HISTOIRE.
PARIS MODERNE.
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avec sa jeune épouse; vers la fin du ballet, à onze heures du soir, la duchesse voulut se retirer avant la fin de la représentation.
Le duc de Berry raccompagna jusqu’à sa voiture, et alors un homme, qui se tenait aux aguets depuis trois heures, s’élança vers
lui, et le frappa dans le flanc droit d’un coup de stylet. Le prince chancela sous le coup, porta la main sur le poignard qui était
resté dans la blessure, et s’écria : « Je suis assassiné! je suis mort! » Quelques heures après, malgré les soins les plus empressés,
le malheureux prince rendit le dernier soupir, entouré de la famille royale éplorée, et muni des secours de la religion. L’assassin,
nommé Louvel, fut traduit devant la Cour des Pairs et condamné au dernier supplice. Cet attentat, qui fit frémir tous les cœurs
honnêtes, raviva les haines et les fureurs politiques; le Gouvernement, entraîné par ses plus chauds amis dans une voie de
réaction, prit des mesures contre la liberté et rendit l’opposition libérale responsable du crime de Louvel. A la faveur de l’émotion
que de pareils événements réveillèrent, il y eut à Paris, en 1820, beaucoup de troubles publics que la force armée réprima
sévèrement, et qui, à leur tour, réagirent sur l’attitude des Chambres. Au milieu de ces crises politiques qui mettaient en présence
le Gouvernement et les partis, S. A. R. Mme la duchesse de Berry mit au monde un enfant qui reçut en naissant le titre de duc
de Bordeaux.
Le 1er mai 1821, des fêtes extraordinaires eurent lieu à l’occasion du baptême du jeune duc; il y eut des représentations
populaires dans les salles de spectacle. Le lendemain, une fête des plus splendides fut donnée à l’Hôtel—de—Ville; la grande salle de
bal avait été construite dans l’emplacement occupé par la cour de l’hôtel, et jusqu’alors rien n’avait égalé la magnificence déployée,
au nom de Paris, par le corps municipal. De nos jours ces pompes ont été tellement surpassées, que nos regards s’arrêteraient à
peine sur les splendeurs du bal de 1821. Des stances, composées par M. Alissan de Chazet, mises en musique par Boïeldieu
et Berton, furent beaucoup remarquées par les invités de l’Hôtel-de-Vifie. Mais nul, peut-être, parmi ceux qui acclamaient ces
paroles de circonstance, ne jetait un regard d’inquiétude sur l’avenir.
Quatre jours après ces fêtes mourut à Sainte-Hélène l’empereur Napoléon-le-Grand.
Le 14 mai de la même année eut lieu l’ouverture du canal de Saint-Denis, alimenté par les eaux de l’Ourcq, et qui avait été
commencé en 1811; — le 21, Paris rendit les derniers devoirs à la dépouille mortelle de Camille Jordan, homme de talent et
homme de bien. — Le 3 juin, des troubles, assez promptement réprimés, éclatèrent à l’occasion d’un service funèbre debout de
l’an , célébré à Saint-Eustache pour le repos de l’âme du jeune Lallemand, tué dans les émeutes de 1820. — L’année 1822 ne
fut marquée, à Paris, par aucun événement considérable. C’est vers cette époque qu’une société secrète prit dans cette ville un
redoutable développement, et travailla à organiser la démocratie, en vue d’une victoire éventuelle. Elle eut pour chefs les hommes
les plus avancés ou les plus compromis de l’école révolutionnaire. En même temps qu’elle recrutait des conspirateurs et peuplait
ses ventes de jeunes exaltés, dont les noms, alors obscurs, obtinrent plus tard, dans d’autres luttes, une sorte de célébrité, Paris
et la France voyaient éclater sur divers points des conspirations militaires que le Gouvernement déjoua avec une sanglante énergie.
