Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
L’ART FRANÇAIS

THÉODULE RIBOT

L’Art français pleure, depuis quelques jours, un de ses plus fiers
représentants : Théodulc Ribot, le maître de la Comptabilité et de la
Mère Morieu et de tant d’autres oeuvres.

Théodule Ribot, qui a succombé le 11 septembre dans sa modeste
maison de Colombes, aux suites d’une maladie de cœur, était né à Saint-
Nicolas d’Attez (Eure), le 8 août 1823.

Son éducation fut des plus rudes, et on ne saurait lire sans attendris-
sement le récit qu’en a donné M. de Fourcaud en sa remarquable étude
sur le maître de Colombes. On peut dire que la jeunesse de Ribot, de
même que la plus grande partie de sa vie, fut faite de travail et de
sacrifice.

Élève de Glaize, le jeune artiste débute au Salon de 1851 avec la
'Basse-Cour, le Cuisinier-comptable, les Cuisiniers à l'heure du dîner, l’In-
térieur de cuisine, le Joyeux cuisinier, Poules au repos. Il poursuit sa série
de marmitons aux Salons suivants, malgré les critiques souvent acerbes
dont il est l’objet. En 1865, il expose le Saint-Sébastien qui est au Musée
du Luxembourg. Alors, certains commencent à comprendre qu’un
maître est venu. Cependant les chefs-d’œuvre se succèdent chaque
année, et la critique ne désarme pas. En 1866, c'est le Christ au milieu
des docteurs, et le Flûteur; en 1867, le Supplice des coins et Un vieillard;
en 1868, l'Huître et les Plaideurs; en 1869, les Philosophes, les Marion-
nettes au village ; en 1870, le Bon Samaritain et le Jeune homme à la
manche jaune.

Après une interruption de quatre années, des plus douloureuses poul-
ie peintre, puisqu’il ce moment sc produit le désastre dont 011 a tant
parlé: le massacre, par des soldats allemands, d’un grand nombre de
tableaux de lui, qu’il avait cachés dans sa cave, — en 1874, dis-je,
Ribot réparait au Palais de l’Industrie avec Lecture, le Portrait de
Madame 51C..., une Jeune fille, et trois aquarelles admirables: une
Vieille femme, la Leçon de chant et Conversation. Il ne cessera plus de
prendre part aux expositions annuelles, et en 1891 encore, on le
retrouvera au C hamp-de-Mars avec une dizaine de toiles, autant de
dessins, du plus haut intérêt.

Mais son premier succès, peut-on dire, date de 1878. Cette année-
là, le maître avait envoyé au Salon la [Mère Morieu et la Comptabilité.
Alors, la critique acclame ce qu’elle avait repoussé.

« La Mère Morieu, s’écrie Paul de Saint-Victor, soutiendrait le voisi-
nage des plus fiers morceaux de certains grands maîtres. » Et l’éminent
écrivain s’extasie sur cet étonnant mélange de force et de finesse, sur cette
tète de vieille, fouillée dans la pâte « comme d’un pouce de sculpteur
pétrissant l’argile » et qui a l'intensité de vie des portraits d’Holbein.
a L’œil gris, dit-il, darde un regard dont la fixité vous pénètre, la bou-
che serrée et rentrée semble la serrure du visage; on dirait que la mère
Morieu y met son argent. »

Castagnarv etM. Paul Mantz ne sont pas moins enthousiastes.

Deux ans après le grand succès du Salon de 1878, le maître cède aux
sollicitations de ses amis et organise une exposition particulière de qua-
rante toiles où l’on voit, à côté d’ouvrages déjà célèbres, tels que le
Supplice d'Alonxp Cano, prêté parle musée de Rouen, le Cabaret nor-
mand, Jean Raisin; le Pécheur de Trouville, la Fête du chef, etc., et où
l’on retrouve les deux tableaux admirés au Palais de 1 Industrie.

Deux fois-encore et à des distances trop grandes au gré de ses admi-
rateurs, Ribot consent à réunir ses nouveaux ouvrages, toujours avec
le même succès.

Il avait obtenu des médailles en 1864, 1865, 1878 et 1889. Nommé

chevalier de la Légion d’honneur en 1878, il avait été promu officier
en 1887.

