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L'UNIVERS.
-gu'elle ne la peutencore déposer, quoi-
■que le chastiment qu'elle a reçeu cle-
■jxi-is le cours de ces troubles,1 en la
'diminuant de son thrésôr, seule cause
■de sa présomption, la dût avoir mor-
tifiée. Elle se persuade que touts les
princes sont obligez de veiller h touts
ses intérêts, et pour l'avancement
il'iceux, oublier les leurs propres; et
eeulx qui n'adhèrent pas à ses pas-
sions, sont descriez et déchirez par
elle, comme vrays E spagnols.JieîMate
■oultre mesure, elle n'ayme aucun
prince, ny monstre s'y confierqu'en
tant qu'elle en ha besoing. Bref, c'est
une multitude confuse de personnes
,particulières, qui représentent en pu-
blic l'image d'un prince, et ne retien-
nent aucune des vertus qui accompa-
gnent ceste dignité, ains au contraire
.se troulvent chargez de touts les ri-
xes et imperfections d'hommes pri-
miez. »
M. Botta paraît croire que les trois
inquisiteurs envoyèrent au palais de
l'ambassadeur d'iispagne, l'avogador
Nicolas Valier, et quelques membres
du conseil des Dix, pour y faire
-des recherches, et qu'on y trouva
■ des armes cachées. Tous les rapports
•des ambassadeurs étrangers, à Venise,
■ne font aucune mention de cette cir-
constance. On ne devrait pas ignorer
■que dans le cas d'une telle violence,
exercée , sous quelque prétexte que ce
fût, contre un ambassadeur dans son
domicile, qui est assimilé aux états de
son maître, tous les ministres étran-
gers se doivent protection et appui,
et se concertent pour réclamer una-
nimement le droit des gens. Le cas
seul d'un flagrant délit, dans un en-
■éïoit public, ou hors du domicile de
l'ambassadeur, c'est-à-dire, hors des
■états de son maître, est prévu; mais
-chez lui, il n'y a que les ordres de son
propre souverain qui puissent l'attein-
-dre : le fait de la visite est absolument
■taux, et beaucoup départies de l'accu-
sation reposent sur ce fait. Nous arri-
vons à ce qui concerne à la Cueva. Il
: me paraît vrai qu'il avait entendu l'aven-
torier Jacques Pierre, parler d'une con-
L-^piratioiuluduc-d'OssonecontreVenise,
mais il y avait dix mois, puisque cette
conversation eut lieu le 14 juillet 1617,
et la Cueva n'avait pas excité cet
homme, dont il se déliait, à poursuivre
l'entreprise. Cependant, il ne lui avait
pas montré non plus de l'horreur pour
un tel dessein, et il n'avait pas cher-
ché'à l'en détourner: en cela la Cueva
agissait mal, puisqu'il laissait croire
à cet homme que les Espagnols ver-
raient de sang-froid des conspirations
contre les Vénitiens, alors leurs alliés,
La Cueva, connu sous le nom de
marquis de Bedmar, ne s'était pas
cru coupable, parce qu'il avait écouté
un aventurier qui jouait un double
rôle dans cette affaire. Mais Venise
ne cessa de garder le souvenir de cette
disposition ennemie. Il a paru une
instruction donnée par cet ambassa-
sadeur espagnol, à don Luigi Bravo,
son successeur. Dans un des passages
de cette pièce intéressante, Bedmar
s'exprime ainsi à propos de la conjura-
tion : « Je fais peu de cas de ma ré-
putation, si ce sacrifice peut être utile
aux affaires d'Espagne : il ne faut pas
contrarier les Vénitiens sur le mal
qu'ils disent de moi ; il suffit que le
roi sache que le duc d'Ossone et moi
nous n'avons pas manqué à notre de-
voir. » Il parle ainsi du gouvernement
vénitien : « A l'administration de la
république président cent caractères
( cento vmori), la plupart hétéroclites
et incompréhensibles. Les Vénitiens
disent que les Français modernes ont
dégénéré de la valeur et de l'habileté
de cette bonne politique qui fut tou-
jours regardée comme le don particu-
lier de leurs ancêtres. Ils ont insulté
les deux premières nations du monde,
l'espagnole et la française, avec les
vociférations de je ne sais quelle conju-
ration. C'est la France qu'ils ont
représentée comme agente des scélé-
ratesses ( ribalderie ) des autres ; 'e
nom de S. M. C. et de la nation es'
pagnole est le plus odieux aux yeu*
de la république. Le nom d:'Espagnol
est la.plus grande injure que donne 1*
peuple : c'est comme si on appela'*
quelqu'un voleur ou sicaire. Ils 110
sont pas si aveugles qu'ils ne s'apei"
L'UNIVERS.
