HISTOIRE.
PARIS MODERNE.
3
fief de Tirechape; le fief Pépin ou Thibaud-aux-Dés; le fief des Tombes et le fief de Poissy. Dans tous ces fiefs, l’archevêque avait
droit de justice et de voirie. La juridiction religieuse du prélat s’étendait sur les paroisses de la ville et de la banlieue; mais
plusieurs établissements importants, entr’autres le Temple, la Sainte-Chapelle, les Quinze-Vingts et Saint-Symphorien (dans
l’enclos de Saint-Germain-des-Prés), étaient exceptés de l’ordinaire. Les officialités métropolitaine et diocésaine connaissaient en
première instance ou en appel des causes d’administration ecclésiastique qui leur étaient nécessairement soumises; le bailliage
de la duché-pairie de l’archevêché de Paris tenait ses audiences chaque lundi. Le bailliage de la barre du chapitre de Paris
connaissait « de toutes les causes civiles, criminelles et de police, dans toute l’étendue du cloître et terrain, même dans l’intérieur
de l’église, et aussi des droits seigneuriaux dépendants de la censive de Messieurs; » la juridiction du chantre comprenait les
questions relatives aux écoles ecclésiastiques de la ville, de la cité, des faubourgs et de la banlieue; un bureau ecclésiastique
percevait les revenus et taxes de mainmorte dépendants de l’archevêché; il y avait une chambre souveraine du clergé de France,
dans laquelle siégeaient trois ecclésiastiques « conseillers au Parlement » et environ vingt conseillers-commissaires députés des
diocèses. On voit que cette organisation s’écartait beaucoup de celle qui fonctionne aujourd’hui et dont les attributions sont si
clairement définies.
Les princes, les seigneurs et les pairs de France exerçaient dans l’Etat une influence considérable, mais qu’aucune loi écrite
n’avait limitée ni déterminée, et dont on ne saurait bien se rendre compte qu’en étudiant dans toutes ses phases l’histoire de la
monarchie française. Il y avait six pairs, princes du sang, et six pairs ecclésiastiques, trente-huit pairs laïcs, seize ducs non pairs,
vérifiés au Parlement, et un nombre plus considérable encore de ducs à brevets d’honneur. Le duc de Brissac, gouverneur et
lieutenant général, commandait à la ville, à la prévôté et à la vicomté de Paris; un autre seigneur du même rang était gouverneur
de file de France; l’hôtel des Invalides, l’École Militaire et la Bastille avaient leurs gouverneurs particuliers. Les conseils du roi
comprenaient le Conseil d’Etat, le Conseil des Dépêches, le Conseil des Finances et le Conseil du Commerce. Il y avait, en outre,
le Conseil des Prises, présidé par le duc de Penthièvre, et je ne sais combien de bureaux chargés d’examiner et d’élucider les
affaires contentieuses qui concernaient le commerce, les postes, le domaine, les différentes régies, les droits de péages, la
reddition des comptes, les vivres des armées de terre et de mer, les actions de la Compagnie des Indes, le soulagement des
communautés d’hommes et de femmes, les droits perçus sur les grains, la réunion des sièges et offices royaux, les affaires des
aides, des gabelles, des grosses fermes, la législation des hypothèques, et enfin les affaires de chancellerie et de librairie.
Les ministères étaient moins embarrassés d’hommes et d’affaires qu’ils ne le sont de nos jours; mais les inconvénients d’une
centralisation excessive, qui se manifestent dans les temps modernes, étaient alors compensés et au delà par une longue série
de retards, de conflits de pouvoirs, de confusion perpétuelle en matière de juridiction, et nous ne croyons pas que le pays ait
beaucoup perdu à se délivrer de tant de rouages mal engrenés et mal définis pour adopter le mécanisme simple et rapide de
l’administration actuelle. M. d’Aligre présidait le Parlement de Paris; M. de Nicolay, la Chambre des Comptes; M. de Barentin, la
Cour des Aides; M. de Tanlay, la Cour des Monnaies. Le siège général de la Table de Marbre comprenait trois juridictions, savoir:
la Connétablie et Maréchaussée, f Amirauté et les Eaux et Forêts. L’administration de la Police était confiée à un conseiller d’État,
lieutenant général; la juridiction de l’Hôtel-de-Ville était composée du prévôt des marchands, nommé par le roi, de quatre échevins
et d’un procureur du roi assisté de ses substituts. Le commerce était protégé par une juridiction consulaire élective ; la Bourse était
tenue dans la cour de la Compagnie des Indes, rue Vivienne. Quant à l’Université de Paris, elle se composait des facultés de
théologie, de droit, de médecine et des arts, et elle avait pour chef un recteur. On nous permettra de ne point développer plus
au long cette revue rétrospective de l’administration et des services généraux de Paris au moment où allait s’ouvrir la Révolution
Française. Nous nous bornons à des indications succinctes, mais dont l’absence ôterait toute clarté au récit qui va suivre.
PREMIÈRE PÉRIODE DE LA RÉVOLUTION.
1789.
nseignement providentiel et châtiment public, source immense de calamités et de progrès, cause de gloire et de
^^M^^jWsang, d’héroïsme et de^crimes, une grande révolution allait bientôt peser sur la France, et Paris en était à la
fois l’instrument et le foyer.
Les causes de cette révolution peuvent être diversement .assignées; elles sont nombreuses, mais elles n’ont rien qui
v porte le caractère de l’imprévu. Un peuple qui, dès ses premières origines, n’a cessé d’être convulsivement occupé à
poursuivre l’application de ses théories, et qui, en politique, en littérature, en coutumes, a rejeté les idées déjà éprouvées pour
en expérimenter d’autres, un tel peuple est de ceux qui, à de certains intervalles, se laissent aller à la dangereuse passion des
PARIS MODERNE.