La plupart des conjurés, sortis des rangs de l’ancienne armée impériale, agirent et moururent en invoquant le nom et la cause
de Napoléon IL A Paris, les quatre Sergents de La Rochelle, qui montèrent sur l’échafaud de la place de Grève, périrent pour
la cause républicaine. La pitié que leur sort provoqua dans les rangs du peuple ne fit qu’ajouter aux embarras politiques
contre lesquels luttaient les Bourbons. — L’année suivante (4 823) vit s’envenimer les discordes parlementaires, et la session
des deux Chambres fut troublée par l’expulsion du député Manuel, l’une des idoles de l’opposition libérale. — A l’agitation produite
par cet incident, succéda l’émotion de longue durée que souleva la guerre d’Espagne. Le 2 décembre, le duc d’Angoulême qui
avait conduit cette expédition, de la Bidassoa à Cadix, revint à Paris, où on lui décerna les honneurs du triomphe. L’arc de
triomphe, projeté par Napoléon Ier pour la gloire de la grande armée, fut dédié par le roi Louis XVIiï à l’armée qui revenait
d’Espagne. Sous ce même édifice, alors figuré par des échafaudages recouverts de toiles peintes, le prince généralissime fit son
entrée à cheval, au milieu d’un grand cortège de troupes et de peuple. La guerre qui venait de s’accomplir était une guerre de
principe; les Bourbons espérèrent désormais un long avenir; la Révolution ^Française parut vaincue en la personne de Riego
et des Cortès, et la monarchie se crut en mesure de déjouer les attaques de ses ennemis. Vaine illusion que les événements
devaient bientôt détruire.
En cette même année (1823) eut lieu à Paris l’exposition des produits de l’industrie nationale, et les préoccupations nées de la
guerre d’Espagne n’empêchèrent pas qu’elle eut de l’importance et de l’éclat; on put voir avec satisfaction que l’industrie française
était en progrès et marchait dans la voie d’un perfectionnement illimité. Le roi, entouré des grands officiers de la Couronne, reçut
dans la salle du Trône les membres du jury d’exposition; là, on donna lecture des noms des exposants qui avaient été jugés dignes
des prix réservés à l’industrie, et ils vinrent successivement les recevoir des mains du roi. Bientôt après, sous l’influence des
événements d’Espagne, on renouvela par l’élection la Chambre des Députés, et les grands et petits collèges, dominés par l’influence
gouvernementale, envoyèrent au palais Bourbon une assemblée presque entièrement composée d’hommes dévoués aux institutions
qui régissaient la France avant 1789. Ce fut à peine si l’opposition libérale put obtenir la majorité dans seize collèges. Les premiers
mois de l’année 1824 furent remplis par les travaux de cette Chambre; mais plus la majorité manifestait, dans l’enceinte législative,
PARIS MODERNE.
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avec sa jeune épouse; vers la fin du ballet, à onze heures du soir, la duchesse voulut se retirer avant la fin de la représentation.
Le duc de Berry raccompagna jusqu’à sa voiture, et alors un homme, qui se tenait aux aguets depuis trois heures, s’élança vers
lui, et le frappa dans le flanc droit d’un coup de stylet. Le prince chancela sous le coup, porta la main sur le poignard qui était
resté dans la blessure, et s’écria : « Je suis assassiné! je suis mort! » Quelques heures après, malgré les soins les plus empressés,
le malheureux prince rendit le dernier soupir, entouré de la famille royale éplorée, et muni des secours de la religion. L’assassin,
nommé Louvel, fut traduit devant la Cour des Pairs et condamné au dernier supplice. Cet attentat, qui fit frémir tous les cœurs
honnêtes, raviva les haines et les fureurs politiques; le Gouvernement, entraîné par ses plus chauds amis dans une voie de
réaction, prit des mesures contre la liberté et rendit l’opposition libérale responsable du crime de Louvel. A la faveur de l’émotion
que de pareils événements réveillèrent, il y eut à Paris, en 1820, beaucoup de troubles publics que la force armée réprima
sévèrement, et qui, à leur tour, réagirent sur l’attitude des Chambres. Au milieu de ces crises politiques qui mettaient en présence
le Gouvernement et les partis, S. A. R. Mme la duchesse de Berry mit au monde un enfant qui reçut en naissant le titre de duc
de Bordeaux.
Le 1er mai 1821, des fêtes extraordinaires eurent lieu à l’occasion du baptême du jeune duc; il y eut des représentations
populaires dans les salles de spectacle. Le lendemain, une fête des plus splendides fut donnée à l’Hôtel—de—Ville; la grande salle de
bal avait été construite dans l’emplacement occupé par la cour de l’hôtel, et jusqu’alors rien n’avait égalé la magnificence déployée,
au nom de Paris, par le corps municipal. De nos jours ces pompes ont été tellement surpassées, que nos regards s’arrêteraient à
peine sur les splendeurs du bal de 1821. Des stances, composées par M. Alissan de Chazet, mises en musique par Boïeldieu
et Berton, furent beaucoup remarquées par les invités de l’Hôtel-de-Vifie. Mais nul, peut-être, parmi ceux qui acclamaient ces
paroles de circonstance, ne jetait un regard d’inquiétude sur l’avenir.
