HISTOIRE. - PARIS ANCIEN.
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D’autres actes d’une haute importance furent également dus à l’influence de saint Germain : la reconstruction de l’église
cathédrale, à côté de l’ancienne basilique de Saint-Étienne et sous l’invocation de la Sainte Vierge et la fondation de la grande
abbaye de Saint-Vincent, plus tard Saint-Germain-des-Prés.
Il existait déjà auprès de Saint-Étienne une petite chapelle dédiée à la Mère de Dieu; Childebert la fit raser, ainsi que plusieurs
maisons romaines voisines, et employa les débris de l’autel des Nantes Parisiens aux fondations de la nouvelle cathédrale. Des
fouilles récentes (1847), entreprises sur la place du Parvis, ont mis au jour quelques substructions ensevelies depuis dix siècles
peut-être. « On retrouva, dit M. de Guilhermy, p. 21, une partie de la mosaïque en petits cubes de marbre de diverses couleurs
qui servait de pavé aux nefs de l’église, trois de ces colonnes en marbre d’Aquitaine, vulgairement appelé grand antique, et un
grand chapiteau corinthien de marbre blanc qui présentait tous les caractères de la sculpture mérovingienne. » Ces découvertes
confirment la poétique description qu’en donne Venance Fortunat (lib. II, Garni. 10). Trente colonnes de marbre, dit-il,
soutenaient le splendide édifice; ses fenêtres, garnies d’une clôture de vitraux éclatants, recevaient les premiers rayons du
jour; ses lambris et ses murs brillaient du plus vif éclat. Prêtre et roi, comme un autre Melchisedech, Childebert avait voulu
enrichir de ses dons ce temple magnifique, etc. Fortunat célèbre aussi la gravité du clergé de Paris et les mérites du saint évêque
Germain, qui, les mains levées vers le ciel, appelait sur son peuple, ainsi qu’un nouveau Moïse. les bénédictions divines. Il avait
également introduit dans la prière publique une pompe et dans le chant d’église une harmonie qui attiraient et ravissaient la
foule. Ce fut dans cette basilique nouvelle que se tint le troisième concile de Paris (5'57), composé de quinze évêques, présidé
par Probien, archevêque de Bourges; on y compta jusqu’à huit prélats depuis honorés comme saints, en y comprenant le pasteur
de Paris. Le concile, dans dix, canons, combattit les usurpateurs des biens ecclésiastiques et maintint l’élection des évêques par
le suffrage libre du clergé et du peuple.
Quant à la fondation de Saint-Vincent, la date n’en est pas certaine. L’opinion la plus commune, appuyée sur les termes
mêmes de la charte de fondation, la place à la fin de la vie de Childebert, vers 556. Cette charte, mieux que toute critique,
fait connaître les hommes et le temps : « Childebert, roi des Francs, homme illustre..... Moi, Childebert, avec le consentement
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et la volonté des Francs et des Neustrasiens (la royauté barbare n’est qu’une primauté librement acceptée par les guerriers), et
sur l’exhortation du très-saint Germain, pontife de la ville des Parisiens, et du consentement des évêques, ai commencé à
construire un temple dans la ville de Paris, près des murs de la Cité, sur un terrain qui aspecte le fisc (terre domaniale) d’Issy,
en un lieu nommé Locotitiæ, en l’honneur du saint martyr Vincent, dont nous avons rapporté les reliques d’Espagne, ainsi que
de la sainte Croix, de saint Étienne et saint Ferréol, etc. Nous donnons donc en l’honneur de ces saints seigneurs un fisc
appartenant à notre largesse, nommé Issy, situé dans le pays des Parisiens, près du lit de la Seine, avec tout ce qu’il contient :
manses, champs, territoires, vignes, bois, prés, serfs, inquilins (colons), affranchis, ministérielles (ouvriers), excepté ceux que
nous voulons être libres, avec toutes les dépendances, etc. » On voit qu’il n’est pas question dans ce diplôme de la tunique ou
étole (stola) de saint Vincent que Childebert, au dire des historiens, rapporta de Saragosse et qui aurait été le principal motif
de la création du monastère; ils indiquent, en outre, plusieurs autres objets précieux, fruits de la conquête, comme ayant été
déposés par Childebert au trésor de Saint-Vincent : une riche croix d’or et de pierreries prise à Tolède, des vases qui passaient
pour avoir appartenu à Salomon, soixante calices, quinze patènes de pur or et vingt évangéliaires couverts de lames d’or et de
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pierreries.