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fief de Tirechape; le fief Pépin ou Thibaud-aux-Dés; le fief des Tombes et le fief de Poissy. Dans tous ces fiefs, l’archevêque avait
droit de justice et de voirie. La juridiction religieuse du prélat s’étendait sur les paroisses de la ville et de la banlieue; mais
plusieurs établissements importants, entr’autres le Temple, la Sainte-Chapelle, les Quinze-Vingts et Saint-Symphorien (dans
l’enclos de Saint-Germain-des-Prés), étaient exceptés de l’ordinaire. Les officialités métropolitaine et diocésaine connaissaient en
première instance ou en appel des causes d’administration ecclésiastique qui leur étaient nécessairement soumises; le bailliage
de la duché-pairie de l’archevêché de Paris tenait ses audiences chaque lundi. Le bailliage de la barre du chapitre de Paris
connaissait « de toutes les causes civiles, criminelles et de police, dans toute l’étendue du cloître et terrain, même dans l’intérieur
de l’église, et aussi des droits seigneuriaux dépendants de la censive de Messieurs; » la juridiction du chantre comprenait les
questions relatives aux écoles ecclésiastiques de la ville, de la cité, des faubourgs et de la banlieue; un bureau ecclésiastique
percevait les revenus et taxes de mainmorte dépendants de l’archevêché; il y avait une chambre souveraine du clergé de France,
dans laquelle siégeaient trois ecclésiastiques « conseillers au Parlement » et environ vingt conseillers-commissaires députés des
diocèses. On voit que cette organisation s’écartait beaucoup de celle qui fonctionne aujourd’hui et dont les attributions sont si
clairement définies.
Les princes, les seigneurs et les pairs de France exerçaient dans l’Etat une influence considérable, mais qu’aucune loi écrite
n’avait limitée ni déterminée, et dont on ne saurait bien se rendre compte qu’en étudiant dans toutes ses phases l’histoire de la
monarchie française. Il y avait six pairs, princes du sang, et six pairs ecclésiastiques, trente-huit pairs laïcs, seize ducs non pairs,
vérifiés au Parlement, et un nombre plus considérable encore de ducs à brevets d’honneur. Le duc de Brissac, gouverneur et
lieutenant général, commandait à la ville, à la prévôté et à la vicomté de Paris; un autre seigneur du même rang était gouverneur
de file de France; l’hôtel des Invalides, l’École Militaire et la Bastille avaient leurs gouverneurs particuliers. Les conseils du roi
comprenaient le Conseil d’Etat, le Conseil des Dépêches, le Conseil des Finances et le Conseil du Commerce. Il y avait, en outre,
le Conseil des Prises, présidé par le duc de Penthièvre, et je ne sais combien de bureaux chargés d’examiner et d’élucider les
affaires contentieuses qui concernaient le commerce, les postes, le domaine, les différentes régies, les droits de péages, la
reddition des comptes, les vivres des armées de terre et de mer, les actions de la Compagnie des Indes, le soulagement des
communautés d’hommes et de femmes, les droits perçus sur les grains, la réunion des sièges et offices royaux, les affaires des
aides, des gabelles, des grosses fermes, la législation des hypothèques, et enfin les affaires de chancellerie et de librairie.
Les ministères étaient moins embarrassés d’hommes et d’affaires qu’ils ne le sont de nos jours; mais les inconvénients d’une
centralisation excessive, qui se manifestent dans les temps modernes, étaient alors compensés et au delà par une longue série
de retards, de conflits de pouvoirs, de confusion perpétuelle en matière de juridiction, et nous ne croyons pas que le pays ait
beaucoup perdu à se délivrer de tant de rouages mal engrenés et mal définis pour adopter le mécanisme simple et rapide de
l’administration actuelle. M. d’Aligre présidait le Parlement de Paris; M. de Nicolay, la Chambre des Comptes; M. de Barentin, la
Cour des Aides; M. de Tanlay, la Cour des Monnaies. Le siège général de la Table de Marbre comprenait trois juridictions, savoir:
la Connétablie et Maréchaussée, f Amirauté et les Eaux et Forêts. L’administration de la Police était confiée à un conseiller d’État,
lieutenant général; la juridiction de l’Hôtel-de-Ville était composée du prévôt des marchands, nommé par le roi, de quatre échevins
et d’un procureur du roi assisté de ses substituts. Le commerce était protégé par une juridiction consulaire élective ; la Bourse était
tenue dans la cour de la Compagnie des Indes, rue Vivienne. Quant à l’Université de Paris, elle se composait des facultés de
théologie, de droit, de médecine et des arts, et elle avait pour chef un recteur. On nous permettra de ne point développer plus
au long cette revue rétrospective de l’administration et des services généraux de Paris au moment où allait s’ouvrir la Révolution
Française. Nous nous bornons à des indications succinctes, mais dont l’absence ôterait toute clarté au récit qui va suivre.
PREMIÈRE PÉRIODE DE LA RÉVOLUTION.
1789.
nseignement providentiel et châtiment public, source immense de calamités et de progrès, cause de gloire et de
^^M^^jWsang, d’héroïsme et de^crimes, une grande révolution allait bientôt peser sur la France, et Paris en était à la
fois l’instrument et le foyer.
Les causes de cette révolution peuvent être diversement .assignées; elles sont nombreuses, mais elles n’ont rien qui
v porte le caractère de l’imprévu. Un peuple qui, dès ses premières origines, n’a cessé d’être convulsivement occupé à
poursuivre l’application de ses théories, et qui, en politique, en littérature, en coutumes, a rejeté les idées déjà éprouvées pour
en expérimenter d’autres, un tel peuple est de ceux qui, à de certains intervalles, se laissent aller à la dangereuse passion des