Si l’espace ne m’était mesuré, je dirais encore l’intérêt que
présentent les portraits d’hommes. Ceux-là sont plus sobres, sans
accessoires et de l’ombre environnante se dégage seulement un
visage. On remarquera entre autre le beau portrait de M. Gou-
nod, celui de M. René Billotte ; mais j’aime à m’imaginer qu’on
sera toujours tenté de revenir à la femme tant le grand artiste sait
lui prêter de charme ou, si l’on veut, lui en rendre.

Gérard de Beauregard

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RUPERT CARABIN

Jamais ne me fut mieux démontrée cette vérité : les amis de nos
aanis sont nos amis, que le jour où je fis connaissance de Rupert
Carabin, le jeune sculpteur dont le public va applaudir, auChamp-
de-Mars, le moderne et saisissant effort.

Willette m’avait signalé Carabin comme un artiste à voir,
j’allai donc voir Carabin. Et le charmant peintre, le génial
artiste, si fin, si tendre, et dont les enthousiasmes-, jugés fous par
certains, sont l’indice d’une âme rare, avait eu là une fameuse
idée de me faire connaître son camarade.

Il fallut dénicher sur les confins de Montmartre et de la
Villette, rue Richomme, un jardin minuscule, éclosant parmi
de tristes maisons ouvrières. Au fond de ce jardin — si tant est
qu’un jardin qu’on franchit en quatre pas soit un jardin, —se trouvait
l’atelier où Carabin pétrissait de mignonnes cires : des nus
de femmes sautant, courant, assises, perchées, couchées, en
équilibre, etc.

Quant à l’artiste, imaginez un Pierrot maigre, un compromis
entre Willette et Bruant. La figure un peu tirée et pâlie de l’ouvrier
qui, au prix de pas mal de croûtons de pain sec et de non moins
de veilles, s’est élevé peu à peu au rang d’artiste.

• Et de fait c’est un artiste, un vrai, que ce sculpteur, qui au
lieu d’avoir l’ambition du marbre, s’attaquait bravement au bois,
à la belle et saine matière que taillèrent avec tant de vaillance
nos ancêtres, et qui, au lieu de ressasser une Vénus en une Diane,
combinait en lignes neuves et en décorations hardies, un simple
meuble, une bibliothèque.

Elle était merveilleuse, la bibliothèque qu’il nous montra et
qu’on peut voir en ce moment au Champ-de-Mars. Presque rien
que des droites, comme dominante. Un fronton plat, des mon-
tants verticaux, dissimulés d’un côté par la tige grêle d’un lierre,
de l’autre, parla tige plus trappue d’un jeune chêne : les symbo-
les de la durée et de la force, buts de toute littérature. Sur le
fronton, trois figures de femmes assises comme au hasard du
caprice qui les a frit là se percher; une, parcourt un livre gai qui
gonfle d’un rire sa gorge fatiguée de noceuse; une autre, perchée
sur une pile d’in-folios, se mire et fait penser a la Vérité, s’il peu"
êtreadmisquela Véritésecache plutôt dans une bibliothèque qu’au

ootenu.
 
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