L'ART POVR TOVS
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que nous rencontrons dans les vieux incunables. Puis un
jour vint, où le graveur en caractères osa graver sur bois
une initiale. Qui sait ? Quelque querelle peut-être entre un
maître imprimeur et son écrivain ! A partir de ce jour-là,
les scribes durent reconnaître que leur industrie était bien
réellement morte.
Les plus intelligents se mirent sans doute en devoir d'uti-
liser leur talent en fournissant aux imprimeurs ou aux
graveurs de l'époque des dessins d'initiales ornées qu'ils
durent évidemment tracer d'après le sentiment de celles
qu'ils avaient autrefois peintes et miniaturées dans les ma-
nuscrits. De là cette ressemblance frappante entre les pre-
mières lettres ornées imprimées et les anciens monuments
manuscrits. Pendant longtemps, la forme archaïque des
lettres usitées à cette époque se retrouva sous la main des
artistes, de façon toute naturelle. Dès que la Renaissance
lumineuse apparut, traînant derrière elle l'admirable cor-
tège des maîtres délicats, fils de la Grèce antique, qui mou-
laient la feuille divine de l'acanthe sur le sein nu d'une
vierge endormie, le vieux monde s'écroula et l'ornement
gothique fit place à la triomphante et poétique arabesque,
devenue l'aurore nouvelle. Mais aujourd'hui nous passerons
seulement en revue l'ornementation gothique des livres.
A l'époque qui nous occupe, on ne trouve dans les livres
que peu ou point de frises ou têtes de chapitres et de culs-
de-lampe. Ce sont donc les lettres qui, seules, forment la
base de l'ornementation. Les lettres ornées, en thèse géné-
rale, peuvent se classer en trois grandeurs différentes :
1° Les majuscules, qui mesurent depuis 30 mm. de hau-
teiir et même plus, jusqu'à 80 mm. et même plus.
2" Les lettres courantes, qui mesurent depuis 20 mm.
jusqu'à 30 mm. de hauteur.
3° Enfin, les lettrines, qui mesurent depuis 9 mm. jusqu'à
20 mm. de hauteur.
Nous allons parcourir, dans les gothiques, ces trois séries
différentes.
GOTHIQUES MAJUSCULES. — Dans les anciens psau-
tiers de Mayence, l'on rencontre de très grandes lettres en
rouge plein avec dessins en réserve représentant des lévriers
ou chiens courants, qui donnent leur nom à ces alphabets
rarissimes, fort curieux par leur ancienneté. Les traduire en
noir serait leur enlever leur personnalité.
En Espagne je rencontre de très grandes lettres à
ornements tourmentés, dont le T ci-devant rend très fidèle-
ment la nature.
A Venise, les premiers alphabets sont d'une remarquable
simplicité ; le P que voici donne une idée générale de ces
lettres, où les enfants, transfermés en anges bouffis, se pré-
sentent sous tous les aspects.
Les célèbres alphabets vénitiens sur fond noir pur ont un
cachet artistique tout spécial ; ce sont également des enfants
qui en font parfois le principal ornement comme le montre
la lettre O ci-dessous. On rencontre ces lettres magnifiques
chez Ottaviani Scoto, en 1490, puis chez Jean Tamino en 1506,
chez Gregorio de Rusconi en 1510, chez Melchior Sessa,
Pierre de Ravanis, etc. C'est un des plus beaux alphabets
que je connaisse.
On a vu reproduite par la gravure moderne la série si
curieuse des lettres ornementales de Van Meckenen, dont la
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que nous rencontrons dans les vieux incunables. Puis un
jour vint, où le graveur en caractères osa graver sur bois
une initiale. Qui sait ? Quelque querelle peut-être entre un
maître imprimeur et son écrivain ! A partir de ce jour-là,
les scribes durent reconnaître que leur industrie était bien
réellement morte.
Les plus intelligents se mirent sans doute en devoir d'uti-
liser leur talent en fournissant aux imprimeurs ou aux
graveurs de l'époque des dessins d'initiales ornées qu'ils
durent évidemment tracer d'après le sentiment de celles
qu'ils avaient autrefois peintes et miniaturées dans les ma-
nuscrits. De là cette ressemblance frappante entre les pre-
mières lettres ornées imprimées et les anciens monuments
manuscrits. Pendant longtemps, la forme archaïque des
lettres usitées à cette époque se retrouva sous la main des
artistes, de façon toute naturelle. Dès que la Renaissance
lumineuse apparut, traînant derrière elle l'admirable cor-
tège des maîtres délicats, fils de la Grèce antique, qui mou-
laient la feuille divine de l'acanthe sur le sein nu d'une
vierge endormie, le vieux monde s'écroula et l'ornement
gothique fit place à la triomphante et poétique arabesque,
devenue l'aurore nouvelle. Mais aujourd'hui nous passerons
seulement en revue l'ornementation gothique des livres.
A l'époque qui nous occupe, on ne trouve dans les livres
que peu ou point de frises ou têtes de chapitres et de culs-
de-lampe. Ce sont donc les lettres qui, seules, forment la
base de l'ornementation. Les lettres ornées, en thèse géné-
rale, peuvent se classer en trois grandeurs différentes :
1° Les majuscules, qui mesurent depuis 30 mm. de hau-
teiir et même plus, jusqu'à 80 mm. et même plus.
2" Les lettres courantes, qui mesurent depuis 20 mm.
jusqu'à 30 mm. de hauteur.
3° Enfin, les lettrines, qui mesurent depuis 9 mm. jusqu'à
20 mm. de hauteur.
Nous allons parcourir, dans les gothiques, ces trois séries
différentes.
GOTHIQUES MAJUSCULES. — Dans les anciens psau-
tiers de Mayence, l'on rencontre de très grandes lettres en
rouge plein avec dessins en réserve représentant des lévriers
ou chiens courants, qui donnent leur nom à ces alphabets
rarissimes, fort curieux par leur ancienneté. Les traduire en
noir serait leur enlever leur personnalité.
En Espagne je rencontre de très grandes lettres à
ornements tourmentés, dont le T ci-devant rend très fidèle-
ment la nature.
A Venise, les premiers alphabets sont d'une remarquable
simplicité ; le P que voici donne une idée générale de ces
lettres, où les enfants, transfermés en anges bouffis, se pré-
sentent sous tous les aspects.
Les célèbres alphabets vénitiens sur fond noir pur ont un
cachet artistique tout spécial ; ce sont également des enfants
qui en font parfois le principal ornement comme le montre
la lettre O ci-dessous. On rencontre ces lettres magnifiques
chez Ottaviani Scoto, en 1490, puis chez Jean Tamino en 1506,
chez Gregorio de Rusconi en 1510, chez Melchior Sessa,
Pierre de Ravanis, etc. C'est un des plus beaux alphabets
que je connaisse.
On a vu reproduite par la gravure moderne la série si
curieuse des lettres ornementales de Van Meckenen, dont la