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Audiganne, Armand; Benoist, Philippe [Ill.]
Paris dans sa splendeur: monuments, vues, scènes historiques, descriptions et histoire$ddessins et lithographies par MM. Philippe Benoist [und 17 weitere] ; texte par MM. Audiganne [und 23 weitere] (3ième volume): Histoire de Paris - environs de Paris — Paris: Henri Charpentier, 1861

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https://doi.org/10.11588/diglit.71015#0142

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22 PARIS DANS SA SPLENDEUR.
qu’on se la figure peut-être. Nous savons quelle triste réaction les guerres, même les plus heureuses, exercent sur les dispositions
de la France, et quel mélange de douleurs privées altère les émotions de la fierté nationale. A Paris, on songeait moins aux
victoires lointaines de la grande armée qu’aux embarras financiers, à l’interruption des affaires et au deuil de quelques familles.
Les partis qui n’avaient point disparu, bien que circonspects et silencieux, essayaient de fomenter de sourds mécontentements,
d’attrister le peuple, de faire croire à l’importance des désastres et de rapetisser lés victoires. C’est ainsi qu’ils ont coutume d’agir.
L’hiver de 1806 à 1807 fut donc assez triste, bien que Napoléon, du fond de la Pologne, s’efforçât de donner des fêtes à la
France. On dansait, on se laissait aller aux distractions bruyantes, mais les pensées se portaient involontairement sur les souffrances
de la grande armée, campée dans les neiges, à quatre cents lieues de Paris. Mais après les prodiges d’Eylau et de Friedland,
lorsqu’une paix glorieuse eut été conquise sur les bords du Niémen, il se fit dans l’opinion un mouvement sensible de retour vers
la confiance et vers l’Empereur. Vainement un sénatus-consulte, en supprimant le Tribunat, eut-il pour résultat de-faire disparaître
l’une des garanties que la constitution impériale donnait encore à la liberté; vainement une armée française, envahissant le
’ Portugal, sous les ordres de Junot, fit-elle apparaître, par delà des Pyrénées, le commencement, des difficultés qui allaient
surgir en Espagne contre la-France; il y eut dans les esprits et dans les cœurs un temps d’illusion et d’enivrement, et le
pays crut enfin à la durée d’une puissance sous le pied de laquelle' l’Europe continentale tout entière se résignait à fléchir.
A Paris, en 1807, on accueillit par de splendides fêtes la garde impériale qui revenait en France pour y prendre ses quartiers
d’hiver. Lorsque ces dix mille braves, l’élite de l’armée, s’approchèrent de la capitale, ils trouvèrent à la barrière par laquelle ils
entraient à Paris, un arc de triomphe colossal sous les voûtes duquel vingt .hommes pouvaient marcher de front. Au-dessus d’eux,
des Renommées gigantesques étendaient leurs mains chargées de couronnes; le monument, couvert d’inscriptions héroïques, était
surmonté d’un quadrige doré, et l’orchestre exécuta le Chant du Retour, .paroles d’Arnault, musique de MehuL Un immense
banquet donné en plein air, sous un ciel de novembre et contrarié par la pluie, termina la fête. A l’Opéra on donna aux officiers
de la garde une pièce de circonstance intitulée le Triomphe de Trajan, tragédie lyrique,-dont les splendides décors éblouirent
les yeux de l’armée. ■ .y .• \ /.
L’année suivante (1808) fut donnée aux préoccupations que faisait naître la guerre d’Espagne,-et déjà l’avenir s’assombrissait.
L’hiver fut triste. Déjà on avait subi des échecs de l’autre côté des Pyrénées, et laFrancé se voyait dans.la nécessité de soutenir
contre l’Autriche une guerre qui réclamait de grands sacrifices d’hommes et d’argent. Dans les salons de Paris, la malveillance
se traduisait par des épigrâmmes, par le colportage de nouvelles fausses et de propos calomnieux. On se plaisait à dire que jusque
dans les rangs du Sénat et du Corps Législatif une sourde opposition commençait’à se manifester par un accroissement progressif .
de boules noires. Quelques salons de Paris voyaient se grouper les débris de l’ancien parti constitutionnel; ils étaient comme la
pâle contre-épreuve de la société de Coppet, de l’opposition libérale que Mmc de Staël osait alors diriger contre le maître de
l’Europe. Déjà M. de Talleyrand réunissait autour de lui de vieux amis, hommes à l’esprit incisif et aux manières élégantes, qui
risquaient de temps à autre quelques bons mots contre le régime impérial, et bien que nul n’osât encore avouer cpie le soleil
napoléonien commençât à s’obscurcir, beaucoup le pensaient déjà en silence et s’en réjouissaient non moins mystérieusement. La
police ne parvenait que fort mal à comprimer cet esprit d’opposition et ces calculs de la haine. Le ministre qui la dirigeait,
Fouché, duc d’Otrante, était toujours demeuré partisan secret du jacobinisme; par calcul personnel et par orgueil il affectait de
servir l’Empereur; mais adroitement il jouait un jeu double, et il savait fort habilement, sans se compromettre, réveiller les
espérances des vieux partis, les entretenir silencieusement, et renvoyer à Napoléon’la responsabilité de toutes les difficultés et de
toutes les souffrances que le pays se voyait contraint de traverser. Ajoutons que des conflits Religieux compliquaient encore la
situation; de graves dissentiments s’étaient élevés du côté de Rome, ét l’Empereur réussissait mal a résoudre ces questions par
l’emploi de la force matérielle. Les Catholiques voyaient d’ailleurs avec un profond regret l’envahissement des Etats de l’Eglise
par les troupes françaises et les difficultés qui de jour en jour s’aggravaient entre l’Empereur et le Souverain Pontife. La victoire
de Wagram (1809), achetée par des fleuves de sang, imposa silence aux récriminations de la population parisienne, mais elle
ne mit pas fin aux sourdes inquiétudes qui déjà gagnaient beaucoup de terrain. Vers la fin de la même année, Paris fut
douloureusement attristé par le divorce de Napoléon. Le peuple aimait. Joséphine; il voyait en elle le bon génie deTEmpereur, et
il la plaignit dans sa disgrâce imméritée.
En 1810, Paris fut le théâtre des fêtes officielles qui durent être données pour célébrer le mariage de Napoléon et de
l’archiduchesse Marie-Louise. L’Empereur et la nouvelle Impératrice firent leur entrée solennelle dans la capitale de l’Empire;
leur splendide carrosse était traîné par huit chevaux Isabelle, et la foule battait des mains. Arrivés sous le péristyle du château,
les princes traversèrent les salons et les galeries, au milieu d’une affluence innombrable de spectateurs invités, parmi lesquels
figuraient, en grande toilette, plusieurs milliers de jeunes femmes. La galerie du Musée offrait un merveilleux coup-d’œil, et la
messe de mariage fut dite dans le Salon Carré qu’on avait pour un moment transformé en chapelle. Quelques jours après
(juin 1810), il y eut à Paris des réjouissances municipales, et la ville offrit à l’impératrice de fort riches cadeaux. L’une des
 
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