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Audiganne, Armand; Benoist, Philippe [Ill.]
Paris dans sa splendeur: monuments, vues, scènes historiques, descriptions et histoire$ddessins et lithographies par MM. Philippe Benoist [und 17 weitere] ; texte par MM. Audiganne [und 23 weitere] (3ième volume): Histoire de Paris - environs de Paris — Paris: Henri Charpentier, 1861

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https://doi.org/10.11588/diglit.71015#0167
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HISTOIRE. - PARIS MODERNE.

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Dans l’ordre des faits artistiques et littéraires, l’année 1836, à Paris, ne fut point dénuée de souvenirs. Au Salon, le public
admira un des chefs-d’œuvre de Léopold Robert, artiste dont la fin déplorable, encore toute récente, attristait les amis du vrai
et du beau. Le tableau auquel nous faisons allusion est celui qui représente les Pécheurs de V Adriatique. Le peintre, quand il
)
traçait cette belle page, était sous l’empire d’un sentiment de souffrance et de mélancolie qui est resté manifestement empreint
dans la personne de ces hommes prêts à partir, de ces femmes qui restent; il a donc exprimé sur la toile avec éloquence cette
douleur profonde dont il était oppressé. Jamais peut-être, à part une certaine raideur et un certain appareil théâtral qui font que
les tableaux de Léopold Robert tendent plus ou moins au bas-relief, jamais l’art de la peinture n’avait mieux rendu les effets
d’une séparation prochaine sur les membres d’une même famille.
Vers le même temps, M. de Lamartine fit paraître Jocelyn, une des œuvres les plus remarquables auxquelles il ait attaché son
nom. Tout en blâmant l’idée même de ce poème, qui repose sur une situation fausse et irréligieuse, on doit reconnaître que
rarement l’illustre écrivain déploya plus de talent et de fécondité.
Dans l’ordre des faits purement physiques, l’année 1836 ne fut signalée que par une crue de la Seine : le 15 décembre, la
rivière s’éleva à 7. mètres 20 centimètres; plusieurs quais et plusieurs rues furent envahis par les eaux qui pénétrèrent jusqu’au
milieu de la place de l’Hôtel—de—Ville.
La recette des théâtres atteignit le chiffre énorme de sept millions de francs; à aucune époque, elle n’avait été aussi considérable,
et, toutefois, l’apparition d’aucune œuvre d’un mérite transcendant et incontesté ne justifia cette anomalie.
Les fastes de 1837 ne présentent, dans l’histoire de Paris, qu’un fort petit nombre d’incidents. L’opinion commençait à se
lasser des luttes parlementaires; dans l’enceinte du palais Bourbon, des hommes d’un haut talent oratoire, mais d’un sens politique
peu profond, perdaient un temps précieux à se disputer des portefeuilles de ministre. Ce sera pour l’avenir un sujet d’étonnement
de voir qu’on a pu alors dépenser tant de discours et tant d’intelligence en des conflits misérables et stériles qui, à la longue,
usaient les ressorts de l’esprit public et déconsidéraient le gouvernement représentatif. Cette situation s’aggrava lorsque, le 15
avril, un ministère qui avait pour chef M. le comte Molé, remplaça celui de M. Thiers et de ses collègues. Dès ce moment, les
deux principaux orateurs politiques dont se soit enorgueilli le gouvernement de Juillet, nous voulons parler de MM. Thiers et
Guizot, se virent écartés du pouvoir et travaillèrent à y revenir. M. Molé et ses amis se cramponnèrent énergiquement à
l’administration et défendirent le poste où les avait appelés la confiance du roi. Quant à ce prince, auquel on avait fait une
réputation très-exagérée d’habileté et de sagesse, il s’amoindrissait en permettant que son nom fût mêlé à ces querelles
subalternes, en souffrant que la royauté fût mise à découvert par les hommes de parti. Ce fut pour la France une situation des
plus étranges et qui se prolongea près de dix ans. En dehors de l’enceinte parlementaire, et sauf quelques commotions de courte
durée, la pays jouissait d’un grand calme et d’une prospérité matérielle jusqu’alors inconnue : l’agriculture et l’industrie
développaient rapidement leurs progrès; un bien-être réel récompensait les efforts du travailleur; un mouvement ascensionnel
était imprimé aux affaires; la littérature et l’art trouvaient des encouragements; les débats de la tribune donnaient lieu à de
magnifiques harangues quen’eùt pas désavouées Demosthène; Paris s’embellissait et s’accroissait, et cependant, sous ces apparences
de bonheur et de paix, il se faisait dans les esprits et dans les choses un travail déplorable, et les hommes sages entrevoyaient
déjà les germes de dépérissement et de ruine. Au fond, les principes et les idées étaient sacrifiés aux intérêts transitoires de la
spéculation et du lucre; deux cent mille censitaires électoraux, exclusivement chargés du soin de représenter dans les comices
les vœux et les volontés du pays, ne se déterminaient dans leur choix qu’en faveur de quelques privilégiés, et confisquaient
ainsi à leur profit les droits de tous; le petit nombre d’élus envoyés à la Chambre se laissaient, pour la plupart, traîner à
la remorque par les ministres ou par les chefs d’opposition, et presque tous faisaient bon marché de la gloire et de l’honneur du
pays, pourvu que satisfaction fût donnée à leur arrondissement; il y avait entre le Gouvernement et les députés un échange de
complaisances et de concessions, et ces fâcheux contrats se concluaient au détriment de la France; si bien que, malgré sa force,
sa renommée, ses glorieux instincts, notre patrie était abaissée aux yeux de l’Europe et descendait au rang de puissance
secondaire. Disons toutefois, pour ce qui concerne la vie propre de Paris, que cette grande ville ne se ressentait nullement de
l’amoindrissement public; qu’elle se maintenait à la première place parmi les cités du monde; que son commerce s’enrichissait
dans une proportion rapide; que ses palais, ses édifices, ses rues recevaient des embellissements continus, et que rien n’eût
manqué à sa splendeur, si sa population et l’étranger, en traversant le Carrousel, n’eussent été affligés par le spectacle de
décombres, de ruines, de travaux inachevés, qui semblaient attester l’incurie ou l’impuissance du Gouvernement.
Le 25 mai 1837, eut lieu à l’Académie Française la réception de M. Mignet. L’illustre historien succédait à Raynouard,
l’auteur des Templiers. Cette solennité littéraire eut beaucoup d’éclat. — Le 30, M. le duc d’Orléans, prince royal, épousa à
Fontainebleau la princesse Hélène de Mecklembourg-Schwerin; le 15 juin, à l’occasion de ce mariage, des fêtes et des
réjouissances officielles eurent lieu à Paris : on y déploya beaucoup de pompe;, mais, le même soir, la capitale fut attristée par
une douloureuse catastrophe. Une petite guerre avait eu lieu au Champ-de-Mars, et cette fête militaire avait attiré un immense

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