Le maître à jamais regretté laisse une fille, Mlle Louise Ribot, qui est
elle-même un peintre de talent et qui a souvent exposé avec succès au
Salon.

Rappelons à nos lecteurs qu’ils trouveront dans le n° 55 de la
'Revue des Musées', une étude complète sur la vie et l’œuvre de Ribot,
ainsi que des reproductions de plusieurs de scs principaux ouvrages,

---—---

Le centenaire de Géricault

Il y a eu, le 26 septembre 1891, cent ans que Géricault est né, à
Rouen. A cette occasion, plusieurs Rouennais avaient projeté d’honorer
la mémoire de leur illustre concitoyen, par une manifestation artis-
tique.

Une lettre, dont nous extrayons le passage suivant, avait été écrite,
dès le 21 octobre dernier, à M. le maire de Rouen, par M. Gaston Le
Breton, membre du comité consultatif des Beaux-Arts :

L’influence de Géricault a été considérable sur l’art de notre époque :
Eugène Delacroix et Barve sont une émanation de son génie; ils en ont été
la conséquence glorieuse, ainsi que tant d’autres artistes placés au premier
rang de notre école française moderne. Eugène Delacroix vient de recevoir
une réparation digne de lui, par le monument qui lui a été élevé tout récem-
ment. Barye ne tardera pas à être l'objet du même hommage; Géricault a
droit à de semblables honneurs, ayant ouvert la voie â ces deux grands
artistes.

Géricault, en effet, a été un novateur, épris de la liberté, peintre du drame
humain, il lui a manqué bien peu d’années pour devenir le chef de cette
grande école nationale, si souvent rêvée, car le Radeau de la Méduse avait
réalisé les aspirations de toute la jeune école, qui souhaitait alors une réforme
dans le style classique, par la recherche du grand art, dans les sujets modernes
empruntés à la nature.

Géricault eût été capable, par son tempérament d’artiste si énergique et son
ardente volonté, de réunir sous sa main les derniers partisans de la doctrine
classique de David, et de les régénérer par leur fusion avec les nouveaux
adeptes du romantisme naissant dont il serait devenu le chef.

Ses peintures, hélas ! trop rares, ne nous donnent qu’une partie de l’étendue
et de la puissance où sa nature d’élite lui eût permis d’atteindre; mais ses
admirables dessins, par leur style sévère et la science des raccourcis, peuvent
soutenir la comparaison avec ce que l’antiquité et la Renaissance florentine
ont produit de plus remarquable. Pour ne citer qu’en passant les chefs-
d’œuvre les plus populaires de sa peinture : le Cuirassier blessé, YOJfi-cier de
chasseurs à cheval, et le Radeau de la Méduse, figurent actuellement dans le
salon carié du Louvre, parmi les joyaux les plus précieux de l’école moderne.
Ce sont là des œuvres éclatantes qui suffisent à la gloire de celui qui les
a créées.

Ainsi que l’a fait si justement ressortir un écrivain de notre époque :

Sur ce Radeau de la Méduse qui semble porter la France elle-même, tous les
bras sont tendus vers l’espérance ; l’équipage épuisé, s’abîme dans la douleur
et dans la folie, et le seul parmi ces désespérés qui a conservé son énergie et sa
force, celui qui, en agitant au vent de la mer un lambeau d’étoffe, signal
suprême, tente un dernier effort, c’est un nègre; à l’esclavage méprisé, tous
vont devoir leur salut. En cet instant, il n’y a ni noirs, ni blancs, ni maîtres,
ni esclaves: il y a des hommes solidaires dans la lutte, égaux devant la mort,
et qui implorent une voile à l’horizon. L’idée est saisissante. »

C’est que Géricault, dont la peinture émue et compatissante était bien faite
pour toucher les masses, devait être celui que Michelet eût appelé « le Corrège
des souffrances», le peintre des frémissements nerveux et de la pitié ; ce grand
maître qui « d’un invincible génie, brisera l’égoïsme, fendra le cœur de
l’homme».

Nous apprenons au dernier moment que la ville de Rouen ne fêtera
pas le centenaire de Géricault.

L’Administrateur-Gérant : SILVESTRE

Glyptograpbic SILVESTRE & C'% 97, rue Oberkampf, à Paris.
 
Annotationen