Quoi qu’il en soit, le temple fut magnifique; il était cruciforme, soutenu par de grandes colonnes de marbre, percé de
nombreuses fenêtres et couvert d’un lambris doré. Des peintures à fond d’or embellissaient les murs; une riche mosaïque
formait le pavé, et des lames de cuivre doré composaient la toiture; elle jetait un éclat si vif qu’on nomma plus tard l’édifice
Saint-Germain-le-Doré. L’évêque de Paris, assisté de six autres prélats rassemblés par l’ordre du roi, en fit la dédicace solennelle
le jour même de la mort de Childebert, 23 décembre 558, sous le titre de Sainte-Croix et Saint-Vincent. A côté de l’église
s’éleva un vaste monastère, où saint Germain établit des religieux venant de Saint-Symphorien d’Autun, son ancien séjour : ils
suivaient la règle des saints Antoine et Basile, alors encore la plus répandue, et avaient pour abbé Droctovée, son disciple et son
ami. Bientôt après ils reçurent la règle de saint Benoît, le grand rénovateur de la vie monastique en Occident : douze siècles de
puissance et de gloire ont rendu immortel le souvenir de l’illustre abbaye de Saint-Germain-des-Prés.
Childebert fut enseveli dans le sanctuaire, et jusqu’à la fondation de l’abbaye de Saint-Denis par Dagobert, l’église de
Saint-Vincent servit de sépulture ordinaire aux rois et aux princes de la dynastie mérovingienne. La plupart de ces tombes
royales, contenant de curieuses dépouilles, furent ouvertes et étudiées au XVIIe siècle.
Clotaire, qui succéda à Childebert, commença par accourir à Paris et par mettre la main sur les trésors amassés par ce
dernier. Il exila sa veuve Ultrogothe avec ses deux filles; cependant elles ne tardèrent pas à être rappelées et mises en possession
( 1 ) 11 en résulta une double cathédrale, et les deux vocables se trouvent indiqués dans tous les monuments originaux jusqu’au XIIe siècle.
2mc P. — P. A.
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D’autres actes d’une haute importance furent également dus à l’influence de saint Germain : la reconstruction de l’église
cathédrale, à côté de l’ancienne basilique de Saint-Étienne et sous l’invocation de la Sainte Vierge et la fondation de la grande
abbaye de Saint-Vincent, plus tard Saint-Germain-des-Prés.
Il existait déjà auprès de Saint-Étienne une petite chapelle dédiée à la Mère de Dieu; Childebert la fit raser, ainsi que plusieurs
maisons romaines voisines, et employa les débris de l’autel des Nantes Parisiens aux fondations de la nouvelle cathédrale. Des
fouilles récentes (1847), entreprises sur la place du Parvis, ont mis au jour quelques substructions ensevelies depuis dix siècles
peut-être. « On retrouva, dit M. de Guilhermy, p. 21, une partie de la mosaïque en petits cubes de marbre de diverses couleurs
qui servait de pavé aux nefs de l’église, trois de ces colonnes en marbre d’Aquitaine, vulgairement appelé grand antique, et un
grand chapiteau corinthien de marbre blanc qui présentait tous les caractères de la sculpture mérovingienne. » Ces découvertes
confirment la poétique description qu’en donne Venance Fortunat (lib. II, Garni. 10). Trente colonnes de marbre, dit-il,
soutenaient le splendide édifice; ses fenêtres, garnies d’une clôture de vitraux éclatants, recevaient les premiers rayons du
jour; ses lambris et ses murs brillaient du plus vif éclat. Prêtre et roi, comme un autre Melchisedech, Childebert avait voulu
enrichir de ses dons ce temple magnifique, etc. Fortunat célèbre aussi la gravité du clergé de Paris et les mérites du saint évêque
Germain, qui, les mains levées vers le ciel, appelait sur son peuple, ainsi qu’un nouveau Moïse. les bénédictions divines. Il avait
également introduit dans la prière publique une pompe et dans le chant d’église une harmonie qui attiraient et ravissaient la
foule. Ce fut dans cette basilique nouvelle que se tint le troisième concile de Paris (5'57), composé de quinze évêques, présidé
par Probien, archevêque de Bourges; on y compta jusqu’à huit prélats depuis honorés comme saints, en y comprenant le pasteur
de Paris. Le concile, dans dix, canons, combattit les usurpateurs des biens ecclésiastiques et maintint l’élection des évêques par
le suffrage libre du clergé et du peuple.
