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Audiganne, Armand; Benoist, Philippe [Ill.]
Paris dans sa splendeur: monuments, vues, scènes historiques, descriptions et histoire$ddessins et lithographies par MM. Philippe Benoist [und 17 weitere] ; texte par MM. Audiganne [und 23 weitere] (3ième volume): Histoire de Paris - environs de Paris — Paris: Henri Charpentier, 1861

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https://doi.org/10.11588/diglit.71015#0087

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HISTOIRE. - PARIS ANCIEN.

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peuple, elle y fut généralement silencieuse. Henri IV se rendit au Louvre, et le lendemain à Notre-Dame, où le Te Deum fut
chanté. Les Espagnols avaient quitté Paris dès le soir de l’entrée du roi. Henri IV les laissa loyalement sortir, suivant l’expression
même de Taxis, l’un des plénipotentiaires de Philippe IL II ne s’opposa même point à ce qu’ils partissent fièrement, enseignes
déployées, et il se donna le plaisir de les voir passer du haut d’une fenêtre de la porte Saint-Denis. « Le prince étoit habillé en
gris-clair avec un chapeau noir surmonté d’une grande plume blanche, écrivait le duc de Feria à sa cour. Nos étendards ne lui
rendirent aucun honneur. » Mais les officiers le saluaient , et Henri IV, leur rendant le salut, ajoutait gaîment : « Recommandez-moi
bien à votre maître; allez-vous-en, à la bonne heure, mais n’y revenez plus. »
Les Espagnols cependant se promettaient bien de revenir. « Je doute que Paris soit tout-à-fait perdu, » écrivait l’un d’eux à
Madrid; mais la. courtoisie chevaleresque et la douceur des manières dont eux-mêmes avaient été frappés chez Henri IV, devaient
infailliblement produire le même effet chez les Parisiens. La Ligue pouvait encore lutter péniblement en province; mais la prise
de Paris lui avait porté un irrémédiable coup. '
La Ligue fut la croisade de la bourgeoisie, et cette croisade fut à la fois son triomphe et sa ruine. Ainsi Henri IV avait été réduit
à abjurer Calvin, la France avait un roi catholique et un roi français, double résultat qu’il eût été difficile de prévoir en 1589;
mais la bourgeoisie tomba épuisée dans la lutte, et sa hère indépendance municipale fut absorbée par la royauté. Henri IV est le
premier roi complètement absolu ou du moins qui ait cherché à l’être parmi nous, et il ne fut pas le seul en Europe, à la suite
des longues luttes et du mépris de tous les droits que provoqua la révolte de Luther. Si cette époque a inauguré le règne de la
liberté de la pensée, elle a célébré en même temps, presque partout, les funérailles des antiques libertés des peuples.
Il ne faut pas croire, au reste, qu’en France on se soit prêté de mauvaise grâce à l’omnipotence royale. On avait tellement
souffert de l’anarchie, que la nation s’offrait d’elle-même au pouvoir dans l’espérance d’obtenir par lui un peu de repos. Henri IV
cachait d’ailleurs assez habilement son despotisme sous les apparences d’une bonhomie quelque peu gasconne. — « Je ne vous ai
point ici appeléz, disait-il à l’assemblée des notables de Rouen, comme faisoient mes prédécesseurs, pour vous obliger d’approuver
aveuglément mes volontés; je vous ai fait assembler pour recevoir vos conseils, pour les croire, pour les suivre; en un mot, pour
me mettre en tutelle, entre vos mains. C’est une envie qui. ne prend guère aux rois, aux barbes grises et aux victorieux comme
moi; mais l’amour que je porte à mes sujets et l’extrême désir que j’ay de conserver l’Estat me font trouver tout facile et tout
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honorable. »
Loin toutefois de se mettre en tutelle, Henri IV parvint à déjouer les projets de l’assemblée avec une habileté dont l’honneur
revient pour une bonne part à Sully, et qui, sans rien faire perdre de sa popularité au roi, assura de plus en plus son
indépendance. « Ne doutez point que je ne vous aime bien, écrivait Henri IV à Marie de Médicis, car vous faictes tout ce que je veux;
c’est le vrai moyen de me gouverner. » Tel était en effet, comme roi aussi bien que comme mari, tout le secret de sa politique.
Si de cet aperçu général nous passons maintenant à l’étude de Paris, nous y trouverons à chaque pas les traces funestes de
la guerre. « Il y avoit peu de maisons entières et sans ruines, raconte un contemporain; elles étoient la plupart inhabitées, le
pavé des rues étoit à demy couvert d’herbes. Quant au dehors, les maisons des fauxbourgs toutes rasées; il n’y avoit quasi un
village qui eût pierre sur pierre et les campagnes toutes désertes et en friche. »
Six ans après la prise de Paris, le blé s’y vendait encore 25 francs le septier; faut-il ajouter que la peste succédait trop
souvent à la famine. Les rues de Paris étaient encombrées de malheureux qui venaient de loin y chercher leur vie dans la
mendicité ou le brigandage, et le fisc se faisait voleur à son tour : l’effrénée quantité de ses agents, pour employer les propres
expressions de Henri IV, s’entendaient par compère et par commère avec les membres du conseil des finances et 'mangeaient le
cochon ensemble. Henri portait h plus de quinze cent mille écus les sommes qui avaient été dilapidées de la sorte en une année,
tandis que lui n’avait quasi pas un cheval sur lequel il pût combattre.
Pour remédier à de tels désordres, Henri eut recours à Sully, dont le grand talent fut de porter dans l’administration la rigueur
de la discipline militaire. « Il avoit la négative fort rude, dit Mézeray, étoit impénétrable aux prières et aux emportements, et
attiroit à toutes mains l’argent dans ses coffres. »
Sully se fit de la sorte une imposante réputation d’austérité que démentait, il est vrai, jusqu’à un certain point, le chiffre
toujours croissant de sa fortune et de ses titres. Mais enfin il s’entendait à merveille à économiser, à thésauriser et à faire rendre
gorge aux traitants. Il avait, en outre, admirablement compris que le labourage et le pâturage sont nos vraies mines du Pérou et
les deux mamelles de la France. Aussi s’attacha-t-il surtout à développer l’agriculture qui nourrit l’homme et qui fortifie la race,
tandis qu’il ne manifestait que de l’aversion pour le luxe qui énerve l’âme et pour l’industrie manufacturière qui appauvrit le sang.
Il entrait dans les projets de Sully de ne tolérer les carrosses et les autres inventions du luxe qu’à des conditions qui, dit-il
lui-même, auraient coûté cher à la vanité. Il aurait voulu surtout faire poursuivre et punir, par des censeurs publiquement élus,
tous ceux qui, par le scandale d’une vie dissolue et prodigue, portaient un notable préjudice œu public, aux particuliers et à
eux-mêmes.
 
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