-gu'elle ne la peutencore déposer, quoi-
■que le chastiment qu'elle a reçeu cle-
■jxi-is le cours de ces troubles,1 en la
'diminuant de son thrésôr, seule cause
■de sa présomption, la dût avoir mor-
tifiée. Elle se persuade que touts les
princes sont obligez de veiller h touts
ses intérêts, et pour l'avancement
il'iceux, oublier les leurs propres; et
eeulx qui n'adhèrent pas à ses pas-
sions, sont descriez et déchirez par
elle, comme vrays E spagnols.JieîMate
■oultre mesure, elle n'ayme aucun
prince, ny monstre s'y confierqu'en
tant qu'elle en ha besoing. Bref, c'est
une multitude confuse de personnes
,particulières, qui représentent en pu-
blic l'image d'un prince, et ne retien-
nent aucune des vertus qui accompa-
gnent ceste dignité, ains au contraire
.se troulvent chargez de touts les ri-
xes et imperfections d'hommes pri-
miez. »
M. Botta paraît croire que les trois
inquisiteurs envoyèrent au palais de
l'ambassadeur d'iispagne, l'avogador
Nicolas Valier, et quelques membres
du conseil des Dix, pour y faire
-des recherches, et qu'on y trouva
■ des armes cachées. Tous les rapports
•des ambassadeurs étrangers, à Venise,
■ne font aucune mention de cette cir-
constance. On ne devrait pas ignorer
■que dans le cas d'une telle violence,
exercée , sous quelque prétexte que ce
fût, contre un ambassadeur dans son
domicile, qui est assimilé aux états de
son maître, tous les ministres étran-
gers se doivent protection et appui,
et se concertent pour réclamer una-
nimement le droit des gens. Le cas
seul d'un flagrant délit, dans un en-
■éïoit public, ou hors du domicile de
l'ambassadeur, c'est-à-dire, hors des
■états de son maître, est prévu; mais
-chez lui, il n'y a que les ordres de son
propre souverain qui puissent l'attein-
-dre : le fait de la visite est absolument
■taux, et beaucoup départies de l'accu-
sation reposent sur ce fait. Nous arri-
vons à ce qui concerne à la Cueva. Il
: me paraît vrai qu'il avait entendu l'aven-
torier Jacques Pierre, parler d'une con-
L-^piratioiuluduc-d'OssonecontreVenise,
mais il y avait dix mois, puisque cette
conversation eut lieu le 14 juillet 1617,
et la Cueva n'avait pas excité cet
homme, dont il se déliait, à poursuivre
l'entreprise. Cependant, il ne lui avait
pas montré non plus de l'horreur pour
un tel dessein, et il n'avait pas cher-
ché'à l'en détourner: en cela la Cueva
agissait mal, puisqu'il laissait croire
à cet homme que les Espagnols ver-
raient de sang-froid des conspirations
contre les Vénitiens, alors leurs alliés,
La Cueva, connu sous le nom de
marquis de Bedmar, ne s'était pas
cru coupable, parce qu'il avait écouté
un aventurier qui jouait un double
rôle dans cette affaire. Mais Venise
ne cessa de garder le souvenir de cette
disposition ennemie. Il a paru une
instruction donnée par cet ambassa-
sadeur espagnol, à don Luigi Bravo,
son successeur. Dans un des passages
de cette pièce intéressante, Bedmar
s'exprime ainsi à propos de la conjura-
tion : « Je fais peu de cas de ma ré-
putation, si ce sacrifice peut être utile
aux affaires d'Espagne : il ne faut pas
contrarier les Vénitiens sur le mal
qu'ils disent de moi ; il suffit que le
roi sache que le duc d'Ossone et moi
nous n'avons pas manqué à notre de-
voir. » Il parle ainsi du gouvernement
vénitien : « A l'administration de la
république président cent caractères
( cento vmori), la plupart hétéroclites
et incompréhensibles. Les Vénitiens
disent que les Français modernes ont
dégénéré de la valeur et de l'habileté
de cette bonne politique qui fut tou-
jours regardée comme le don particu-
lier de leurs ancêtres. Ils ont insulté
les deux premières nations du monde,
l'espagnole et la française, avec les
vociférations de je ne sais quelle conju-
ration. C'est la France qu'ils ont
représentée comme agente des scélé-
ratesses ( ribalderie ) des autres ; 'e
nom de S. M. C. et de la nation es'
pagnole est le plus odieux aux yeu*
de la république. Le nom d:'Espagnol
est la.plus grande injure que donne 1*
peuple : c'est comme si on appela'*
quelqu'un voleur ou sicaire. Ils 110
sont pas si aveugles qu'ils ne s'apei"