Quant à la fondation de Saint-Vincent, la date n’en est pas certaine. L’opinion la plus commune, appuyée sur les termes
mêmes de la charte de fondation, la place à la fin de la vie de Childebert, vers 556. Cette charte, mieux que toute critique,
fait connaître les hommes et le temps : « Childebert, roi des Francs, homme illustre..... Moi, Childebert, avec le consentement
I
et la volonté des Francs et des Neustrasiens (la royauté barbare n’est qu’une primauté librement acceptée par les guerriers), et
sur l’exhortation du très-saint Germain, pontife de la ville des Parisiens, et du consentement des évêques, ai commencé à
construire un temple dans la ville de Paris, près des murs de la Cité, sur un terrain qui aspecte le fisc (terre domaniale) d’Issy,
en un lieu nommé Locotitiæ, en l’honneur du saint martyr Vincent, dont nous avons rapporté les reliques d’Espagne, ainsi que
de la sainte Croix, de saint Étienne et saint Ferréol, etc. Nous donnons donc en l’honneur de ces saints seigneurs un fisc
appartenant à notre largesse, nommé Issy, situé dans le pays des Parisiens, près du lit de la Seine, avec tout ce qu’il contient :
manses, champs, territoires, vignes, bois, prés, serfs, inquilins (colons), affranchis, ministérielles (ouvriers), excepté ceux que
nous voulons être libres, avec toutes les dépendances, etc. » On voit qu’il n’est pas question dans ce diplôme de la tunique ou
étole (stola) de saint Vincent que Childebert, au dire des historiens, rapporta de Saragosse et qui aurait été le principal motif
de la création du monastère; ils indiquent, en outre, plusieurs autres objets précieux, fruits de la conquête, comme ayant été
déposés par Childebert au trésor de Saint-Vincent : une riche croix d’or et de pierreries prise à Tolède, des vases qui passaient
pour avoir appartenu à Salomon, soixante calices, quinze patènes de pur or et vingt évangéliaires couverts de lames d’or et de
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pierreries.
Quoi qu’il en soit, le temple fut magnifique; il était cruciforme, soutenu par de grandes colonnes de marbre, percé de
nombreuses fenêtres et couvert d’un lambris doré. Des peintures à fond d’or embellissaient les murs; une riche mosaïque
formait le pavé, et des lames de cuivre doré composaient la toiture; elle jetait un éclat si vif qu’on nomma plus tard l’édifice
Saint-Germain-le-Doré. L’évêque de Paris, assisté de six autres prélats rassemblés par l’ordre du roi, en fit la dédicace solennelle
le jour même de la mort de Childebert, 23 décembre 558, sous le titre de Sainte-Croix et Saint-Vincent. A côté de l’église
s’éleva un vaste monastère, où saint Germain établit des religieux venant de Saint-Symphorien d’Autun, son ancien séjour : ils
suivaient la règle des saints Antoine et Basile, alors encore la plus répandue, et avaient pour abbé Droctovée, son disciple et son
ami. Bientôt après ils reçurent la règle de saint Benoît, le grand rénovateur de la vie monastique en Occident : douze siècles de
puissance et de gloire ont rendu immortel le souvenir de l’illustre abbaye de Saint-Germain-des-Prés.
Childebert fut enseveli dans le sanctuaire, et jusqu’à la fondation de l’abbaye de Saint-Denis par Dagobert, l’église de
Saint-Vincent servit de sépulture ordinaire aux rois et aux princes de la dynastie mérovingienne. La plupart de ces tombes
royales, contenant de curieuses dépouilles, furent ouvertes et étudiées au XVIIe siècle.
Clotaire, qui succéda à Childebert, commença par accourir à Paris et par mettre la main sur les trésors amassés par ce
dernier. Il exila sa veuve Ultrogothe avec ses deux filles; cependant elles ne tardèrent pas à être rappelées et mises en possession
( 1 ) 11 en résulta une double cathédrale, et les deux vocables se trouvent indiqués dans tous les monuments originaux jusqu’au XIIe siècle.
2mc P. — P. A.
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