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Audiganne, Armand; Benoist, Philippe [Ill.]
Paris dans sa splendeur: monuments, vues, scènes historiques, descriptions et histoire$ddessins et lithographies par MM. Philippe Benoist [und 17 weitere] ; texte par MM. Audiganne [und 23 weitere] (3ième volume): Histoire de Paris - environs de Paris — Paris: Henri Charpentier, 1861

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https://doi.org/10.11588/diglit.71015#0113

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HISTOIRE. - PARIS ANCIEN. 7 O
et tant d’effervescence; mais que pouvait Louis XVI avec sa seule droiture? Les économistes avaient conçu de vastes projets de
réformes administratives; il les appelle au pouvoir malgré les incertitudes et quelquefois les exagérations d’une science encore peu
approfondie. Il supprime la corvée, il abolit la question judiciaire; il prépare et met à l’essai dans quelques provinces un système
de représentation locale qui doit améliorer progressivement sans détruire. Plus il avance toutefois, plus les obstacles se multiplient,
et alors il cède, tantôt aüx parlements, tantôt à la cour, tantôt à Beaumarchais ou à Voltaire.
On sait le triomphe de Voltaire à Paris en 1778. Trente cordons bleus s’inscrivent à sa porte; la cour et la ville sont à ses
pieds; les dames, pour avoir de ses reliques, vont jusqu’à arracher du poil de sa fourrure; on l’acclame, on l’encense, on le
couronne. Que pensait cependant de Paris ce saint, ce dieu du jour, comme on disait? qu’en pensait-il à cette heure même où il
fléchissait sous le poids des ovations? « Paris, écrivait—il à Florian, Paris est le rendez-vous de toutes les folies, de toutes les
sottises et de toutes les horreurs possibles. » (1b mars 1778.) C’était justice.
Quatre ans après le triomphe de Voltaire, Beaumarchais triomphait à son tour. La société s’écroulait sous les coups du ridicule.
Encore dix ans, et à la place de Louis XVI, à la place de tous ces hommes qui ne s’étaient donné que la peine de naître, comme
disait Figaro, nous allions avoir les gens de mérite, le mérite de Robespierre, le mérite de Danton, le mérite de Marat !
Jetons maintenant un rapide coup-d’œil sur la marche des arts durant un siècle qui abusa de tant de dons heureux. Nous
l’avons dit: les arts en étaient à Watteau; c’est-à-dire que l’afféterie et la mignardise avaient succédé à la grandeur un peu froide
et théâtrale, mais du moins toujours noble des tableaux de Lebrun. Le style du XVIIIe siècle a pris divers noms; style Louis XV,
style Pompadour, style Rococo; c’est la recherche et la bizarrerie au service de toutes les petitesses : des bergères poudrées, des
statues érotiques, de petits réduits, comme disait Diderot, c'est-à-dire des boudoirs. Voilà à quoi se complaisait l’art de l’époque.
Le costume, qui est aussi une partie de l’art, tombait de son côté dans le ridicule. Les mouches, les hauts talons, les robes à
panier semblaient appeler la difformité elle-même à l’aide de la coquetterie ou du vice. Les hommes portaient des pantins; au
lieu des larges perruques à la Louis XIV, ils avaient adopté les queues et les nattes. Sur leur tête reposait un petit tricorne.
Enfin, la poudre envahissait toutes les coiffures. On comptait à Paris douze cents coiffeurs pour dames; le nombre des prostituées,
à la même époque, était de trente-trois mille.
Le luxe atteignit, au XVIIIe siècle, à ses dernières bornes, non plus sans doute le luxe du grand, mais le luxe du riche et du
comfortable, Aux anciens éléments de la haute société, était venu se joindre tout un monde de financiers et de fermiers généraux,
qui ne fut pas sans influence sur cette révolution du goût et des habitudes. M. Capefigue, qui a écrit l’histoire des financiers avec
amour, nous les représente introduisant dans la construction et l’ameublement de leurs hôtels, et jusque dans les préparations de
leur cuisine, la sensualité la plus recherchée et ces mille petits riens de l’élégance et de la douce vie.
« Ce qui distinguait les hôtels construits par les fermiers généraux, dit-il, c’était læré.union du faste et de l’utile. Tout était bien
dessiné et réparti de manière à rendre la vie douce et le service commode. Les meubles précieux étaient surtout réjouissants à
l’œil: rien de sévère, tout est sensualité..... Un salon d’été frais et abrité du soleil par les vastes ombrées du jardin; un salon
d’hiver édredonné, un tapis épais, tentures, large foyer déguisé sous les guipures; chambre à coucher haute et saine, paravents
gais à l’œil, serre et volière toute rose, toute dorée; chaise à porteurs en porcelaine émaillée dans l’antichambre et tout ambrée,
beaux laquais, carrosse, chevaux fringants; l’art de vivre poussé à sa plus charmante expression. »
« Us nous donnèrent le vin de Bordeaux trempé dans l’eau chaude, c’est toujours M. Capefigue qui parle, le Champagne frappé
de glace. C’est au président Hénault, d’une des grandes familles financières, qu’on doit la renommée du Chambertin et du
Clos-Vougeot qui avaient rendu la vie à Voltaire. On lui doit aussi les coulis qui sont aux sauces ce que l’esprit est à la matière:
coulis de crevettes, d’écrevisses, de gibier, et le potage bisque, la plus habile combinaison médicale pour les estomacs froids. Ils
créèrent la souveraineté de la truffe ! »
Paris possède encore plusieurs des splendides demeures construites par les financiers du dernier siècle; elles peuvent servir de
termes de comparaison avec celles qu’édifiaient encore quelques grands seigneurs et quelques princes. Parmi ces dernières, nous
citerons l’hôtel de Bouillon, sur le quai Malaquais; l’hôtel de Belle-Ile, en face du Pont-Royal; Dhôtel de Salm, rue de Lille,
occupé aujourd’hui par la Légion-d’Honneur, et le palais Bourbon construit par les Condé. Les financiers habitaient de préférence
la rive droite de la Seine; et la place Vendôme, le faubourg Saint-Honoré, la Chaussée-d’Antin furent en grande partie leur
œuvre. L’hôtel de la Chancellerie, place Vendôme, fut confisqué sur Bourvalais. La mairie du deuxième arrondissement, rue
Grange-Batelière, occupe l’ancienne et riche demeure du fermier général d’Augny; mais vainement y chercherait-on désormais
ses bains de marbre, ses écuries pour soixante chevaux, son manège pour l’équitation, sa laiterie en un chalet suisse, le tout
épars dans un jardin qui s’étendait jusqu’au faubourg Montmartre. Le magnifique hôtel du Jockey-Club était, il y a cent ans,
l’hôtel Delaage; encore un financier dont les prodigalités étaient célèbres. Le jour où son fils sentit percer sa première dent,
Delaage donna à la nourrice la maison qu’elle habitait avec vingt arpents de terre. Au faubourg Saint-Honoré enfin, on peut
admirer encore les élégantes ou somptueuses constructions des Crésus du XVIIIe siècle, depuis le charmant pavillon de Grimod
 
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