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Audiganne, Armand; Benoist, Philippe [Ill.]
Paris dans sa splendeur: monuments, vues, scènes historiques, descriptions et histoire$ddessins et lithographies par MM. Philippe Benoist [und 17 weitere] ; texte par MM. Audiganne [und 23 weitere] (3ième volume): Histoire de Paris - environs de Paris — Paris: Henri Charpentier, 1861

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https://doi.org/10.11588/diglit.71015#0066

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PARIS DANS SA SPLENDEUR.

d’Isabeau de Bavière, la jeune femme du roi. Le magnifique cortège arriva à Paris par la porte Saint-Denis; la reine, précédée
de la reine Jeanne, veuve de Philippe—le—Bel, et de la duchesse d’Orléans, était accompagnée des duchesses de Berry, de
Bourgogne, de Touraine et de Bar, de la comtesse de Nevers, de la dame de Goucy et de beaucoup d’autres dames de qualité,
les unes en litière, les autres à cheval. Autour de la litière royale, marchaient les ducs de Touraine, de Bourbon, de Berry et de
Bourgogne, Pierre de Navarre et le comte d’Ostrevant. Dans la rue Saint-Denis, on avait établi une fontaine sous un reposoir
d’azur fleurdelisé, dont les tentures portaient les armoiries des plus nobles seigneurs de France. La fontaine était entourée
de jeunes filles bien parées, avec de beaux chapeaux de drap d’or. Elles chantaient et offraient, dans des coupes de vermeil,
l’hypocras et les douces liqueurs qui coulaient de la fontaine. Plus loin, on avait établi des théâtres où se livraient des batailles
simulées et où les Chrétiens triomphaient des Sarrazins. Le roi de France était figuré sur son trône, entouré de ses douze pairs,
et le roi Richard lui demandait respectueusement la permission d’aller combattre le sultan Saladin. A la seconde porte Saint-Denis,
démolie au XVIe siècle, on avait établi un autre ciel plus riche que le premier, et quand la reine passa par là, assise dans sa
brillante litière, de jeunes enfants de chœur, vêtus en anges, posèrent sur sa tête une couronne d’or, en chantant : Noble dame
des fleurs de lys, soyez reine du paradis de France, etc. La rue Saint-Denis était couverte et tapissée de drap camelot, d’étoffes
de soie et de tapisseries représentant les héros de l’antiquité ou de la fable. Sur tout le reste du parcours, on avait improvisé
des parcs, des châteaux, des forteresses, des jeux publics, des combats d’animaux, des tournois allégoriques. Sur la terrasse du
Châtelet était le lit de justice du roi, où siégeait Madame Sainte-Anne. Alors sortit du bois un grand cerf blanc qui remuait la
tête et tournait les yeux. Un aigle et un lion s’avancèrent pour attaquer le cerf; mais il prit le glaive de justice pour se défendre,
et douze jeunes filles, l’épée à la main, vinrent aussi le protéger. Le pont Notre-Dame était magnifiquement couvert et tapissé. En
cet endroit, au passage du cortège, un Génois, fort habile acrobate, descendit du haut des tours de Notre-Dame, sur une corde
tendue, portant en main deux torches ardentes, et semblant voler. Après avoir déposé une couronne sur la tête d’Isabelle, il
s'enleva dans les airs par le même chemin. Sur le parvis de la cathédrale, l’évêque de Paris, entouré de l’élite de son clergé,
vint recevoir la reine, et bientôt après eut lieu la cérémonie du couronnement. Le lendemain les fêtes recommencèrent, et tout
se termina par un immense banquet royal servi au Palais-de-Justice, sur la table de marbre, et par un grand bal donné à l’hôtel
Saint-Pol, habitation du roi.
Quelques années se passèrent, et ce même roi, qu’aimait le peuple, tomba en démence: sa maladie, qui avait des intermittences
de lucidité, livra le royaume à l’avarice des princes et à la criminelle ambition de la reine. La misère du pays s’accrut; mais, à
Paris, on continua de donner des fêtes pour amuser et distraire le malheureux monarque à qui personne n’imputait les calamités
publiques et qui inspirait la pitié universelle. La rivalité de deux princes du sang, les ducs d’Orléans et de Bourgogne, causa de
nouvelles agitations et aboutit à un crime odieux. Le 23 novembre 1407, à huit heures du soir, par une nuit fort obscure, le
duc d’Orléans, passant dans la rue Vieille-du-Temple, près de la porte Barbette, fut attaqué par des gens apostés, et immédiatement
mis à mort. Le principal instigateur du meurtre, Jean-sans-Peur, duc de Bourgogne, se réfugia en Flandre; mais cet événement
suscita, entre deux puissantes branches de la famille royale, une haine implacable et de longues vengeances, dont Paris et la
France ressentirent les funestes effets. Les Bourguignons, partisans de Jean-sans-Peur, les Armagnacs, partisans des héritiers du
duc d’Orléans, engagèrent plusieurs fois d’horribles luttes, toujours accompagnées de meurtres et de pillage. La faction de
Jean-sans-Peur portait, pour signe de ralliement, une croix de Saint-André rouge; les Armagnacs, une croix blanche à angles
droits. Les Armagnacs avaient enrôlé une foule d’aventuriers, de bandits et de sicaires du Midi ou de l’Ouest; à Paris, le comte
de Saint-Pol, dévoué au duc de Bourgogne, lui chercha des alliances dans ce que la population avait de plus grossier et de
plus redoutable; la corporation des bouchers, à elle seule, fournit aux Bourguignons une compagnie de cinq cents hommes,
résolus à tous les meurtres, et que commandait un nommé Simon Caboche, écorcheur de bêtes. Ces soldats de l’émeute, maîtres
de Paris, égorgeaient sans merci tous les Armagnacs qui leur tombaient sous la main, ou tous les riches dont on convoitait les
trésors, et que l’on rendait suspects au peuple. Durant un hiver de lugubre souvenir (1411-1412), Paris fut livré aux sicaires
et aux bourreaux, et l’élite des citoyens nobles était chaque jour envoyée au supplice; les autres languissaient de froid ou de faim
dans les prisons où on les avait entassés; dans le reste de la France, comme à Paris, chaque faction procédait à l’extermination
de l’autre. A la faveur de ces luttes impies, qui couvraient le royaume de ruines, les Anglais envahissaient peu à peu les provinces
du Midi et de l’Ouest; les deux partis, au lieu de se rallier pour les combattre, sollicitaient leur appui, et, pour l’obtenir,
abandonnaient à l’étranger une portion du territoire. Charles VI, étant atteint de démence, son fils aîné, le Dauphin, exerçait
l’autorité à Paris, sans pouvoir s’affranchir du joug des factions. On l’accusa de s’allier aux Armagnacs. Au mois de mai 1413,
la populace des faubourgs, suscitée en secret par le duc de Bourgogne, se souleva contre le Dauphin et son gouvernement. Les
écorcheurs, les cabochiens (on donnait ce nom aux Bourguignons de la basse classe) se portèrent contre la Bastille et contre
l’hôtel Saint-Pol, alors résidence royale. La forteresse ouvrit ses portes. Quant au Dauphin, menacé de mort et exposé à la force
brutale, il ne put sauver ses conseillers et ses amis, qui furent emprisonnés ou massacrés. Dès ce moment le pouvoir appartint
 
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