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PREFACE
« La France est un pays pourri, une Babylone
moderne dont les miasmes de décadence mal-
saine ne tarderaient pas à empoisonner l’Europe
et à y propager les scènes de débauche dont les
derniers Romains semblent lui avoir légué le
secret, si sa puissante voisine, la robuste Ger-
mania, ne se dressait contre elle et, superbe et
saine, droite dans son armure, n’endiguait le flot
qui vient de France, et ne sauvait le vieux monde
d’une débâcle imminente où il risquerait de
sombrer. »
C’est ainsi que pensent et s’expriment nos voi-
sins d’Outre-Rhin. Le bourgeois allemand est
sévère à notre égard; est-ce orgueil? est-ce jalou-
sie? peu nous importe. Toujours est-il que si le
Teuton nous peint comme des dégénérés, comme
les derniers débris d’une civilisation faisandée,
dont lui, le Germain vigoureux et fier, a reçu de
Dieu la mission de préserver l’Europe, que si la
Nation allemande nous écrase sous un mépris
aussi vivement formulé, elle doit, elle, offrir avec
la France le plus beau contraste de vertu, de santé
morale et de force sociale, montrant par cette ,
opposition flagrante quelle a le droit de nous
haïr et de préserver les autres nations de notre
dangereux contact.
Malheureusement, en est-il bien ainsi ? — .
Les Allemands sont sévères; mais, au lieu de
regarder de l’autre côté de la frontière,pour tirer de
notre décrépitude un enseignement si nécessaire,
que ne regardent-ils chez eux! Pourquoi ne pas
avoir porté leurs investigations et leurs recher-
ches parmi les leurs ?
— Messieurs les Allemands ! regardez parmi
vous et dites, en toute sincérité, si votre droit de
critiquer si amèrement la France est bien fondé;
n’êtes-vous pas plus malades que nous, et ne res-
semblez-vous pas à ces mécréants qui, pour
cacher et excuser à leurs propres yeux leurs for-
faits, cherchent à découvrir chez ceux qui les
entourent des crimes qui surpassent les leurs ?
Les faits sont cruels pour vous! Aussi, loin
d’employer vos méthodes critiques et de porter
sur votre civilisation des jugements généraux,
nous contenterons-nous de prendre, depuis quel-
ques années un certain nombre de faits pour les
mettre sous vos yeux ; ils évoqueront suffi-
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samment les concussions, les dépravations qui
fleurissent en Allemagne, et cette fausse pudeur
dont vous vous voilez comme d’une feuille de
vigne est trop mince et trop étroite, pour dissi-
muler aux regards de l’Europe les maux dont
vous souffrez.
Ces faits seront suffisamment probants et
éclaireront — sans aucune grâce, nous en conve-
nons — ce qui se cache sous l’armure étincelante
et les jupes rigides de la superbe Germania.
La place nous manquerait pour les rappeler
tous ces scandales, nous n’en citerons que quel-
ques-uns et ils suffiront pour l’édification des
foules !
L’affaire Krosighk (1903). — Un jour, un
officier allemand est tué dans la cour de la
caserne ; l’assassin est introuvable, cependant les
soupçons s’arrêtent sur un sous-officier nommé
Krosighk et, malgré le manque de preuves, le
Conseil de guerre le condamne à mort. Un recours
en grâce est intenté auprès de l’Empereur pour
sauver Krosighk qui peut-être est innocent; mais
Sa Majesté déclare que le Conseil de guerre a
prononcé, que ses sentences sont infaillibles et
que, par conséquent, il n’a pu se tromper ;
Krosighk est donc coupable et doit être exécuté.
L’affaire du Prince d’Arenberg (1904). — Ren-
contrant dans la rue un sous-officier de réserve
qui, par mégarde, ne l’avait pas salué, le Prince
d’Arenberg ne se contente pas, comme cela se
fait en pareil cas en Allemagne, de lui cravacher
la figure ; il estime qu’un châtiment plus grave
est dû à une si énorme négligence et tue le sous-
officier à coup de revolver.
L’affaire Pultkammer (1907). — C’était un
gouverneur de l’Afrique allemande dont le passe-
temps favori était de faire rôtir les nègres à petit
feu. Il avait emmené avec lui sa maîtresse, une
grosse Gretclien autoritaire, qui était devenue le
gouverneur effectif, Puttkammer étant trop
occupé à ses « rôtisseries nègres » pour s’intéres-
ser aux affaires administratives.
II est inutile de faire des commentaires sur
l'affaire Eulenbourg, le nom seul suffit.
Hélas ! pauvre Germania ! quand vous mon-
tez à cheval, sur ce beau cheval que le Caporal
Lohengrin conduit par la bride, il vous arrive
parfois de relever un peu trop haut vos jupes, et
les dessous que vous exhibez aux yeux de vos
voisins sont loin d’être immaculés !...