Quatre jours après ces fêtes mourut à Sainte-Hélène l’empereur Napoléon-le-Grand.
Le 14 mai de la même année eut lieu l’ouverture du canal de Saint-Denis, alimenté par les eaux de l’Ourcq, et qui avait été
commencé en 1811; — le 21, Paris rendit les derniers devoirs à la dépouille mortelle de Camille Jordan, homme de talent et
homme de bien. — Le 3 juin, des troubles, assez promptement réprimés, éclatèrent à l’occasion d’un service funèbre debout de
l’an , célébré à Saint-Eustache pour le repos de l’âme du jeune Lallemand, tué dans les émeutes de 1820. — L’année 1822 ne
fut marquée, à Paris, par aucun événement considérable. C’est vers cette époque qu’une société secrète prit dans cette ville un
redoutable développement, et travailla à organiser la démocratie, en vue d’une victoire éventuelle. Elle eut pour chefs les hommes
les plus avancés ou les plus compromis de l’école révolutionnaire. En même temps qu’elle recrutait des conspirateurs et peuplait
ses ventes de jeunes exaltés, dont les noms, alors obscurs, obtinrent plus tard, dans d’autres luttes, une sorte de célébrité, Paris
et la France voyaient éclater sur divers points des conspirations militaires que le Gouvernement déjoua avec une sanglante énergie.
La plupart des conjurés, sortis des rangs de l’ancienne armée impériale, agirent et moururent en invoquant le nom et la cause
de Napoléon IL A Paris, les quatre Sergents de La Rochelle, qui montèrent sur l’échafaud de la place de Grève, périrent pour
la cause républicaine. La pitié que leur sort provoqua dans les rangs du peuple ne fit qu’ajouter aux embarras politiques
contre lesquels luttaient les Bourbons. — L’année suivante (4 823) vit s’envenimer les discordes parlementaires, et la session
des deux Chambres fut troublée par l’expulsion du député Manuel, l’une des idoles de l’opposition libérale. — A l’agitation produite
par cet incident, succéda l’émotion de longue durée que souleva la guerre d’Espagne. Le 2 décembre, le duc d’Angoulême qui
avait conduit cette expédition, de la Bidassoa à Cadix, revint à Paris, où on lui décerna les honneurs du triomphe. L’arc de
triomphe, projeté par Napoléon Ier pour la gloire de la grande armée, fut dédié par le roi Louis XVIiï à l’armée qui revenait
d’Espagne. Sous ce même édifice, alors figuré par des échafaudages recouverts de toiles peintes, le prince généralissime fit son
entrée à cheval, au milieu d’un grand cortège de troupes et de peuple. La guerre qui venait de s’accomplir était une guerre de
principe; les Bourbons espérèrent désormais un long avenir; la Révolution ^Française parut vaincue en la personne de Riego
et des Cortès, et la monarchie se crut en mesure de déjouer les attaques de ses ennemis. Vaine illusion que les événements
devaient bientôt détruire.
En cette même année (1823) eut lieu à Paris l’exposition des produits de l’industrie nationale, et les préoccupations nées de la
guerre d’Espagne n’empêchèrent pas qu’elle eut de l’importance et de l’éclat; on put voir avec satisfaction que l’industrie française
était en progrès et marchait dans la voie d’un perfectionnement illimité. Le roi, entouré des grands officiers de la Couronne, reçut
dans la salle du Trône les membres du jury d’exposition; là, on donna lecture des noms des exposants qui avaient été jugés dignes
des prix réservés à l’industrie, et ils vinrent successivement les recevoir des mains du roi. Bientôt après, sous l’influence des
événements d’Espagne, on renouvela par l’élection la Chambre des Députés, et les grands et petits collèges, dominés par l’influence
gouvernementale, envoyèrent au palais Bourbon une assemblée presque entièrement composée d’hommes dévoués aux institutions
qui régissaient la France avant 1789. Ce fut à peine si l’opposition libérale put obtenir la majorité dans seize collèges. Les premiers
mois de l’année 1824 furent remplis par les travaux de cette Chambre; mais plus la majorité manifestait, dans l’enceinte législative,